Ethique et cohérence

Florian Beck-Hartweg, 30 ans, s’est installé en 2009 sur le vignoble de ses parents, à Dambach-la-ville, en Alsace (Bas-Rhin). Mathilde, sa compagne, l’a rejoint, tout en conservant un emploi de maraîchère qui lui tient à cœur (1).

Succédant à son père, Florian fait le choix du bio dès 2008 (certifié depuis 2011), et pousse plus loin encore en cherchant à réduire au maximum les traitements de la vigne, du vin et le travail du sol. Côté vignes : enherbement, sol aéré sans retournement, paillage amené par l’herbe couchée et non fauchée, décoctions de plantes indigènes. Coté cave : des foudres de bois âgés de deux siècles, pas d’ajout de levure, la moitié des vins sans sulfite et un travail sur le respect des spécificités de chaque terroir. Le Grand Cru Frankstein est la fierté de Florian, un vin marqué par son terroir granitique : « Au final, certains clients viennent pour notre démarche éthique, d’autres pour la spécificité du terroir, mais nous ne dissocions pas les deux. Plus on artificialise le travail de la vigne et de la cave, plus on gomme les spécificités des terroirs. Nous faisons ce que nous aimons et attirons la clientèle qui nous correspond ».

Le maître mot qui guide Florian Beck-Hartweg dans la conduite de son vignoble est certainement l’autonomie – autonomie technique, financière, décisionnelle : « Nous avons décidé ce que nous voulions et définissons tout le reste pour que le système fonctionne selon nos critères ».

Florian a donc misé sur le travail manuel, l’équivalent de quatre temps pleins pour les sept hectares de la ferme. A l’arrivée : des rendements peu élevés, de quoi remplir en moyenne 25 000 bouteilles chaque année, une main-d’œuvre peu mécanisée qui représente une grande part du coût de production mais des coûts d’intrants et de matériel (autoconstruit) très faibles, associés à un travail de vinification réduit grâce à des raisins sains et de meilleure qualité.

Le système économique est basé sur une réflexion globale et cohérente : limiter l’endettement, adapter son marché à ses pratiques plutôt que l’inverse, proposer une gamme de prix non élitiste mais permettant de rémunérer décemment le travail et de ne pas forcer le rendement, valoriser les spécificités du terroir et faire de la vente un moment de partage de sa passion.

Ces choix stratégiques, Florian les a faits à contre-courant des conseils de la chambre d’agriculture, qui jugeait son projet non viable : « J’ai fait tout le contraire de ce qu’ils m’ont dit, pourtant ça marche. Il ne faut pas y aller la fleur au fusil, mais ne pas se laisser imposer un modèle qui ne nous correspond pas. »

Cette vision de l’agriculture et du métier de paysan, Florian la défend aussi par un engagement collectif et syndical, notamment au sein de la Confédération paysanne : « Pour moi, l’engagement syndical pousse à la réflexion et permet de s’enrichir mutuellement. C’est important de défendre collectivement notre vision et d’unir nos forces, notamment pour que la réglementation soit en cohérence avec ce que l’on porte. C’est un don de temps, mais il rapporte énormément d’épanouissement collectif et personnel. » La Conf’ lui permet de sortir du domaine exclusivement viticole et de s’ouvrir à la rencontre de paysannes et de paysans de toutes productions. Florian est également engagé dans bien d’autres structures collectives du vignoble alsacien (Syndicat des vignerons indépendants d’Alsace, groupe de producteurs de Grand Cru Frankstein, Université des Grands Vins), tandis que Mathilde s’investit dans l’association des femmes de la vigne et du vin, les diVINes d’Alsace.

Le couple ne manque pas de projets. Pour pousser toujours plus loin la réflexion sur la cohérence de leur système, Mathilde souhaite par exemple développer la dimension alimentaire de la ferme. En intégrant des cultures légumières et des vergers dans et autour des vignes, elle apporte un plus à l’équilibre des sols et de la biodiversité, mais cherche aussi à compléter la fonction nourricière de leur métier de paysan.

(1) Dans un Jardin de Cocagne (maraîchage biologique comme support d’insertion sociale) : www.reseaucocagne.asso.fr

http://beckhartweg.fr