Défendre la liberté d’expression contre la censure de Facebook

Depuis quelques mois, j’ai été victime à plusieurs reprises de la censure de Facebook et de Twitter.

Avec, à la clé, un blocage plus ou moins long de mes comptes. Si j’en juge par les échanges sur les réseaux sociaux, je ne suis pas le seul, loin de là, à subir cette Anastasie… américaine.

Facebook et Twitter multiplient ces temps-ci les sanctions contre des internautes accusés de violer leurs règles. Officiellement, il s’agit d’interdire aussi bien la « nudité ou tout autre contenu suggestif à connotation sexuelle » que « les discours haineux, menaces crédibles ou attaques directes à l’encontre d’un individu ou d’un groupe ».

Sauf que, très souvent, l’algorithme ou/et les bureaucrates chargés de faire respecter ces règles commettent d’évidentes erreurs. À tel point que ces bugs en série ressemblent de plus en plus à une atteinte généralisée aux libertés d’opinion et d’expression, et ce – rappelons-le – de la part d’entreprises étrangères, en l’occurrence américaines.

Je ne reviens pas sur la surveillance de chaque critique de la politique israélienne, qui a valu à nombre de mes ami(e)s des blocages de plus ou moins longue durée. Pour ma part, en quelques mois, j’ai aussi été victime de simples contre-sens. En voici quelques exemples particulièrement éclairants.

Cette semaine, mon compte Facebook a été bloqué durant trois jours… pour avoir dénoncé le caractère antisémite de la fresque d’Avignon représentant Jacques Attali manipulant un Pinocchio au visage d’Emmanuel Macron. Je l’avais comparée à des caricatures antijuives des années 1930

Récemment, la censure m’avait menacé de ses foudres pour avoir repris un des dessins antiracistes les plus célèbres de Wolinski… qu’elle jugeait raciste. Il avait été publié  à la « une » de « L’Humanité » dans les années 1970 !

Le même algorithme et/ou le même bureaucrate m’avaient reproché un jour la reproduction de la célèbre « Affiche rouge » placardée par l’Occupant nazi pour présenter les résistants comme des « terroristes ». Je l’avais pourtant accompagnée de l’inoubliable poème éponyme de Louis Aragon…

Une autre fois, j’ai été puni pour avoir dénoncé une caricature de Riss, à la « une » de « Charlie », transformant  la jolie présidente (voilée) de l’UNEF en horrible guenon… On sait pourtant depuis le nazisme et le stalinisme ce que signifie l’animalisation de l’ennemi.

Le summum de la bêtise ou du lepénisme masqué a été atteint lorsque Facebook prétendit m’interdire de publier un appel collectif à voter contre Marine Le Pen ! C’était trop : j’eus droit, cette fois, aux excuses de la censure. (Ce qui prouve, soit dit en passant, qu’il n’y a pas que des algorithmes derrière le système liberticide de Facebook).

Il est vrai que, presque simultanément la censure facebookienne avait poussé l’ignominie jusqu’à s’indigner que je reprenne sur ma page un commentaire du rapport de Human Rights Watch concernant les horreurs innommables  perpétrées par les soldats russes à Bucha ! Bref, après avoir défendu Marine Le Pen, la censure semblait camoufler les crimes de… son banquier !

La dernière est signée Twitter. J’y écrivais : « En Allemagne on a brûlé des synagogues. Et on a fini par brûler les Juifs. » Qui peut considérer cette mise en garde comme antisémite ?

Ras-le-bol ! Il serait plus que temps que l’ARCOM s’intéresse au système de censure de Facebook et de Twitter, qui, imbécile ou raciste, bat des records d’absurdité dignes de Kafka, Orwell et Jarry réunis !

Dominique Vidal : Historien et journaliste, spécialiste des relations internationales et notamment du Proche-Orient, collaborateur du « Monde diplomatique », membre du Bureau de l’Iremmo, animateur bénévole de La Chance.

Sur le blog de D. Vidal ; mediapart