Comment vaincre l’indifférence générale ?

Un histoire qui date de 2005 !

Une histoire qui concerne les Hmongs ; qui se passe au Laos.

Une histoire que l’on pourrait reprendre à l’heure actuelle. Avec qui ? Par exemple … en Palestine !

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Un peuple s’agite, mais on ne le voit pas. Il ne fait pas assez de bruit. Ils ne sont plus très nombreux. Ils ne mangent plus, et quand on ne mange pas, on n’est pas bien costaud. Ça se passe au Laos, à l’autre bout du village planétaire. Et eux, ce sont les Hmongs.

Il est assez rare d’avoir sous la main un document stipulant noir sur blanc la décision d’exterminer tout ou partie de son peuple.

C’est pourtant ce qui se passe actuellement au Laos, où des documents officiels, signés de la famille princière elle-même, dont le prince Souphanouvong, membre du Politburo, famille de celui-là même qui avait organisé le soulèvement contre les colons français, mentionne « lLes Meos (Hmongs) sont indésirables, et le gouvernement de la R.D.P.L (République démocratique populaire du Laos) entame cette « stratégie secrète sans que la communauté internationale puisse se douter de quoi que ce soit ».

L’histoire nationale du Laos est complexe. Annexé par le Siam, protectorat de l’Empire britannique, le Laos est également une ancienne colonie française. Après son indépendance, le Laos est tombé dans l’ingérence et l’impérialisme américain. Aujourd’hui, le gouvernement laotien, libre, entend faire ce que bon lui semble, quitte à bafouer les droits de l’homme les plus élémentaires, au mépris des conventions établies.

Aujourd’hui, un peuple est en danger de mort imminente. Les Hmongs, peuple de montagne ont en leur temps aidé l’armée française contre l’occupant, puis les Américains lors de la guerre du Vietnam. Trente ans ont passé, mais gare à ceux restés coincés au milieu de la jungle laotienne, qui n’ont pas eu le temps de s’enfuir avec les soldats américains ou français. Depuis près d’un demi siècle, ils sont prisonniers de cette jungle, à la merci de l’armée laotienne, pourchassés, torturés, et bientôt morts, de faim, à petit feu. Ils n’ont plus où aller, ils n’ont plus à manger. Ils sont seuls au monde. N’étaient les journalistes, qui parviennent par miracle jusqu’aux quelques miraculés encore en vie grâce aux racines de la canopée, ils n’ont pour tout autre compagnon que l’armée qui les traque jour et nuit, les obligeant à bouger sans arrêt. Les cours d’eau sont toxiques, semer et planter est impossible du fait de leurs déplacements incessants pour rester en vie.

Ils n’ont rien fait. Ils ont voulu œuvrer auprès de ceux qui leur semblèrent être, à tort ou à raison, les « bons ». On le leur fait payer cher, très cher. Depuis Dien Bien Phu, trois générations vivent ainsi un calvaire incessant.

La France a certes accueilli sur son sol les rescapés qui ont eu la chance de pouvoir s’enfuir. On les a parqués notamment en Guyane française, à Cacao, un lieu isolé de tout, bien loin de Kourou, dans les pripris marécageux infestés de moustiques, et de nuit, pour que personne ne s’insurge. En effet, la population française n’a que faire de nouveaux éclopés sur son territoire. Ils ont aidé la France ! « Bah ! c’est du passé tout ça » entend-on ! « Oui, mais pour eux, c’est du présent ! – Vous savez, on ne peut pas aider tous les malheureux de la terre ! – Oui mais là, c’est le contraire : ce sont eux qui nous ont aidés. » Surprise, ignorance… Puis l’interlocuteur, pourtant reporter dans une grande télévision française, ajoute : « Oui, mais cela fera encore un trou dans l’économie ; il faudra leur donner des pensions ! »

L’être humain est ainsi fait qu’il brise les ponts lorsqu’il n’en a plus besoin pour traverser. La France ne brille pas par son esprit de reconnaissance. Tandis que nombre de pays reconnaissent enfin les problèmes de leurs colonies, la France souffre de maladie d’Alzheimer quand cela l’arrange.

Depuis le coup médiatique, diront certains, de Grégoire Deniau, à qui il faut reconnaître du courage là où tant d’autres restent pépères près de la machine à café, la France ne peut plus dire qu’elle ignore le tragique quotidien des centaines de Hmongs qui survivent encore.

Mais que faire, se demandent les citoyens français devant l’immobilisme politique ?

Les hommes politiques sont les intouchables des pays occidentaux.

Médias, associations, mobilisation des citoyens, pétitions, manifestations. Rien n’y fait. Les millions de manifestants dans le monde n’ont pu empêcher « le mal », la guerre en Irak, initiée par un homme qui voulait, disait-il, faire « le bien que Dieu lui avait demandé de faire à sa place ! »

Le citoyen attend de l’homme politique qu’il réponde à ses questions. Mais l’État se comporte tel un parent irresponsable faisant semblant de ne pas entendre les demandes émaillées de bon sens de ses enfants. Sans réponse, l’enfant trépigne… et trépignera.

Aussi, de partout surgissent des citoyens qui décident de plus en plus de l’avenir de la planète, là où les politiques et les médias échouent lamentablement.

Depuis peu, La Thaïlande a décidé de refouler les réfugiés Hmongs présents sur son territoire. Ce sont à nouveau des innocents qui vont succomber dans d’atroces souffrances : des femmes, des hommes et des enfants, que les leurs parfois retrouvent, honteusement défigurés, violés, massacrés avec une haine féroce.

Amnesty International qualifie ces viols et assassinats de crimes de guerre.

Dans cette république sans foi ni loi qu’est le Laos, le président Jacques Chirac continue de serrer les mains comme si de rien n’était, tant l’économie est la seule donne qu’il veuille retenir de ses visites. En effet, la France est en train de mettre en place le barrage EDF – projet qui est de surcroît une erreur monumentale pour l’écologie. Mais qu’importe, puisque EDF est désormais cotée en Bourse ! Qu’importe, en effet, et combien doit leur sembler ridicule le poids de ces pauvres hères Hmongs qui ne pèsent pas lourd – chaque homme pèse à peine 35 kilos ! – dans la balance face au poids lourd énergétique de la France.

Mais on peut aussi raisonner autrement. En effet, si Monsieur Chirac était plus humain, gageons qu’il saurait dire : « Eh bien, voilà, nous vous apportons la technique, le progrès. Certes, nous vous vendons EDF, mais nous vous demandons de devenir une nation civilisée, car nous ne traitons pas avec les barbares ». Et Jacques Chirac d’ajouter : « Naturellement », son mot favori. Oui, ce serait tellement naturel, tout cela ! Et là, le Français moyen serait fier de son président, et retrouverait un peu de l’espoir qui lui fait tellement défaut. Mais naturellement, il n’en sera rien, car les rares hommes politiques honnêtes échouent en politique (par manque d’aide des leurs) et Chirac est un gagneur… irresponsable.

Les peuples minoritaires et massacrés nous lancent un défi auquel nous, pays civilisés, sommes bien en peine de répondre. Et l’indifférence de gagner, face à une nouvelle information somme toute bien banale parmi la somme d’informations qui nous étouffent, et tant chacun d’entre nous est déjà submergé par ses petites affaires : garder son petit boulot, payer ses gros impôts, et trouver un manteau chaud pour l’hiver qui sera rude.

« Les Hmongs, vous avez dit que c’était où, déjà ? »

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/hmongs-comment-vaincre-l-4765