La fermeture de réacteurs doit être engagée

Dès maintenant !

Si la programmation pluriannuelle de l’énergie n’acte pas la fermeture de réacteurs d’ici à la fin du quinquennat, la transition énergétique de la France n’aura pas lieu, car le nucléaire est un obstacle majeur au développement des énergies renouvelables, explique, dans une tribune au « Monde », un collectif de chercheurs et d’activistes.

Tribune. Dans les prochains jours, le président de la République Emmanuel Macron présentera la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), une feuille de route qui déterminera l’avenir énergétique de la France pour les dix prochaines années.

Un sujet hautement stratégique pour l’Hexagone, ses citoyennes et ses citoyens. Ce document détermine le rôle que l’Hexagone jouera dans la transition énergétique au niveau européen et dans la lutte contre les dérèglements climatiques.

Pourtant, à ce jour, nous craignons que ce plan manque fortement d’ambition. Notamment si la PPE n’annonce aucune fermeture de réacteurs nucléaires d’ici à la fin du quinquennat. Quand bien même il est question de repousser l’échéance des 50 % de nucléaire [dans la production d’électricité] en 2035 (légalement, elle est encore fixée à 2025) , la fermeture de réacteurs nucléaires doit être décidée et engagée dès maintenant.

Il s’agit là de transformations majeures, notamment en raison des implications économiques et sociales qui en découlent. Et il s’agit de transformations indispensables, tant le parc nucléaire est vieillissant, défaillant et dangereux.

Pour toutes ces raisons, la France ne peut pas prendre plus de retard dans sa transition énergétique, et ces décisions doivent être prises maintenant.

Sécurité et déchets

Monsieur Macron, il n’est plus possible, comme l’ont fait vos prédécesseurs, de reporter. Si la PPE n’acte pas la fermeture de réacteurs d’ici à la fin de votre quinquennat, cela reviendra à prendre la décision de maintenir les Françaises et les Français dans une situation de risque permanent d’accident nucléaire.

Sur les cinquante-huit réacteurs en fonctionnement dans l’Hexagone, plus de 1 000 anomalies ont été détectées depuis leur mise en service. Certains continuent de produire de l’électricité, alors que des pièces ne sont pas conformes aux normes de sûreté.

Et c’est sans compter les risques d’accidents liés aux manquements dans la sécurité des centrales, comme l’a récemment soulevé la commission d’enquête parlementaire sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires, et l’accumulation, toujours plus folle, de déchets dont on ne sait que faire.

L’Autorité de sûreté nucléaire n’a pas encore rendu son avis sur les conditions de prolongation des réacteurs les plus vieux

Si la PPE n’acte pas la fermeture de réacteurs d’ici à la fin du quinquennat, ce sera également un coup de poignard dans le dos de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Cet organisme indépendant n’a pas encore rendu son avis sur les conditions de prolongation des réacteurs les plus vieux, ceux qui vont atteindre l’âge limite d’exploitation pour lesquels ils ont été conçus, soit quarante ans. Le gouvernement ne peut pas décider de continuer d’exploiter des réacteurs nucléaires dont la possibilité technique de prolongation d’exploitation, dans des conditions suffisantes de sûreté, n’a pas été évaluée.

Si la PPE n’acte pas la fermeture de réacteurs d’ici à la fin du quinquennat, la transition énergétique de la France n’aura pas lieu. Le nucléaire est un obstacle majeur au développement des énergies renouvelables.

Selon les projections du Réseau transport électricité (RTE), la consommation d’électricité va diminuer ou stagner dans les vingt prochaines années. Si l’on ne réduit pas fortement la place du nucléaire, qui occupe aujourd’hui 75 % du mix de production électrique, les renouvelables n’ont aucune chance d’exister autrement qu’à la marge.

Un impact sur l’Europe

Pis, la transition énergétique sera également bloquée au niveau européen. Car tant que la France maintient son parc nucléaire, l’Allemagne et d’autres pays du Vieux Continent continueront à recourir au charbon. C’est le « deal » passé entre les voisins européens pour maintenir leurs industries énergétiques à flot. Tant pis pour les énergies renouvelables.

Alors que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a récemment tiré la sonnette d’alarme pour que les Etats agissent plus vite et plus concrètement, la France peut-elle vraiment se permettre de ralentir l’action climatique européenne ?

Monsieur Macron, vos prédécesseurs ont déjà considérablement amputé la transition énergétique française. Ne répétez pas les mêmes erreurs. La PPE doit être un instrument de mise en œuvre des engagements climatiques internationaux de la France. Cela passe par une politique volontariste de maîtrise de la consommation d’énergie associée à un fort développement des renouvelables. Et cela ne pourra pas se faire tant qu’on ne refermera pas la page de notre histoire avec le nucléaire.

Signataires : Anne Bringault, coordinatrice des ONG sur la transition énergétique ; Florent Compain, président des Amis de la Terre France; Benjamin Dessus, ingénieuret économiste, Global Chance ; Michel Dubromel, président de FranceNature Environnement ; Clémence Dubois, chargée de campagne à 350.orgFrance ; Txetx Etcheverry, cofondateur du mouvement écologisteBizi! ; Jean-François Julliard, directeur général de GreenpeaceFrance ; Jon Palais, porte-parole de ANV COP21 – Alternatiba ;Philippe Quirion, président du Réseau Action Climat ; Bernard Laponche, physicien nucléaire, Global Chance.