Les conflits psychiques provoqués par la gestion politique de la crise sanitaire

Présentation par Laurent Mucchielli

L’article qui suit, écrit par la victimologue Marielle Vicet, inaugure sur ce blog une série de réflexions portant sur les dimensions psychologiques individuelles et collectives de la crise sanitaire. L’enjeu est important. Loin de la vision enchantée des confinements et autres mesures de « distanciation sociale » que nous propose la propagande politico-industrielle, la réalité des impacts psychosociaux de ces politiques sanitaires interpelle les chercheurs et les praticiens de la santé mentale, cette dernière étant une dimension très importante de la santé tout court.

En 2021, Monique Dagnaud, directrice de recherche émérite au CNRS (CEMS/EHESS) a dirigé une enquête en partenariat avec ARTE et France Culture, dans le cadre du festival Et maintenant ?. Diffusée sur les réseaux sociaux, cette enquête a permis de recueillir des informations sur plus de 80 000 personnes de tous âges. La population d’enquête ainsi constituée ne constitue pas un échantillon représentatif, elle surreprésente notamment les jeunes, les femmes, les classes moyennes et supérieures, les personnes diplômées et celles vivant en région parisienne. Les constats, résumés dans cette longue interview radiophonique, n’en sont pas moins importants. Il apparaît notamment que les jeunes générations ont été nettement plus impactées dans leurs vies générales que les plus âgés : « A la question « Qu’est-ce que la crise vous a fait changer ?« , 45 % des plus de 55 ans répondent « rien du tout« , contre 32 % des 25-39 ans et 27 % des 18-24 ans. Ces derniers évoquent davantage une évolution des liens avec l’entourage et, à l’âge des grandes décisions quant à son avenir, à avoir changé de choix d’études. Leurs aînés ont connu des bouleversements similaires : 32 % affirment avoir abandonné leurs projets professionnels, 24 % leur cadre de vie ». Derrière la tranquillité apparente des baby-boomers se cache ainsi la souffrance des plus jeunes : « chez les 18-24 ans. 57 % ont connu des problèmes de déprime et d’anxiété, 45 % de solitude, 42 % de fatigue et de sommeil et 25 % d’alimentation (…). Le questionnaire confirme ainsi les inquiétudes concernant les effets psychologiques du Covid-19 exprimées par les professionnels de santé lors du confinement et alors que les étudiants devaient, pour la plupart, suivre des cours à distance ». L’enquête relève également que, « dans l’évolution à marche forcée de la sociabilité à distance et l’enseignement en ligne, de nombreux jeunes, même adeptes de culture numérique, n’y ont pas trouvé un rempart contre le sentiment d’isolement et ses conséquences ». 

En mai 2021, l’OCDE publiait également un rapport intitulé « Préserver la santé mentale des jeunes pendant la crise du COVID-19 ». On y apprend que, avec ses confinements, ses fermetures des établissements de formation, ses mises contraintes en télétravail ou au chômage, « la crise du COVID-19 a eu d’importantes répercussions sur la vie des jeunes (15-24 ans), et les données disponibles font apparaître une montée alarmante des problèmes de santé mentale dans cette classe d’âge. En Belgique, aux États-Unis et en France, les données de mars 2021 montrent que la proportion de jeunes présentant des symptômes d’anxiété et de dépression était plus de deux fois supérieure à celle indiquée par les données les plus récentes d’avant la crise ». En France, l’étude « CoviPrev » de Santé Publique France a également enregistré l’augmentation de tous les indicateurs de mauvaise santé mentale suite aux confinements (perception globale de sa santé, signes d’états dépressifs, signes d’état anxieux, troubles du sommeil, pensées suicidaires).

Ces constats, qui recoupent ceux que font les professionnels sur le terrain (qu’il s’agisse des psychologues, des psychiatres ou encore des structures publiques ou privées d’aides et d’écoute), doivent nous interroger. Il en va notamment de l’avenir de nos jeunes, qui ont été les sacrifiés d’une crise gérée au nom de l’intérêt des plus anciens.

Voici donc aujourd’hui un premier texte portant sur les dimensions psychologiques, et plus précisément victimologiques, de la dite crise sanitaire. J’espère que d’autres suivront, les propositions sont les bienvenues.

Laurent Mucchielli

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Réflexions sur les conflits psychiques provoqués par la gestion politique de la crise sanitaire

Marielle VICET, victimologue, est docteure en psychanalyse et psychopathologie. Sa thèse portait sur les violences sexuelles en institution (Études préalables à l’intelligence émotionnelle face aux violences. Le rôle des émotions dans l’élaboration psychique des professionnels en institution, Université Sorbonne Paris Cité, 2015).

L’actualité et le narratif du discours anxiogène sur les maladies, sur l’état de la planète, sur la guerre, sur l’effondrement de l’économie, sur la pénurie d’énergie, ainsi que les mesures liberticides qui accompagnent ce discours (comme la crise sanitaire l’a bien montré), ont introduit chez une partie de la population un système de défense et de survie. L’impact psychique est probablement majeur pour les personnes qui vivent à présent dans un monde insécure et dans l’incapacité d’analyser et de concilier leurs conflits internes.

Violences et mensonges d’État

Tout d’abord, intéressons-nous au processus à l’œuvre dans cette crise qui fonde la violence étatique et institutionnelle installant des fonctionnements dichotomiques, des harcèlements, des victimisations. C’est une palette d’agirs violents étatiques qui entrave, enserre, écrase :

une instrumentalisation qui entretient la peur, une morbidité qui porte atteinte à l’intégrité psychique et physique jusqu’aux contraintes vaccinales qui font intrusion, effraction et mutilation dans les corps.

des manipulations et des mensonges délibérés dans les discours politiques et de la part d’une cohorte de pseudo-scientifiques et d’« autorités sanitaires » sur les masques, sur le nombre de malades, sur le nombre de morts Covid, sur le nombre et la gravité des effets indésirables liés aux nouvelles thérapies génétiques. Par exemple, lorsqu’il était ministre de la santé, Olivier Véran scandait que les injections à ARN messager étaient absolument sans risques pour la mère et l’enfant. « Les femmes enceintes peuvent se faire vacciner contre le Covid-19 dès le « premier trimestre » de grossesse » disait-il lors de la séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale le 20 juillet 2021. De même, le 24 novembre 2020, le président Emmanuel Macron avait annoncé : « Je veux aussi être clair : je ne rendrai pas la vaccination obligatoire ». Et le 12 septembre 2021, il déclarait pourtant : « Dans un premier temps, pour les personnels soignants et non-soignants des hôpitaux, des cliniques, des maisons de retraite, des établissements pour personnes en situation de handicap, pour tous les professionnels ou bénévoles qui travaillent au contact des personnes âgées ou fragiles, y compris à domicile, la vaccination sera rendue obligatoire sans attendre ». Et le 18 décembre 2021, Olivier Véran avouait en effet que « le pass vaccinal est une forme déguisée d’obligation vaccinale ».

l’hégémonie du tout sécuritaire, abus de pouvoir (menaces de sanction, contrôle par tracing), injonctions contradictoires, censure organisée, discrimination en fonction du statut vaccinal, interdiction aux médecins de prescrire, interdiction de tout débat sur les traitements et la gestion de la crise, déni de justice (non-reconnaissance de la culpabilité de celui qui viole la loi), utilisation de techniques de manipulation mentale (Nudges), mise sous secret-défense des décisions prises sur la crise par le pouvoir exécutif, etc.

L’intelligibilité des processus à l’œuvre avec ce concentré d’agirs violents et de manipulations entraînent une forme de déviance institutionnalisée lorsqu’elle fait fi de la loi et des règles. Ainsi, l’abus de pouvoir peut se faire perversion psychique lorsqu’un auteur incarne la figure du sauveur dictant la loi et ordonnant en déniant l’altérité de l’autre ; il place ainsi toute la population sous emprise et contrôle.

Comment croire qu’un gouvernement se retourne contre la population ?

Au sein d’une population, le niveau de conscience de la gravité des faits et des risques pour la démocratie est disparate. Beaucoup de personnes sont convaincues que les injections sont indispensables pour leur santé et celles de leurs proches, tel que martelé par la propagande officielle, et sont dans la croyance qu’il est nécessaire de se soumettre pour sortir de cet enfermement et se protéger de tout risque.

Sont présents des mécanismes de clivage permettant le retrait ou le déni des faits, entraînant une dissociation individuelle et collective de la réalité. Dans l’incapacité de concilier ce conflit en raison de la charge émotionnelle liée au stress, à l’anxiété et au deuil, soumis à la persécution, à la menace, à l’intimidation, le mécanisme de défense sera le déni de la réalité, par exemple le refus de voir et d’imaginer les intentions derrière les mensonges d’État et de ses représentants institutionnels. En aucun cas, ces personnes ne peuvent imaginer que les représentants élus, politiques, responsables administratifs puissent opter pour de telles mesures contraignantes sans qu’il n’y ait un réel danger. De même qu’il est difficile d’assumer de penser que des médecins puissent déroger au serment d’Hippocrate qui fonde leur éthique professionnelle (fidélité « aux lois de l’honneur et de la probité, de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux […], de respecter toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions […], d’informer  les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences…, de ne tromper jamais leur confiance et n’exploiter le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences […], sans se laisser influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire […] »). Pour les personnes victimes d’un conjoint violent, il est de l’ordre de l’IMPENSABLE que cette personne aimée puisse adopter un comportement pervers. De même, posons avec le Dr Frédéric Badel la question : « Comment croire qu’un gouvernement démocratiquement élu puisse se retourner contre son peuple ? ».

Violences d’État et perversion

Dans la perversion psychique, l’altérité de l’autre est déniée, il devient objet déshumanisé. De la même manière, la série de mesures et d’abus de pouvoir qui caractérise la gestion politique de la crise du Covid participe à l’écrasement des personnes en mettant en œuvre des mécanismes de contrôle, de rationalisation, de justification, d’attitudes de déni et d’indifférence à la souffrance d’autrui. L’ensemble des dirigeants des institutions de santé participent (en évaluant insuffisamment les dysfonctionnements et les dangers de toutes ces mesures) voire collaborent aux stratégies des dirigeants et certains en tirent profit.

En miroir, comment une personne saine et incapable de concevoir cet impensable peut-elle imaginer un tel scénario de contrôle de toute une population sans avoir elle-même été confrontée au mécanisme pervers, voire l’avoir dépassé ou l’avoir finement analysé ? Il est impensable pour la majorité de la population que ces dirigeants par la peur puissent porter sciemment atteinte à la santé d’autrui. Et pourtant, le port imposé du masque, qui provoque chez les enfants de l’hypercapnie, et la vaccination présentée comme le sésame obligatoire pour accéder aux services et effectuer des déplacements, sont des moyens totalitaires inscrivant dans le cerveau des postures de soumission et de silence imposé qui risquent de laisser des traces sur le long terme. Dans ce système se mêlent autoritarisme, toute-puissance, stratégies, manipulations et emprise sur l’autre ; ces agirs fondent la violence étatique.

L’attirance mimétique ou le système de cohérence des neurones miroirs

Au niveau du conscient, nous partageons des références socioculturelles, des croyances et des valeurs, qui vont représenter le support d’une communication avec l’autre : un échange de conscient à conscient. Il s’agit d’un jeu d’interactions où l’individu se construit son environnement en fonction de son axiome de vie, c’est-à-dire qu’il va vivre des situations et créer des expériences de vie en fonction des conflits psychiques qu’il doit dépasser.

Un autre niveau de communication s’établit d’un inconscient à un autre inconscient incluant le système de cohérence des neurones miroirs. Nous entrons en résonance avec l’autre grâce à une attirance mimétique dans la rencontre qui va correspondre à la position existentielle de chacun d’eux en lien avec leurs propres axiomes de vie. Dans cette dynamique, liée à l’intersubjectivité et à la force attractive, les sujets se rencontrent comme deux pôles d’un aimant. C’est-à-dire que le sujet va rencontrer cet autre en fonction des conflits psychiques qu’il a à traiter.

Dans cette confrontation majeure à l’autre vont émerger, en miroir, des conflits psychiques, vont être présentes des mémoires d’événements de la généalogie familiale, des conflits issus de transmissions transgénérationnelles. Par exemple, un auteur de violences va chercher à se connecter à un sujet confronté à des conflits psychiques liés à une position de vulnérabilité (soumission, injustice, dévalorisation, rancœur, etc.). Il est nécessaire que l’auteur de violences soit dans une position d’emprise sur l’autre. La victime potentielle, à son insu, va répondre positivement à cette connexion afin d’être en résonance complète avec les conflits psychiques de l’autre. La personne vulnérable pense que cet autre qui se montre tellement sûr de lui (ou d’elle) va lui apporter de la sécurité, or c’est tout l’inverse. Ainsi, si un sujet a une « valise » de violence, il va rencontrer en miroir un(e) autre qui possède une « valise » de soumission. Ceci, grâce à cette force attractive : comme un miroir aimanté.

Dans le contexte actuel, grâce au système miroir, les sujets vont opérer des positions en fonction de leur propre axiome existentiel. Dans une nation, au cœur de l’espace collectif s’affrontent les axiomes divergents de sujets aux agirs pervers ou de sujets aux agirs sauveteurs, induisant un système défaillant. Entre ces deux pôles extrêmes, d’autres sujets investissent la scène de manière plus adaptée ou parfois plus chaotique, vivent des situations en lien avec leurs propres conflits, agissent ou subissent les événements suivant l’équilibre qu’ils tentent de maintenir sur l’échelle homéostasique.

Certains agirs pervers peuvent être actionnés par une quête majeure d’être aimé, liée à une carence affective grave, au vécu d’injustice et aux traumatismes vécus dans la généalogie, etc. Ces personnes vont adopter un investissement axiomatique du type « être aimé à tout prix », en raison d’une grande immaturité affective. L’intolérance à la frustration va parfois de pair avec des comportements impulsifs. L’injonction est celle d’obtenir le maximum de l’autre utilisé comme objet, où l’autre est maintenu à distance, réduit à néant. Dans cette posture prime autoritarisme, mépris, mensonges, déni de l’existence de l’autre, rigidité, manipulation, comportements malveillants, déviants. Si la séduction peut venir masquer un déficit d’estime de soi et des défenses contre l’angoisse, contre un processus dépressif, à l’extrême, dans l’inaffectivité, le sujet pervers manipulateur et destructeur peut éprouver beaucoup de jouissance dans l’emprise qu’il exerce sur sa victime.

Selon Geneviève Reichert-Pagnard, les pervers narcissiques exercent une emprise totale sur autrui, réduisent l’existence des autres au service de la leur. « L’autre est ressenti comme narcissiquement blessant, insupportable au point de « l’instrumentaliser », le faisant crouler sous les tâches, les dévalorisations, les reproches, l’utilisant comme un objet, en l’écrasant et le désorganisant avec jouissance, tout en se survalorisant […], pour ne pas se retrouver en position d’infériorité ». Il s’agit, dans ce système, d’une emprise destructrice sur l’autre : manipulateur destructeur, l’auteur d’agirs violents évolue dans un système relationnel très dysfonctionnant, adopte une position de domination discréditant l’autre, utilise infantilisation, dévalorisation, humiliation, culpabilité et attitudes de mépris atteignant immanquablement autrui dans son image. Roger Dorey évoque trois versants qui sont « l’appropriation par dépossession de l’Autre, la domination, et la nécessité de graver son empreinte sur lui.

Pour en savoir plus :

https://qg.media/blog/laurent-mucchielli/les-conflits-psychiques-provoques-par-la-gestio