Etat d’urgence : vers un acte VI

Quand Macron court plus vite que son ombre.

Quand l’histoire balbutie : Christophe Colomb a découvert l’Amérique en 1492 ; Gérard Collomb, ministre de l’intérieur, découvre la trique 525 ans plus tard !

Qu’avions nous écrit sur ce blog le 30 mai ?

L’état d’urgence veillera au grain. L’élu n’a pas encore eu l’occasion de s’exprimer clairement dans ce domaine. Mais il va sûrement aller dans le sens de l’un de ses mentors en politique, Jacques Attali, qui déclarait : «Aucun gouvernement n’osera plus aujourd’hui revenir sur l’état d’urgence ». On le verra bientôt ; la loi du 19 décembre 2016 sur l’état d’urgence prend fin le 15 juillet de cette année … ou plus tôt si la France insoumise est laminée par la vague néolibérale Marine-Macron. L’Hexagone sera alors en situation de parti unique, pensée unique, sans opposition.

En fait, ce qui était annoncé le 30 mai s’est déroulé plus vite que prévu ! L’état d’urgence est déjà prolongé jusqu’au 1er novembre. A cette date, Collomb -Gérard, pas Christophe- va nous concocter une loi qui sera super répressive !

Merci Macron-Collomb !

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L’exécutif a considéré que la persistance de la menace terroriste justifiait la sixième prorogation de l’état d’urgence, pour deux mois et demi supplémentaires, le temps d’adopter une nouvelle loi «de sécurité publique».

Découragement lorsque, le mercredi 24 mai 2017, après avoir consulté le conseil de défense, le président de la République, sans prendre l’avis d’instances non-gouvernementales dont certaines l’avaient pourtant vivement alerté par une lettre ouverte diffusée trois jours auparavant, a annoncé la sixième prorogation de l’état d’urgence jusqu’au 1er novembre 2017.

Sentiment de déjà-vu en apprenant que cette prorogation serait adossée à l’adoption d’une énième loi sécuritaire, qui n’avait jamais été évoquée pendant la campagne présidentielle et dont les contours n’ont pas été précisés.

Lassitude en entendant le nouveau (dans les fonctions ministérielles qu’il occupe) ministre de l’Intérieur réciter, comme l’avaient fait tous ses prédécesseurs depuis le 14 novembre 2015, le mantra selon lequel, indépendamment de la prorogation qu’il appelle de ses vœux, « l’état-d’urgence-est-provisoire » et d’ailleurs « il-faudra-bien-en-sortir-à-un-moment-donné ».

Furieuse envie d’arrêter d’alimenter ce blog, alors que l’on espérait le « vrai changement des pratiques et des orientations » annoncé, sur les plans « moral » et politique…

Et puis, tout à coup, mardi 30 mai, deux évènements salutaires qui redonnent du sens à la mise en cause de ce régime législatif d’exception qu’est – pour peu de temps encore, car il risque d’être introduit dans le droit commun de la police administrative – l’état d’urgence.

Le matin d’abord, devant le Conseil constitutionnel – instance politique devant laquelle il faut hélas se résoudre à aller quémander le respect des libertés fondamentales –, la plaidoirie de Me François Sureau (v. à 19’34 et 22’35) pour la Ligue des droits de l’homme intervenant dans un litige où est en cause la constitutionnalité des interdictions préfectorales de séjour permises par l’article 5 de la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence : « Lutter contre le terrorisme suppose probablement de contrevenir aux intérêts d’Etats puissants et souvent liés à la France, ou de réformer la police dans ses structures et son commandement, ce qui est tout de même plus difficile que de faire voter des textes permettant d’assigner des corses et des écologistes à résidence, sous prétexte de lutte contre l’islam radical » ; « Plutôt que de s’atteler aux tâches de l’heure, un puissant courant d’opinion où se mêlent des revendications corporatistes ou idéologiques sacrifie nos libertés sur l’autel d’une furia normative destinée à rassurer le grand public. Il est significatif que l’attentat de Manchester par exemple ait relancé chez nous ce débat et que personne n’ait relevé que les britanniques ne connaissaient pas l’état d’urgence au sens du nôtre ni n’envisageaient une seconde de le mettre en place. Sans doute les Anglais pensent-ils que c’est une victoire trop facile pour Daech et sa propagande que de leur concéder, après la mort de leurs citoyens, celle de leurs principes. C’est un exemple que nous devrions suivre plutôt que de poursuivre cette course à l’échalotte qui nous conduira un jour prochain à rouvrir le bagne de Cayenne ou les camps d’internement ».

L’après-midi ensuite, un rapport d’Amnesty International, évoqué ici ou ici, qui illustre, pièces à l’appui, comment l’état d’urgence a été détourné de sa finalité par le pouvoir socialiste (v. déjà ce billet sur ce point), au nom de la menace terroriste, pour empêcher, à 639 reprises, des manifestations, en particulier contre la « Cop 21 » ou la « loi Travail » : « Des individus sans aucun lien avec des actes ou intentions terroristes et souhaitant exercer légitimement leur droit à la liberté de réunion se sont trouvés pris dans les filets des mesures d’urgence ».

Son bilan statistique le démontre objectivement, l’état d’urgence ne sert à rien dans la prévention de la menace terroriste, comme le souligne la secrétaire générale du Syndicat de la magistrature : « L’état d’urgence ne protège pas contre le terrorisme, mais il installe durablement une logique d’exception et de suspicion dans notre droit et donne lieu à de réelles dérives ».

Pour autant, le proroger à répétition est au mieux indifférent à la majorité des français. C’est que, sauf pour les personnes qui ont été ou sont affectées par les mesures prises sur son fondement (fouilles de bagages, assignations à résidence, interdictions de séjour, perquisitions administratives…), concrètement, l’état d’urgence est neutre : il n’a ni aspect, ni contrainte matérialisables. Prorogé à bientôt six reprises sous le panache blanc de la « lutte-contre-le-terrorisme », il nous gêne d’autant moins dans notre vie quotidienne que nous sommes désormais habitués à vivre sous son régime, sans que soit perçue ni l’accoutumance au « tout-sécuritaire » qu’il induit, ni les commodités qu’il offre à l’administration mal voire pas du tout (pour les fouilles de bagages et de véhicules) contrôlée par un juge tenu d’appliquer une loi d’exception qui fait prévaloir les considérations d’ordre public sur les libertés individuelles, ni les changements insidieux mais définitifs du droit commun qu’il préfigure.

Quel pourra à cet égard être l’objet de la loi sécuritaire annoncée par le gouvernement, alors que l’on a déjà du mal à dénombrer toutes celles à objet comparable qui se sont égrenées – et avec quelle efficacité, là encore ? – entre les lois du 20 novembre 2015 et celle du 28 février 2017 ?

Cet engourdissement général de l’opinion publique a pourtant un prix social, économique, symbolique, excessivement élevé par rapport aux « bénéfices » attendus – sauf en matière de communication politique. Il est indispensable de continuer à refuser d’en payer la facture.

Le blog de Paul Cassia sur mediapart

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Le droit de manifester menacé

Depuis près d’un an, nous avons enquêté sur le respect du droit de manifestation pacifique en France. Le constat est sans appel : l’application de l’état d’urgence et un usage disproportionné de la force ont restreint ce droit fondamental de manière préoccupante.

Le droit de manifester est un droit fondamental, indispensable à la liberté d’expression, et à la possibilité de revendiquer ses opinions et ses droits. Il ne peut être restreint qu’à des conditions très strictes . Les autorités ont pour responsabilité de protéger tous nos droits fondamentaux, pourtant, ils sont de plus en plus présentés comme secondaires voire comme des menaces qu’il faudrait donc limiter.

le rapport d’Amnesty international :

https://www.amnesty.fr/liberte-d-expression/actualites/droit-de-manifester-en-france

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Les interdictions de séjour devant le conseil constitutionnel

32 minutes qui en disent long…

https://blogs.mediapart.fr/jacques-deparis/blog/010617/etat-urgence-les-interdictions-de-sejour-devant-le-conseil-constitutionnel

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En France, la liberté de manifester gravement menacée par l’état d’urgence

Le droit de manifester est en danger en France, selon l’une des plus grande organisation de défense des droits humains dans le monde, Amnesty international, qui rassemble sept millions de membres. Telle est la conclusion de l’enquête que l’organisation a menée pendant un an, alors que la France, confrontée à des attentats sanglants, vit sous l’état d’urgence. Mais cet état d’urgence et les pouvoirs arbitraires qu’il confère n’a pas seulement été utilisé pour protéger les citoyens du terrorisme. Interdictions de manifester, assignations à résidence, usage excessif de la force, intimidations de médias : l’état d’urgence a également été appliqué dans plusieurs cas contre les citoyens et leur liberté de s’exprimer, en particulier pendant le mouvement contre la loi Travail.

https://www.bastamag.net/Le-droit-de-manifester-menace-par-l-etat-d-urgence

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Quand l’état d’urgence rogne le droit de manifester

Le Conseil constitutionnel examine les interdictions individuelles, dont Amnesty International dénonce l’usage massif et abusif dans un rapport publié le 31 mai.

C’est l’une des dispositions de la loi sur l’état d’urgence qui n’avait pas encore été évaluée par le Conseil constitutionnel. Mardi 30 mai, ce dernier a examiné en audience ce qui a été assimilé à des « interdictions de manifester ». Précisément, l’article 5-3 du texte de 1955 qui donne pouvoir au préfet « d’interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics ». Une décision est attendue le 9 juin.

Le monde daté du 1er juin

http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2017/05/31/en-france-les-interdictions-de-manifester-se-multiplient_5136295_3224.html

Le contexte

Interdictions de rassemblement

Depuis les attentats de novembre 2015, les préfets ont utilisé les pouvoirs de l’état d’urgence pour signer 155 arrêtés interdisant des cortèges, des réunions et des manifestations, explique Amnesty International dans son rapport publié mercredi 31 mai.  » Certaines de ces mesures interdisaient tout rassemblement public dans une zone et pendant une période de temps spécifiques « , comme pendant la COP21. Dans le même temps, les autorités ont interdit  » des -dizaines de manifestations  » en s’appuyant sur le droit commun et le risque de trouble à l’ordre public, par exemple lors du démantèlement du camp de Calais ou à Nantes et Rennes pendant le mouvement contre la loi travail. L’ONG regrette un abaissement du  » seuil à franchir pour imposer des restrictions aux droits à la liberté de réunion « .

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 « Le maintien de l’ordre à la française n’existe plus » : https://www.bastamag.net/David-Dufresne-Le-maintien-de-l-ordre-a-la-francaise-n-existe-plus