Mais pourquoi diable Charbonneau est-il si méconnu ?

Serait-il aussi méprisé par les milieux de la géographie, de l’urbanisme, de l’architecture, de la sociologie urbaine ?

Notre ami Richard Pereira, qui nous livre ici une lecture de Charbonneau, a suivi cinq années d’enseignement de géographie à l’université. Il n’y a jamais entendu parler de ce fondateur de l’écologie politique, pourtant agrégé d’histoire-géographie et auteur d’une vingtaine d’ouvrages sur les relations qu’entretiennent les sociétés humaines avec leur environnement.

Non seulement Charbonneau n’était, dans les années 1970, ni prof d’université, ni parisien, ni marxiste, mais il était en porte-à-faux avec la géographie qui selon lui avait cessé d’être « descriptive » pour devenir « active » : une science au service de l’aménagement industriel du territoire à une époque où les plus acharnés d’entre les scientifiques imaginent utiliser la bombe H pour percer des canaux et déplacer des montagnes. Ainsi des « explosions nucléaires pacifiques » du programme américain Plowshare abandonné en 1977.

Au fond, la mise sous silence de Charbonneau est assez facile à comprendre. Quand il publie Le Jardin de Babylone en 1969 (réédité par L’Encyclopédie des nuisances en 2002), les Trente Glorieuses sont à leur faîte, portées par la puissance de l’État planificateur. Charbonneau, anti-industriel et libertaire, est donc absolument inacceptable pour son époque, y compris pour les auteurs les plus critiques. Un an plus tôt, en 1968, le sociologue marxiste Henri Lefebvre connut avec Le Droit à la ville un succès autrement plus conséquent. Normal, Lefebvre est à la fois industrialiste et planificateur : « La transformation révolutionnaire de la société a pour terrain et pour levier la production industrielle. […] Seule la prise en charge de la planification par la classe ouvrière et ses mandataires politiques peut modifier profondément la vie sociale et ouvrir une seconde ère : celle du socialisme », conclut-il dans cet ouvrage resté célèbre.

Pour Charbonneau, défenseur de la nature et de la liberté, l’urbanisme a détruit dans un même mouvement les campagnes et les villes – ces « villes libres et communes médiévales » comme autant de « sociétés spontanées » dotées de leur « gouvernement autonome » –, pour faire de l’Europe « une seule banlieue industrielle et résidentielle » alignant immeubles, usines et « espaces verts » en une « cité totale ». Celles et ceux intéressés par la reprise en main de leur existence face à la mortification de leur environnement immédiat peuvent donc lire la réédition du Jardin de Babylone à l’Encyclopédie des nuisances.

Renart, qui installa son gîte sur la friche Saint-Sauveur pour contrecarrer les projets des aménageurs, vous propose aujourd’hui une lecture de Bernard Charbonneau par Richard Pereira de Moura, contributeur du Réseau des territorialistes, et co-directeur de l’ouvrage Design des territoires. L’enseignement de la biorégion (Eterotopia, 2020).

A lire en cliquant sur le lien :

https://chez.renart.info/IMG/pdf/revenir_a_la_geographie_avec_bernard_charbonneau.pdf