La Chronique de Paul

Hamon, le candidat de trop ?

C’est une information, entendue sur France Culture le 11 avril disant que les milieux financiers s’inquiètent d’une éventuelle victoire de Mélenchon qui m’amène à écrire cette chronique.
Elle s’adresse plutôt à ceux qui ne souhaitent pas voir continuer de s’accentuer les écarts entre les plus riches et les plus pauvres.

Ceux là, ne se retrouvent pas dans la candidature Fillon. L’ancien premier ministre de l’homme du Fouquet et du yacht de Vincent Bolloré de 2007 propose, avec cynisme, la continuation du détricotage de la protection sociale, la rigueur pour la grande majorité de la population et la baisse des impôts pour les plus riches. Ce candidat, bien habillé dans son costume sur mesure, sans même en voir l’impudeur, ne connaît pas les conditions d’existence des pauvres.

Ceux là, pour une grande partie, ont conscience du danger que derrière un discours mettant en avant les difficultés quotidiennes réelles des plus petits, le Front National, ne les protège pas, au contraire. Le racisme, son fond de commerce, les divise et les empêche de voir qui bénéficie de leur misère et ce qui est la cause de leur difficultés quotidiennes. La victoire de Le Pen, fille héritière d’une des plus riches familles françaises, ne remettrait pas en en cause la redistribution des richesses. Tous les eurodéputés du FN ont voté pour le « secret des affaires ». Le capitalisme sait très bien s’entendre avec les forces politiques nationalistes au discours xénophobe. Les profits n’ont pas cessé dans les années 30, quand le National Socialisme en Allemagne, le fascisme en Italie, ont pris le pouvoir autour du même discours social et raciste que le Front National d’aujourd’hui. Par contre, la victoire de Le Pen mettrait en danger la démocratie. Déjà, Madame Le Pen, fille de Jean Marie, refuse de rendre des comptes de ses actes devant la justice.

Une question se pose dimanche pour choisir entre les trois autres candidats de tête qui proposent deux options politiques différentes.

 Celle que nous connaissons depuis cinq ans : une conduite de l’État au service du capitalisme financier. Dans le cadre des règles qu’il a fait mettre en place en Europe, ce capitalisme décide des politiques à tenir à travers deux institutions : les Banques et les Multinationales.
Les banques tiennent les États par les cordons de la bourse Ceux ci doivent emprunter aux banques privées aux conditions que veut bien leur accorder le marché financier. La Banque Centrale Européenne, qui ne peut pas prêter directement aux États, n’a pas d’autre fonction que d’empêcher l’inflation, toujours défavorable au propriétaire du capital.( C’est dans le Traité de Maastricht 1992 )
Les multinationales utilisent les avantages que leur offre le traité de Lisbonne (reformulation du Traite Constitutionnel Européen, rejeté en France en 2005) pour mettre en concurrence les États de l’Union Européenne. Par ce traité, ceux-ci se sont interdits d’harmoniser leur fiscalité et leur législation sociale. Ainsi, les États sont mis en compétition sur le coût du travail le plus bas, sur la fiscalité la plus basse pour le capital, et sur les subventions les plus intéressantes pour propriétaires des entreprises.

Pour cette conduite de l’État, Macron est le mieux placé. Ancien inspecteur des finances, puis associé-gérant à la banque Rothschild où il a « fait du fric », secrétaire général adjoint de l’Élysée en 2012, puis ministre de l’économie, il navigue entre public et privé et peut faire, avec brio, la synthèse des intérêts de l’oligarchie à laquelle il appartient. Ni droite, ni gauche, Européen convaincue, c’est un Bayrou en habit neuf, rajeuni et moins encombré de « charité chrétienne ». Comme à Fillon, les traités européens et la politique européenne actuelle lui vont bien. La finance est maître du jeu, il propose de la gérer en technocrate compétent. Il a appris à le faire à l’ENA et à la banque Rothschild. Il a également appris ce que disait madame Thatcher : « Il n’y a pas d’autre alternative ». Pour Macron, six millions de personnes qui vivent dans la pauvreté, ce n’est pas un problème humain à régler, c’est un fait économique dont on doit tenir compte.

Mélenchon propose une alternative à la politique conduite depuis cinq ans. Il veut remettre en cause les règles du jeu dont les peuples d’Europe ne veulent plus. Remettre en cause les règles qui, au nom du profit, permettent d’accentuer l’écart entre les riches et les pauvres, les règles qui organisent les divisions en mettant les peuples européens en concurrence les uns contre les autres, celles qui favorisent les replis nationalistes et les communautarismes. Le projet de Mélenchon, propose une alternative à l’extrême droite qui, si rien ne change, n’a qu’à attendre pour tirer les marrons du feu. – D’une élection à l’autre, son score augmente. Pour cela, il propose une revalorisation des revenus les plus bas et une imposition plus juste. Pour mettre en place cette politique, incompatible avec les traités européens actuels, il veut renégocier les traités qui sont au service des banques et des multinationales. Cette politique n’est pas anti-européenne, au contraire, c’est une alternative au délitement progressif de l’UE sous la pression des populismes nationaux engendrés par les politiques européennes. C’est une alternative à la victoire des extrêmes droites en Europe et à ses conséquences : la démocratie confisquée et le risque de guerre. Pas facile de remettre en cause, par un vote démocratique, les règles européennes au service du capitalisme financier ! La démocratie Grecque a perdu en 2015 devant la Banque Centrale Européenne et le Conseil Européen. Alexis Tsipras a du céder. Mélenchon sait que ce n’est pas facile, mais pas impossible parce que la France représente 18 % de la richesse européenne et est un des 6 pays fondateurs de l’Europe – la Grèce ne représentait que 5% et sa situation économique était désastreuse quand Syriza a gagné les élections-. Les instances de l’U.E. et les chefs d’État européens ont conscience du poids de la France en Europe. Ils sont également conscients du délitement qui est en train de se produire en Europe, le brexit en Grande Bretagne est passé par là. La situation de la France aujourd’hui est dans un meilleur rapport de force qu’en 2005 (où les institutions européennes, avec l’aval de Chirac et des élus de la nation, ont passé outre au vote « Non » des français). Et, dans le cas où le choix du peuple français conduirait à un rapport de forces frontal avec ces instances Européennes, pour le cas où il ne réussirait pas à faire renégocier les traités, le programme de Mélenchon propose un plan B : Non pas, un repli identitaire sur l’hexagone, comme le F.N., mais la recherche d’une nouvelle recomposition européenne s’appuyant sur les volontés populaires ( Insoumis en France, Indignés et Podemos en Espagne, le peuple qui a porté Syriza au pouvoir en Grèce, et tous ceux chez qui la résistance des Insoumis aura donné espoir.) La dimension écologique du programme de la France Insoumise est compatible avec les traités renégociés. La France ne ratifiera pas le CETA, et autres accords internationaux (TAFTA,…) qui mettent en compétition sur le marché international des produits ne répondant pas aux mêmes conditions de production écologique et sanitaire. Les milieux financiers s’inquiètent… On comprend.

 Reste Hamon : Par son discours, son programme, il est incontestablement un allié de Mélenchon, les divergences sont conciliables, y compris sur leur vision de l’Europe à bâtir. Mais la stratégie de Hamon d’unifier la « gauche » de Macron à Mélenchon, va à l’échec. Il y a, dans ce que le langage politique courant appelle « la Gauche » deux options politiques inconciliables, celle que propose Macron et celle que propose Mélenchon. Ce candidat assis entre deux chaises est en équilibre instable, est-il le candidat de trop ? Ce qui n’enlève rien à la valeur personnelle de cet homme politique.

PS : Je partage l’idée que ce ne sont pas les élections qui changent les choses, mais les luttes sociales et écologiques. Je fais cependant remarquer que le résultat des élections facilite ou handicape la victoire des luttes. Ce n’est pas Mitterrand qui a fait gagner le Larzac en 1981, mais la victoire de Giscard l’aurait rendu plus difficile. La victoire de la lutte écologique de Notre Dame des Landes, ne sera pas celle des élus, mais le résultat des élections la facilitera où l’handicapera.

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