Les gilets jaunes choqueraient ?

« Policiers, suicidez-vous ? »

Nous pouvons entendre et lire dans les médias après la manifestation des Gilets Jaunes Acte XXIII de samedi 20 avril 2019 que des politiciens et au-delà des gilets jaunes eux-mêmes trouvent inadmissibles de tenir de tels propos.

Depuis le début du mouvement, sur un panneau bien en évidence dans un rond-point à l’entrée de l’autoroute, on peut lire en très grosses lettres : « Macron enculé ». Voilà qui n’a rencontré au début du mouvement des GJ, aucune réprobation. L’inscription est toujours là. Dans les manifestations on peut ouïr encore très souvent : « Emmanuel Macron, ô tête de con, on va te chercher chez toi, etc » Là non plus, aucune réaction vis à vis de cet acte de lèse-majesté. Il se trouve que nous ne sommes plus au mois de novembre 2018 ; aujourd’hui la moindre anecdote est passible d’amende voire d’emprisonnement, en tous cas de l’indignation (très sélective !) des bien-pensants.

En attendant la suite de cette ténébreuse affaire, on peut constater les actions des défenseurs de l’ordre. Plus autant de flash balls – les autorités auraient-elles infléchi leur politique répressive depuis la condamnation de la part de la Commission européenne et de l’ONU ? – mais tout autant de répression physique des manifestants. C’est maintenant le bal des motards qui tournent autour et cueillent les personnes dans les manifestations. Comment s’étonner donc après 23 semaines de manifestations que les esprits ne soient échauffés ? Même les GJ Rodriguès et Ludovski sont capables de comprendre ça. On a quand même du mal à comprendre les raisons qui les poussent à condamner leurs collègues qui entonnaient le « Policiers, suicidez-vous ! » samedi dernier après avoir été nassés et confinés sur la place de la République pendant des heures. A croire que l’eau a coulé sous les ponts et qu’il leur fallait afficher un profil plus ‘présentable’ face aux autorités. Le mouvement des Gilets Jaunes qui, jusqu’à présent, avait montré un visage d’une liberté surprenante comparée aux stéréotypes des moutons de l’intelligentsia boboïste est sur la mauvaise pente. Ceci est vrai au moins pour certains de ses ‘chefs’…

Rodriguès dira lui-même qu’un policier lui avait demandé s’il lui crevait l’autre œil. Là aussi un humour assez noir de la part d’un « fonctionnaire de l’ordre public ». Et combien d’autres du même genre n’a-t-on pas dû endurer ! On peut être surpris qu’aucun des moutons qui s’insurgeaient à la suite de cette manifestation contre le « suicidez-vous ! » n’aient trouvé à redire par rapport à ces provocations répétées de la part des soldats de l’Ordre.

Et il faut bien dire qu’une fois de plus, les mêmes moutons nous ont resservi la fable des GJ se comportant comme des ‘émeutiers’ et non comme des manifestants. Voilà qui est bien étonnant : des milliers de blessés du côté des ‘émeutiers’ et du coté des forces dites de l’ordre on attend toujours le décompte et la gravité des blessures occasionnées. Jusqu’à présent, ceux qui tiraient des projectiles, lançaient des grenades, donnaient des coups de matraque, ce n’étaient pas les émeutiers mais les policiers et autres CRS. Drôle d’émeutiers donc qui sont incapables de faire des blessures, cela ne correspond en rien au statut que leur attribuent les moutons. Mais les moutons ont tant d’imagination…

On remarquera que ces pseudo-émeutiers se sont fait prendre pour la énième fois dans la nasse de la place de la République à Paris. Vraiment, la stratégie n’est pas leur fort ! Toute cette blague des émeutiers prêterait bien à sourire si tant de spectateurs et autres déglingués du cerveau n’y croyaient pas. En fait, le sérieux le plus élémentaire inviterait à penser qu’il s’agit d’une révolte. Qui a pu conduire à des violences comme toute révolte – ne serait-ce qu’en réponse aux violences policières ! – Mais dans laquelle la stratégie n’a quasiment aucune place. Même dans l’histoire de l’engin qui a défoncé le portail d’un ministère il n’y avait aucune intention de pendre le sinistre qui y logeait, seule la mauvaise foi permet à certains olibrius de penser autrement.

Il s’est déroulé autre chose de ‘remarquable’ ce samedi à Paris et qui n’a pas échappé à quiconque s’intéresse au mouvement des GJ mais à côté duquel les moutons sont complètement passés. La police macronienne s’intéresse maintenant de près à la presse (1). On savait que les pouvoirs n’aimaient rien moins que leur larcins aient quelque publicité auprès du grand public. Mais le pouvoir macronien est largement au-dessus de ce qui a été dans ce domaine ces dernières années. Imaginez que s’il n’y avait pas eu la presse on n’aurait peut-être pas su que Benalla, le chouchou du président, jouait les gros bras dans les manifestations en lynchant les jeunes gens turbulents. Tiens, tiens, à cette époque déjà, on aimait la castagne ! Il est étrange que nos beaux esprits : les Ciotti, Estrosi et autres maniaques de l’Ordre (mettons-y une majuscule car il s’agit là d’une divinité importante dans leur panthéon) n’aient pas trouvé d’indignation pour tout ça. Nous en sommes là.

Difficile de croire, en conséquence, qu’il n’y a pas une gradation dans les moyens recherchés contre ces satanés GJ qui sont toujours là après 23 semaines. On ne peut plus gouverner tranquillement, quoi ! On s’attaque aux manifestants dans une répression qui n’a eu aucune commune mesure avec tout ce qui fut fait pendant ces dernières décennies. Comme tout ça ne rentre pas dans l’Ordre (osons encore la majuscule) on devient conciliant. On fait un discours auquel personne ne croit. On lance un débat auquel personne ne croit mis à part les tenants du système qui y participent. On fait ensuite des lois qui renforcent les capacités répressives en siphonnant le parti de droite en pleine dépression. Que faire maintenant ?

Eh bien, attaquons-nous à la presse qui dévoile les vérités que les spectateurs de la presse-relais-du-pouvoir ne veulent pas voir (on ne peut pas dire que la télé ait mis l’accent sur les policiers tabassant des manifestants. Cela évidemment donne la possibilité à un Castaner de dire qu’il n’a pas connaissance de policiers agressant des manifestants ! ) Comme le dit Aldous Huxley, « les faits ne cessent pas d’exister parce qu’on les ignore. » et on voit que malheureusement, pour beaucoup de ceux qui veulent obstinément croire ce qu’on leur raconte (parce que ça les arrange ; ça conforte leur inactivité, leur volonté de s’enterrer dans leur quotidien vasouillard), la réalité est ce qu’ils voient… jusqu’au moment où les choses changent ! Il est donc urgent de faire en sorte que ça change.

  • 1. » Après avoir décidé de son placement en garde à vue pendant tout un week-end, l’empêchant ainsi de diffuser les images de son travail lors de cette manifestation, le procureur a requis l’interdiction à Gaspard Glanz de paraître à Paris d’ici son procès qui aura lieu le 18 octobre… Depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, un grand nombre de manifestants étaient toutes les semaines interdits de se rendre à Paris, les empêchant d’exercer leur liberté fondamentale de manifester. Aujourd’hui, l’institution judiciaire veut en plus interdire à un journaliste de faire son travail. Ce n’est pas une peine, c’est un contrôle judiciaire. Ce qui le justifie, je ne sais pas, parce que cette décision n’est pas motivée. » dit l’avocat du journaliste Gaspard Glanz de l’agence Taranis News.

faut-le-dire.fr

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A propos des « vermines » et en soutien à Gaspard Glanz

Un article de F. Lordon

https://lundi.am/A-propos-des-vermines-et-en-soutien-a-Gaspard-Glanz