La campagne anti-éolien de Xavier Bertrand

 

Il plaide pour un nouvel EPR ! Du n’importe quoi !

C’était il y a vingt ans. Sous l’impulsion de sa présidente verte, Marie-Christine Blandin, la région Nord-Pas-de-Calais s’engageait pour créer une filière économique régionale autour de l’éolien. En 1996, la première ferme éolienne française voyait le jour à Dunkerque. Avec sa façade littorale et ses plateaux intérieurs exposés au vent, le Nord-Pas-de-Calais, pionnier dans le domaine, avait alors choisi d’exploiter son important potentiel et, pour cela, la région injectait plusieurs millions de francs dans la promotion de cette énergie renouvelable.

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Depuis, le vent a tourné. Dès 2015, lors de la campagne des régionales, Xavier Bertrand a annoncé son intention de mettre un coup d’arrêt à cette énergie renouvelable. Son discours est depuis inchangé. « Je suis contre la saturation de l’éolien ! Cela crée des nuisances pour les riverains, ça défigure nos paysages. Et où sont tous les emplois créés par l’éolien ? Dans notre région, nous remplissons déjà les objectifs de développement de l’éolien fixés pour 2020, nous avons dépassé la limite du supportable. »

Avec 1 500 mâts sortis de terre, 800 autorisés mais pas encore construits, et 767 en cours d’instruction, les Hauts-de-France est la région la mieux pourvue en éoliennes. « Un record dont je me passerais bien », regrette le président du conseil régional. Selon lui, le fait que 70 % des projets d’implantation soient contestés devant les tribunaux illustre bien la révolte qui gronde. « Je ne propose pas de scier les mâts des éoliennes, mais j’ai ce rôle de lanceur d’alerte, car je crains des affrontements lors d’installations futures. » A ce sujet, il dénonce un « scandale d’Etat » à venir : « Je viens de découvrir qu’à titre expérimental, dans les Hauts-de-France et en Bretagne, les enquêtes publiques en matière environnementale vont être remplacées par une participation du public par voie électronique. Si ça, ce n’est pas une provocation ! »

« Cet observatoire, c’est un réquisitoire, pas de l’information »

Les promoteurs de l’éolien ont, eux, fort peu apprécié la méthode du président de région. En juin 2018, il a créé un Observatoire de l’éolien, qui cartographie les installations et organise des réunions d’information dans les communes concernées. « Cet observatoire, c’est un réquisitoire, pas de l’information », dénonce Pauline Le Bertre, déléguée générale de France Energie éolienne. Cette association, qui représente les intérêts des professionnels de la filière, regrette de ne pouvoir entamer de dialogue « apaisé » avec l’ancien ministre Bertrand. « On ne peut pas le laisser dénigrer une filière professionnelle qui compte 1 759 emplois sur son territoire, c’est irresponsable », ajoute-t-elle.

Lundi 14 janvier, dans la petite ville de Vermelles, dans le Pas-de-Calais, le conseiller régional Simon Jombart est venu présenter l’observatoire et rappeler aux habitants que M. Bertrand était à leurs côtés dans leur combat contre trois éoliennes. Ce soir-là, le maire boit du petit-lait en écoutant le conseiller régional annoncer que « l’éolien n’est pas réellement source d’emplois sur le territoire », que « l’on ne sait pas recycler les pales », qu’il « y a déjà eu des accidents » et que « les élus veulent lutter contre ces implantations » au profit du solaire et de la méthanisation (la production de gaz à partir de déchets agricoles). Depuis le début du mandat, le conseil régional a ainsi engagé 14 millions d’euros dans les projets de méthanisation et « s’engage à mettre en place un mix énergétique ».

 

« Je ne vendrai pas mon âme au diable »

Dans la salle municipale de Vermelles, la méthanisation ne cristallise pas les tensions comme les éoliennes. Et qu’importe si les trois mâts peuvent apporter chacun près de 5 000 euros par an à la commune de 4 700 habitants. Le maire annonce fièrement qu’il préfère « aller dans le sens de la population » et refuser l’enveloppe « alléchante » que rapporterait le projet de la société Innovent. « Rassurez-vous, annonce-t-il aux 80 personnes présentes dans la salle, je ne vendrai pas mon âme au diable. »

Un « diable » qui s’étrangle face à de telles réunions. « C’est choquant de voir la région, censée être neutre, organiser cela, estime Camille Verhaeghe, chef de projet chez Innovent. Et on aimerait être invité à ces débats. C’est ça, la démocratie. » Dans cette entreprise installée à Villeneuve-d’Ascq (Nord), chaque projet prend environ dix ans avant de sortir de terre. Les restrictions et réglementations sont nombreuses, mais si 70 % des dossiers sont contestés, près de 95 % aboutissent. Les professionnels du secteur sont habitués aux recours, mais aucune autre région ne s’oppose aussi fortement que les Hauts-de-France.

Chez Europe Ecologie-Les Verts (EELV), on s’indigne également contre « la propagande diffusée à travers cet observatoire ». Le cosecrétaire de EELV Nord-Pas-de-Calais Yannick Brohard précise être « favorable aux réunions d’information, mais là, ils ne font que tirer à boulets rouges contre l’éolien ! ».

« Il nous emmène dans un cul-de-sac »

Gil Mettai, secrétaire régional de EELV Picardie, s’interroge : « A l’heure où les voyants climatiques sont au rouge, où les citoyens se mobilisent pour défendre la planète, où les scientifiques du monde entier alertent d’un réchauffement qui atteindra bientôt un point de non-retour, c’est une folie de s’opposer aux énergies renouvelables. » Pire, écrit-il : « Xavier Bertrand milite pour la construction d’un réacteur nucléaire EPR dans la région. Quand on sait l’énormité des coûts, les défaillances de construction et les risques technologiques, cette voie vers laquelle il nous emmène est un cul-de-sac. »

Le président de la région confirme qu’il demande sur le site de la centrale de Gravelines la construction d’un nouvel EPR. Une décision qui est loin d’être prise par les pouvoirs publics. « C’est important en termes d’indépendance énergétique pour une région de tradition nucléaire comme la nôtre. » Avec Gravelines, les Hauts-de-France sont dotés de la plus grande centrale nucléaire d’Europe de l’Ouest. Elle alimente à elle seule 70 % des besoins électriques de la région. En mars 2018, Xavier Bertrand et Jean-Bernard Levy, le PDG d’EDF, ont signé un nouveau parrainage pour renforcer la filière localement.

Même si la région rend un avis défavorable à de nouvelles installations lors des enquêtes publiques, la décision finale revient à l’Etat et au préfet. « Je suis président des Hauts-de-France, pas de la France, je n’ai hélas pas le pouvoir de refuser les éoliennes », reconnaît M. Bertrand.

Or la feuille de route énergétique de la France, présentée en novembre 2018 par Emmanuel Macron, prévoit de tripler l’installation des éoliennes terrestres en France à l’horizon 2030. Et un autre projet important doit voir le jour dans la région dans les années à venir : un très grand champ d’éoliennes en mer est en projet au large de Dunkerque.

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Commentaire rapide

Ce n’est pas parce qu’il faut refuser cette nucléarisation de la société qu’il faut accepter ces éoliennes qui perturbent le paysage, font le bonheur des entreprises et servent essentiellement au transport d’électricité. C’est aussi un moyen pour les communes de recevoir de l’argent -en se vendant au diable ; c’est dans la continuité du désengagement de l’Etat vis-à-vis des communes … au profit du privé !