Le nucléaire, Bure, les gendarmes et MACron

MACron fait encore mieux voir son vrai visage : le cynisme a encore parlé. Et il ira jusqu’au bout… même s’il est impopulaire !

A l’étranger et en France, il fait croire qu’il comprend que certains manifestent … tout en précisant qu’il ne sera pas impressionné par les « fainéants, les cyniques et les extrêmes » ; bien entendu, il veut faire appliquer ses ordonnances sur le god du travail.

Dans un autre endroit de France, il veut faire comprendre que le nucléaire ne se discute pas : c’est un droit régalien… qui sera respecté, surtout par la force !

Tout ceci prépare une loi qui va être annoncé par Collomb. Ce n’est pas Christophe Colomb qui a découvert l’Amérique ; C’est Gérard Collomb (avec deux « L » !) qui a découvert la police. Il va s’en servir pour faire passer une loi qui va restreindre -sous couvert de lutte contre ce que l’on appelle à tort l’islamisme- les libertés fondamentales. Ce qu’il fait à Bure n’est que le début de la démonstration.

A Bure, le 15 août, ce sont les policiers qui ont attaqué une manifestation pacifique de 800 personnes : au moins 30 blessés, trois hospitalisations. Robin risque encore de perdre son pied.

Mercredi 20 septembre, c’est au tour des gendarmes de montrer leur capacités de nuisance : porte défoncée à 6 h 30 du matin pour une perquisition qui a permis d’emmener un certain nombre de personnes et beaucoup de matériel … surtout informatique.

Peu de répercussions dans les médias. En tout cas, silence impressionnant dans les radios sur cet événement d’une gravité extrême.

Voici, en plus détaillé, ce qu’on écrit les habitants de la maison de la résistance à Bure.

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En cette nuit un peu avancée, où la Maison de résistance a regagné un calme habituel malgré les vitres brisées et les vies heurtées, nous vous partageons quelques articles, qui seront alimentés au fur et à mesure, et quelques mots pour remercier ce « nous » qui grandit.

– Une compilation de témoignages des gravitant-e-s ayant vécu la perquisition dans les différents lieux ==>
https://vmc.camp/2017/09/20/compilation-des-temoignages-sur-la-perquisition-du-20-septembre-et-le-quotidien-policier/

– Une compilation de tous les rassemblements qui ont eu lieu en France (et peut-être au-delà ?) ==>
https://vmc.camp/2017/09/20/suivi-des-rassemblements-partout-en-france/

– Un appel à soutien financier pour remplacer le matos saisi :
https://www.helloasso.com/associations/les-amis-du-bocage/collectes/ils-saisissent-la-solidarite-remplace

On ne saurait pas dire à quel point on est touché-e-s par toutes ces manifestations de soutien, à quel point ça donne de la force, à quel point ça mélange l’affect de rage à la joie. On aurait presque l’habitude de dire « merci », mais en fait, on se reprend. Il faut faire quelques précisions. « Merci » ça peut poser qu’il y a un centre de la lutte, un endroit plus légitime qu’un autre, et tout un tas de gens qui feraient des actions depuis la périphérie pour rendre service à ce centre. « Merci » ça peut poser, même dans la gratitude profonde, une forme de séparation entre celleux qui luttent et d’autres qui seraient des « soutiens ».

Mais en fait, on a plutôt envie de construire un mouvement où on lutte tous-tes ensemble. Où on se soutient tous-tes ensemble dans les moments difficiles. Et où, quand on dit merci, c’est à toi, à elle, lui, vous, à soi, à eux, à moi. C’est un merci à « nous » pour continuer de se construire et grandir. Un merci à « nous » pour, lorsqu’au cœur même de nos lieux de vie on se sent terriblement impuissant-e-s et acculé-e-s, d’autres, qui ont les mouvements plus libres, peuvent exprimer leur colère partout où ielles sont. Un « merci » parce que quand on voit déjà la liste de la grosse quinzaine de rassemblements de soutien, on se dit que quelque chose de l’esprit de Bure est en train de ré-infuser un peu partout, que ça augure la consolidation d’un certain nombre de groupes de lutte un peu partout, et c’est une grande joie. Un « merci », pour toutes les promesses que cela porte pour notre capacité de réaction collective en cas d’expulsion de la forêt occupée, ou toute autre ligne rouge.

Ils pourront nous saisir tout le matériel qu’ils veulent, ils pourront inculper au nom de chefs d’inculpation tous plus sordides, nous coller du trafic de drogue, de l’association de malfaiteurs, des engins explosifs, ou encore la belle trouvaille d’ « armes de gros calibre », etc, etc. Peut-être même, qui sait, réactiver la vieille étiquette de « terroriste » ? Ils nous n’enlèveront pas la force indéfectible de ces liens, toute la vitalité et l’intelligence dont nous sommes capables quand nous sommes acculé-e-s au pied du mur, ou la face contre celui de notre chambre.

Comme le dit une amie habitante des environs de Bure dans une compile de témoignages qu’on est en train de faire, « Une fois que la perquiz’ était terminée, j’étais trop contente de revoir les ami-e-s après. Ça je l’ai gueulé à des flics quand ils sont partis. « Votre répression elle marche pas, on s’aime encore plus maintenant. On vous hait à la mesure qu’on s’aime les un-e-s les autres, qu’on est encore plus fort-e-s. C’est contre-productif votre merde… »

Des gravitant-e-s et hiboux de Bure et des environs

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en pièce jointe, la lettre d’info de la maison de la résistance, écrite avant les derniers événements : Lettre été _ automne 2017

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Bure: «Ils pointaient leurs armes droit sur nous»

Près de 150 gendarmes ont mené plusieurs perquisitions visant des opposant.es au projet Cigéo d’enfouissement de déchets nucléaires mercredi 20 septembre. Les militant.es dénoncent une opération disproportionnée et témoignent d’une pression policière constante.

Une rafale de perquisitions, des portes forcées au pied de biche, des fenêtres de caravanes brisées, de très nombreuses saisies de matériels informatiques, de tracts et même du manuscrit d’un livre en cours : les gendarmes ont mené une opération de grande ampleur contre des opposant.es au centre de déchets nucléaires Cigéo mercredi 20 septembre.

Pendant plusieurs heures, « la maison de résistance », lieu de vie collectif historique du mouvement d’opposition à Bure (Meuse), ainsi que « la gare », autre site du mouvement à Luméville-en-Ornois, et des logements privés ont été perquisitionnés par environ 150 gendarmes.

« Ils ont fracassé la porte, ont cassé une vitre, et sont rentrés dans la maison. Ils ont pris les identités de tout le monde et ont commencé à tout sortir : les ordinateurs, les imprimantes, la photocopieuse, des dossiers, des livres, tous les appareils multimédias, raconte Nathalie, qui dormait dans la maison de résistance avec 10 à 20 autres personnes. Un flic nous a demandé plusieurs fois d’attacher un chien et a dit : “Si vous ne l’attachez pas, on a une arme, on peut l’utiliser”. »

Une personne a été interpellée et placée en garde à vue pour rébellion. « J’étais en train de dormir dans une caravane garée à côté de la maison quand j’ai entendu des coups forts à la porte, décrit Ben. J’ai ouvert, j’étais en pyjama, et j’ai vu d’énormes spots de lumière braqués sur moi. Ils étaient 14, en tenue, et m’ont demandé de m’asseoir à un endroit où ils pouvaient me voir. » La militante est ensuite conduite au commissariat pour un contrôle d’identité. « La rue grouillait de flics, armés, le tonfa à la ceinture. Il y avait 15 ou 16 gros fourgons. Ils nous aboyaient dessus :Reste là”, “Bouge pas !” »

Louise dort dans un appartement de Mandres-en-Barrois, village tout proche, quand elle reçoit l’appel d’un ami qui la prévient des perquisitions en cours. « Je regarde par la fenêtre, je vois des casqués dans la rue. Puis j’entends du bruit à la porte. Les gendarmes rentrent dans l’appart avec un double des clés. Ils crient dans le salon : “Gendarmerie nationale, perquisition!” On est quelques-uns à l’étage. Je vois qu’ils pointent leurs armes droit sur nous en gueulant comme des fous “ne bougez pas !”. C’était vachement agressif. » Une commission rogatoire est présentée aux habitant.es, sans nom de personne ni adresse, pour « association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un ou plusieurs délits et dégradation volontaire d’un bien par moyen incendiaire ».

Dans le logement, des « Robocops avec des casques à visière, ils étaient une demi-douzaine », décrit une personne présente, saisissent des carnets de notes, des archives, des tracts, des ordinateurs, des clés USB, des disques durs, des cartes SD, des téléphones… « Parfois ils regardaient les notes, parfois ils prenaient les choses en vrac », décrit Jérôme, un journaliste professionnel présent dans le logement – mais qui ne s’est pas identifié en tant que tel – dont le matériel d’enregistrement a également été emporté. En tout, 42 enveloppes d’objets ont été saisies, selon Louise. Dans un autre appartement, Joël, voit arriver huit ou dix gendarmes à 6 heures du matin : « Ils ont fouillé pièce par pièce et ont pris des photos de l’appart sous toutes les coutures. Ils ont pris un téléphone, un disque dur, un ordinateur, des carnets, de vieilles notes de réunions. Un gendarme avait un Taser à la main. Je lui ai fait remarquer que ce n’était peut-être pas la peine. » Au total, entre 30 et 40 ordinateurs ont été saisis par les forces de l’ordre, selon un opposant. Toutes les archives sur Cigéo de la Maison de résistance, tous les dossiers sur les recours juridiques ont été emportés. Les gendarmes sont aussi repartis avec des casques, des masques à gaz et artifices, 140 g de résine de cannabis, et dix plants de cannabis, a déclaré le procureur de Bar-le-Duc.

Le procureur de la République de Bar-le-Duc, Olivier Glady, a précisé que les perquisitions étaient liées à la commission rogatoire d’un juge d’instruction enquêtant sur l’attaque en juin dernier d’un hôtel-restaurant utilisé par les personnels de l’Agence nationale des déchets radioactifs, l’Andra, par des opposants au projet Cigéo. Le parquet mène d’autres investigations portant sur des affrontements en marge d’une manifestation le 15 août ayant fait plusieurs blessés, dont deux gendarmes et un militant qui a failli perdre son pied dans l’explosion d’une grenade. Au moins une perquisition concerne des faits d’infraction à la législation sur les stupéfiants.

La maison de résistance à Bure est un lieu emblématique de la lutte contre l’enfouissement des déchets nucléaires dans ce territoire déshérité à la frontière de la Meuse et de la Haute-Marne. Elle se compose d’une cuisine, d’un bureau, d’une bibliothèque, un grand dortoir, quelques chambres et une grande salle de réunions et de projections. Ouverte en 2004, elle a accueilli des centaines de militant.es qui viennent y passer quelques jours ou plusieurs mois.

Julie y vit depuis 2012 : « Cette maison est un lieu d’échanges et de diffusion sur le nucléaire. Il y a une disproportion énorme entre les dangers représentés par le nucléaire et ce qu’en connaissent les citoyens. On est surtout un accueil pour les personnes qui veulent s’informer. C’est aussi un outil pour le mouvement, un endroit où on trouve de l’eau et de la chaleur en hiver. » Pour la jeune femme, « prendre toutes nos brochures, c’est big brother. On veut nous empêcher de penser autrement ». Co-responsable de la maison, son nom est connu de la préfecture : « Je ne suis pas fermée au dialogue. Personne ne nous a contactés dans le cadre de cette enquête. On ne veut pas nous écouter, on veut nous prendre. »

Le bâtiment appartient à une SCI, détenue par l’association Bure Zone Libre et le Réseau sortir du nucléaire. Pour Charlotte Mijeon, une des porte-paroles du Réseau : « Il n’y avait jamais eu de perquisition de cette ampleur à Bure. C’est inacceptable dans un contexte où il y a déjà eu plusieurs blessés graves lors de la manifestation du 15 août dernier … Il y a une volonté de construire des coupables, alors que le projet Cigéo est sous le feu des critiques. Le risque, c’est ce projet, pas les militants. » Sollicitée par Mediapart, la préfecture renvoie vers les services du procureur de la République : « C’est une opération judiciaire. »

Depuis plusieurs semaines, des opposant.es dénoncent des pressions policières à l’encontre des habitants. Alex, opposant installé à Mandres-en-Barrois raconte : « Parfois je suis dans mon jardin, et des gendarmes me filment en me saluant de mon nom. Pendant qu’on refaisait le papier peint d’une pièce, la fenêtre était ouverte, un gendarme a passé le bras pour filmer l’intérieur avec son téléphone. Ils veulent criminaliser les opposants pour que ça déborde. »

Jean-François Bodenreider, kinésithérapeute à Gondrecourt, et président de l’association des habitants vigilants (contre les déchets nucléaires) décrit une scène surréaliste, survenue dimanche dernier. Alors qu’il bricole devant sa maison, un 4×4 noir s’arrête. La vitre avant s’abaisse, et une personne prend des photos. « L’homme dit chercher une maison à acheter sur le secteur. Il ne se présente pas. On vit à la campagne dans un contexte de cambriolage, je lui demande de dégager. Là, je vois qu’il est habillé en militaire et qu’il porte un gilet pare-balles. Mon fils qui rangeait du matériel de camping dans le garage s’approche, un marteau en caoutchouc à la main. Il le lance en direction de la voiture. La voiture démarre, puis s’arrête 50 mètres plus loin. Deux gendarmes en sortent, attrapent mon fils et le menottent. » Emmené au commissariat, le jeune homme, étudiant en médecine, est finalement relâché sans poursuite à son encontre. Pour son père, opposant bien connu dans le département, « ils poussent les gens à bout pour qu’un jour ou l’autre quelqu’un commette quelque chose d’irréparable ».

Michel, un habitant, rapporte un échange avec des gendarmes quelques jours après la manifestation mi-août où des heurts ont éclaté. « Je leur ai dit que bientôt ils auraient un permis de tuer les gens. Ils m’ont répondu : “Ta gueule, la prochaine fois dans une manif, on t’aura”. » Une nuit, une cinquantaine de gendarmes font mine de vouloir évacuer la forêt occupée par des militant.es, entament les sommations puis s’en vont « en se marrant », décrit Alex. Un matin, ils s’approchent d’une barricade à l’orée du bois, sirènes hurlantes, puis repartent.

Avant de devenir ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot avait publiquement déclaré son opposition au projet Cigéo.

mediapart