Le travail, et après ?

Conférence-débat  à Liévin le 8 décembre 20 h

Avec JC Guiliani et B. Legros

Le livre servira de base pour la discussion

Résumé du livre

À droite comme à gauche, on a fait du «travail» un absolu, une norme incontournable. En s’attaquant à sa position centrale dans nos vies, les auteurs entendent mettre à mal ce consensus afin de «penser contre le travail» et ainsi dépasser un système qui souvent nous broie. Car quelle est la véritable nature du travail dont on nous serine tant les vertus ? N’y a-t-il pas une hypocrisie récurrente à encourager un système qui défend encore que le travail rend libre alors qu’il devient de plus en plus rare?

Plutôt que chercher à aménager le travail pour le faire perdurer, les auteurs tentent d’imaginer des voies de sortie. Leurs critiques rejoignent plusieurs sphères du travail: le mythe du plein emploi, le salariat, le management et ses ravages, la servitude volontaire des cadres et des classes moyennes ou encore le rôle de l’éducation arrimée au monde de l’entreprise. Leur but commun: un désir de remettre en cause le dogme du travail pour tous, du travail comme élément structurant de la vie individuelle et collective, de l’activité rémunérée comme horizon existentiel prépondérant. Sans orthodoxie, c’est dans un ici et maintenant, sur nos lieux de travail et dans notre quotidien, que les auteurs nous invitent à prendre le parti de limiter, de contrer ou de refuser ce qui nous nie et nous détruit, en fonction de nos propres capacités.

Mettre en question le travail devient un impératif quand tout un monde gravite autour de ce paradigme: celui de la (sur)production et de la (sur)consommation qui ne prend pas en compte les limites de la planète. Cela n’est plus possible; l’heure est venue de réfléchir à son après.

Une proposition collective de Rodolphe Christin, Jean-Christophe Giuliani, Philippe Godard, Bernard Legros | Régulière | 112 pages

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Extrait du livre

Que deviendrait le travail durant la transition décroissanciste ?

p. 60 : une ligne divise grosso modo les partisans de la RTT et ceux de l’allocation universelle (AU). Certains estiment cependant les deux orientations d’emblée compatibles  ou considèrent la RTT comme une étape vers l’AU, alors que d’autres, suivant l’économiste Bernard Friot, avancent l’idée d’un salaire socialisé.

Deux sens au mot travail. Il peut prendre la forme d’une tâche rémunérée sur un marché, salariée ou non, dans la sphère marchande ou non ; ensuite il peut s’agir de tâches productives autonomes, comme l’éducation des enfants, l’entretien des lieux de vie, la cuisine, le jardinage …  Le reste –arts, érotisme, jeu, bénévolat, militantisme …- est à ranger dans les activités, aussi consubstantielles que le travail à notre condition humaine.

p. 62 : on peut remarquer que le travail est devenu un problème aussi bien quand on en a un que quand on n’en a pas, ce qui représente un problème sans solution, avec pour conséquence une grande souffrance dans les milieux de travail aboutissant dans les cas extrêmes au suicide.

p. 63 : L’anthropologue Pierre Clastres soulignait que beaucoup de sociétés anciennes étaient des sociétés sans travail, c’est-à-dire en premier lieu sans surtravail : personne ne produisait au-delà de ses besoins de base.

p. 64 : Jean Jacques Rousseau voit le passage au travail comme le facteur essentiel de la corruption et du malheur de l’homme en société, car le travail va contre la nature de celui-ci.

p. 65 Travaillisme et décroissance

Qu’apporte la décroissance ? A côté d’autres idées forces – le sens des limites, la réduction des inégalités, la relocalisation, la décélération, la décolonisation de l’imaginaire, la simplicité volontaire …_ elle se caractérise d’abord par le rejet de la centralité du travail dans nos existences, autant pour des raisons anthropologiques qu’écologiques.

p. 66 Moins travailler comme animal laborans, c’est la possibilité de mieux vivre comme être humain

Moins travailler, c’est permettre à ceux qui sont privés de boulot d’apporter leur contribution dans la sphère économique et de leur donner de quoi conforter une partie –et une partie seulement, espère-t-on- de leur identité sociale. C’est l’idée classique du partage du temps de travail.

p. 67 : « Il faudra réduire la production et la consommation de pétrole, de métaux, de ciments, de pesticides, d’engrais, de produits chimiques, de plastiques, arrêter de bétonner et d’asphalter, d’empoisonner les sols, les rivières et les mers ».-Ph Bihouix

p. 68 « La vie simple, démocratique et égalitaire est « pauvre », et c’est en cela précisément qu’elle est riche : elle est dépouillé des encombrants et illusoires remparts que nous érigeons depuis des siècles contre nos propres peurs » remarque Christian Arnsperger.

p. 69 Dans l’hypothèse d’un effondrement rapide (catastrophique), les Etats seront ruinés et désorganisés, le travail salarié et les gains de productivité disparaitront, l’approvisionnement énergétique ne sera plus assuré, les rendements agricoles diminueront fortement en raison des dérèglements climatiques … …  Est-il encore temps de ne pas en arriver là

p; 70   Le salut viendra-t-il d’un changement culturel, « faute de mieux » ? Dire que les représentations collectives, les schèmes mentaux et autres imagos doivent se transformer est une évidence, mais comment initier le processus ? D’une manière abstraite et intellectuelle par l’éducation, scolaires ou non, des jeunes générations ?  Par le faire dans les alternatives au productivisme (groupes d’achat solidaires, potagers urbains collectifs, service d’échanges locaux, Repaire Café, habitats groupés, monnaies locales … sans oublier les activités physiques et artistiques) ?

p. 71 Il s’agit de faire ce que l’on dit, de refuser toute velléité en s’inscrivant dans une métaphysique de l’effort.

p. 73 Il faut prendre en considération l’énergie grise des TIC et la capacité du capitalisme d’aliéner toutes les formes de travail. Il s’agit bien plutôt d’un cyber-capitalisme déjà à l’œuvre. Comme les amis de Ludd l’écrivent, «  loin de constituer une possible échappatoire à la société industrielle capitaliste, l’extension du travail immatériel annonce une généralisation massive de l’assujettissement à la technique et de l’irresponsabilité consumériste ».

p. 75 Il va falloir choisir : soit la folie de toujours plus, plus fort, plus loin et plus et plus haut, dans le but infantile d’admirer son nombril et de damer le pion à ses rivaux, dans une surenchère de désir mimétique ; soit la vie sobre, austère, égalitaire et démocratique, les réalisations réellement utiles  à la communauté qui ne risquent pas de détruire trop gravement la nature, plutôt que celles destinées à combler les fantasmes de toute-puissance d’une minorité dans laquelle cependant la majorité aime se murer pour jouir par procuration.

p; 78 un autre rapport au temps

La décroissance prône la décélération générale.

Il faudrait rapidement envisager des issues politiques salutaires tout en se donnant le temps de la réflexion. Il faudrait décélérer d’urgence à tous les étages de l’existence. D’abord dans la sphère privée, où cela est le moins difficile à mettre en œuvre, car c’est là que la marge de liberté est la plus étendue. (Re) commencer à préparer soi-même ses repas avec des produits frais et locaux au lieu d’enfourner une pizza industrielle, utiliser et réparer ses outils conviviaux (Ivan Illich), comme la bicyclette, en sont des exemples concrets. Ensuite, sur les lieux de travail, mais là, c’est une autre paire de manches.

p. 79 Le temps dévolu à la consommation et aux loisirs a crû en proportion inverse. Ceux-ci, censés faire contrepoids au travail oppressant, n’ont pas été aussi libérateurs qu’on l’aurait espéré. Ils ont surtout eu pour effet de discipliner encore davantage les individus, piégés et aliénés dans le cycle infernal du travail et de la dépense (i.e. le pouvoir d’achat), mais avec une bonne dose de servitude volontaire.
80 Rappelons que, de nos jours, la première atteinte à la liberté  (et aux libertés) vient de la « démocratie totalitaire » qui est en train de se mettre en place avec le renfort des technologiques convergentes NBICS (nanotechnologies, biotechnologies, informatique, science de la cognition, biologie de synthèse). Sachant identifier nos vrais ennemis, première condition d’une lutte potentiellement victorieuse.

p. 81 Conclusion

Moins produire, moins consommer, remplaces le couple producteur-usager par le rapport communautaire, rétablir les communs, refuser –dans la mesure du possible- l’adaptation forcée aux exigences chaotiques de l’économie capitaliste et revenir à la culture de métier (surtout les métiers manuels, associés à la matérialité du monde), reconnaitre  l’importance des activités autonomes en dehors du travail tout en renforçant le droit du travail, valoriser l’autoproduction des valeurs d’usage, « démarchandiser » le travail dans un processus de réduction quantitative et de transformation qualitative, repenser notre rapport au temps et avant tout remettre en cause «  l’ordre marchand-productiviste-hiérarchisé-intégré-spécialisé » sont les étapes allant de pair avec la décroissance.

p. 83 Roger Suer annonce que « c’est le non-travail qui est susceptible de révolutionner le travail, et donc la société entière ».

En fait les penseurs qui nous indiquent des pistes de sortie du travail salarié ne manquent pas.  On a beau en appeler à la créativité, à l’imagination, à l’innovation, au talent des travailleurs, le chemin est étroit et le temps presse pour repousser la barbarie qui couve. Si la catastrophe globale est devenue inévitable, il nous reste encore à choisir le côté lumineux de la force, l’altruisme et la bienveillance.

Pour en savoir un peu plus :

Le travail durant la transition décroissanciste