La maladie de Charcot

Un dernier billet d’Anne Bert … avant sa mort

Hier soir j’ai vu dans la presse, Le Figaro,  que des malades atteints de la même maladie que la mienne sont indignés de ma prise de position (cause soutenue par déjà plus de 205 000 signataires) pour rouvrir le départ sur le droit à choisir une aide active médicale pour mourir -en phase terminale ou incurable et mortelle à brève échéance-

Indignés pourquoi ? En quoi je les blesse ? En quoi l’altérité est-elle offusquant ? Ai-je dit qu’ils avaient tort ? Qu’ils étaient indignes ?

C’est comme si l’on affirmait que  lorsqu’on voulait légiférer sur l’IVG, et que l’on en débattait,  c’était insultant pour les femmes enceintes en situation de détresse qui faisaient le choix de ne pas interrompre leur grossesse malgré tout.

La liberté fait-elle donc si peur ?

Il me faut alors faire quelques mises au point, puisque cela parait nécessaire.

Je n’ai jamais pris cette position de libre choix pour parler de la maladie de Charcot ni  de la SLA mais bien pour tous les cas de phase terminale  quelles  que soient les pathologies.

Ma prise de position est  uniquement axée sur la liberté pour chacun de décider en son âme et conscience ce qu’il veut faire de ses derniers instants de sa vie

J’ai toujours salué  le courage de tous qui sont dans l’acceptation totale des souffrances de leur fin de vie, dans la plus parfaite légalité française. Beaucoup de malades vivent pleinement leur maladie ou même la snobent en se concentrant sur d’autres valeurs en acceptant leur sort.  Il n’y a pas un malade meilleur  qu’un autre. La maladie n’est pas un curseur de vertu.

Mais il en est pour qui cette acceptation à tout prix relève du masochisme.

Nous,  malades,  ne sommes pas des hommes et des femmes diminuées,  nous ne sommes pas définitivement vulnérables comme on aime le seriner  pour nous garder sous tutelle que ce soit du corps médical  ou de la sphère familiale.  Nous sommes fragilisés par la maladie mais capables de réfléchir, penser.

Et ce serait faire offense à tous les malades de les supposer  incapables de saisir que l’on réclame simplement le libre choix et non pas que l’on porte un jugement sur ce que vit chacun,  sur ce que veut chacun.

C’est exactement l’inverse,  c’est pour que chacun puisse être respecté dans sa maladie et dans sa fin de vie.

J’ai rencontré des hommes des femmes atteint de la SLA, de tout horizon de tout âge hélas,  si jeunes,  de plus en plus jeunes, juste diagnostiqués ou déjà très avancés, , d’autres m’ont écrit, ni les uns ni les autres ne m’ont dit qu’ils me jugeaient dangereuse,   sauf quelques-uns très très croyants, dont Pone , du groupe Fonky Family , mais avec Pone,  qui m’a autorisé à en parler, nous avons entamé un dialogue depuis quelques mois enfin que l’un et l’autre puissions laisser parler nos conscience dans le respect de chacun. Et alors qu’il choisit  d’aller jusqu’au terme de sa maladie, en toute liberté,  en accord avec sa foi, je ne pense pas qu’il se sente en tant que malade humilié ou méprisé par mon choix. Et nos échanges sont beaux.

il est évident que dans ce combat la maladie de Charcot a été évoquée puisque c’est de cette pathologie  incurable donc je soufre,

C’est tant mieux, car il y a tant à interroger sur ce fléau mortel,  de plus en plus fréquent qui touche de plus en plus de jeunes. Toujours incurable.
Pourquoi ? Oui pourquoi,  tant de malades atteints de cette maladie et surtout pourquoi aucune enquête sérieuse menée auprès de chaque patient, c’est-à-dire environ 8 000 en France avec 800 nouveaux cas de plus par an,  afin de les interroger sur leur mode de vie pour tenter de croiser les points communs ?
Jamais aucun n’a été interrogé autrement que par une seule  question vague sur l’environnement professionnel soumis à d’éventuels pesticides

ON nous promet de l’espoir, mais depuis des années rien ne vient. Oui, l’on peut survivre un peu, artificiellement. Branché. Emmuré. C ‘est un choix. Aucun choix n’a à être jugé.

Et pourquoi l’état ne dote-t’il pas la recherche du budget nécessaire pour une maladie qui ne cesse de croitre ? Cet état qui se satisfait sans agir, des manifestations associatives en faveur de la cause Charcot,

Et tous courent, pour la cause Charcot… Et Charcot gagne…

******             ***************

PS A propos de l’ARSLA, magnifique association du reste, indispensable, mais qui s’émeut et s’indigne dans la presse de ma dangerosité, elle peut  tout aussi laisser croire, même en concédant qu’elle ne me juge pas,  que je suis une de ces « mauvais » malades , aux pulsions mortifères, qui refuse la joie même dans la difficulté, l’amour dans le dénuement. Alors que c’est Si loin de ce que je suis, de ce que vis.  Mon chemin est aussi lumineux que celui des jusqu’au-boutistes, tout aussi difficile. Mon tout dernier été fut le plus beau humainement parlant, fraternel.

L’ARSLA faisant de mon cas, un cas exceptionnel qu’il faudrait taire et cacher, ne pas relater notre réalité, la mienne et celles d’autres malades SLA qui ne sont pas en leur âme et conscience pour cette acceptation ultime de la maladie, (j’ai reçu tant de témoignages), faisant de nous une espèce pestiférée, à planquer parce qu’elle ne célèbre pas la splendeur que peut révéler l’emmurement, laissant croire que tous les malades SLA sont heureux, ou sinon mal accompagnés, mal aimés, mal aimants.

Nous pouvons être tout  aussi « indignés » de ne pas être reconnus au sein de cette association, qui n’accepte de relayer que les malades heureux, exemplaires, et renvoie au piquet ceux qui font tâche.

anneelisa.wordpress.com/2017/09/19/les-malades-sla-maladie-de-charcot/