Grain de sable dans la Troisième révolution industrielle Mulliez

Un article paru chez renart.info

Ou comment une poignée de bénévoles avec un budget de 4 000 euros s’emploient à ralentir le développement de l’Association Familiale Mulliez (AFM), 700 000 « collaborateurs », 26 milliards d’euros de patrimoine, huitième fortune française. Quelques habitants de Marcq-en-Baroeul et l’Association pour la Suppression des Pollutions Industrielles (ASPI) défendent ce jeudi 25 mai un recours devant le Tribunal administratif de Lille contre le permis de construire du futur siège de l’AFM, là où se recherchent et se développent les prochaines industries du groupe roubaisien. Le cœur du réacteur Mulliez si l’on veut.

La truffe fine et le regard torve, Renart résumait avec La Troisième révolution industrielle des Mulliez, comment le fonds d’investissement de la famille roubaisienne artificialise l’alimentation et détruit les paysages, du Brésil à l’Aveyron et de l’Angleterre à la Picardie.
Grâce au soutien de l’État, les activités de Creadev, poisson-marteau des industries Mulliez et défricheur de nouvelles marchandises, sont florissantes. L’Association familiale ne serait pas le premier employeur des Hauts-de-France [1], ni le groupe de très loin le plus profitable [2], sans une incessante activité de Recherche et Développement (« R&D » comme ils disent).

NxtFood par exemple, émanation de Creadev, a ouvert le 6 décembre dernier son usine d’ersatz de viande à Vitry-en-Artois (62), le plus grand site du genre en France, avec dix millions d’euros du Plan France Relance. Il aura fallu deux ans de « R&D » pour commercialiser, sous la marque Accro, des steaks de pois à la « jutosité » imitant celle du bœuf [3].
Les protéines d’insectes d’Innovafeed, à Nesle dans la Somme, viennent quant à elles d’attirer les investissements de Qatar Investment Authority, le fonds souverain de l’émirat. Avec une « levée de fonds » à 250 millions d’euros en 2022, Innovafeed se place à la dixième place française [4], et devient leader national de la protéine d’insectes. L’entreprise avait déjà profité en 2020 de 4,5 millions d’euros de France Relance (une paille).
Quant à Voltalia, l’entreprise photovoltaïque Mulliez, l’année 2022 s’est pour elle conclue avec un record de mises en service (442MW, +42%) et de mises en chantier (884MW) [5]. Outre ses usines solaires géantes au Brésil (la plus grande produira 320MW), Voltalia a remporté le marché de la base spatiale de Kourou en Guyanne, 4,2 MW pour cinq millions d’euros de France Relance. La conquête spatiale française électrifiée aux panneaux solaires roubaisiens, qui l’eut cru ?

Not in our global backyard

Quelques irrationnels et irresponsables ont décidé de venir en aide à ces populations du globe délogées de leurs champs, puis obligées de faire leurs courses à Auchan, en s’attaquant directement au siège social des responsables. En usant des quelques moyens du droit de l’urbanisme qu’ils avaient sous la main.

Le Département du Nord et la Métropole européenne de Lille (MEL) ont vendu en 2021 aux promoteurs Projectim (Société générale) et Nhood (Mulliez) l’ancien siège social de Transpole, l’ancienne entreprise de transports publics. C’est là que l’AFM entend installer son « incubateur de start-ups » Creadev, ainsi que son « accélérateur » maison dénommé « The Field » (Le Champ), présenté comme « le tiers de confiance qui détecte, stimule et rend possible des projets transversaux utiles et créateurs de valeur pour toutes les entreprises de l’écosystème AFM. » C’est le laboratoire du groupe Mulliez.
Après avoir acheté en juin 2022 une partie d’Euratechnologies, « l’incubateur » à start-up du groupe « La MEL », Auchan & Co entendent bâtir le long du Grand boulevard entre Lille-Roubaix-Tourcoing leur propre « Campus tertiaire de l’innovation ».

Trois hectares de bureaux, de commerces et de logements, pour les riverains de Marcq-en-Baroeul, c’est trop. Trop de béton, de voitures, de bruit, de pollutions, alors que partout les grues sont à l’œuvre et que Lille s’enlaidit à un train d’enfer. Cette poignée de Marcquois conteste les éléments apportés par les promoteurs sur les impacts environnementaux du projet : pollution des sols aux hydrocarbures, surcroît de trafic automobile et de pollution atmosphérique, etc. Ni les toitures végétales, ni les panneaux solaires, ni les arcs de stationnement vélo ne parviennent à les rassurer ; ni d’ailleurs les menaces de plainte pour « recours abusif » ne suffisent à les dissuader.

Leur argument le plus éloquent est sans doute celui-ci : sauf dérogation du préfet, la loi oblige tout aménageur d’un projet supérieur à un hectare à produire une évaluation environnementale. Une telle étude permet aux élus et riverains de se faire un avis circonstancié. Or, le préfet a ici concédé une dérogation, sans plus de précisions. Donc : fin de la discussion.

A tous les étages de l’état, entre la loi d’Accélération et de simplification de l’action publique (ASAP, 2020) et les deux lois d’accélération des énergies renouvelables et du nucléaire (prévues en 2023), les projets industriels se font dans le dos des habitants et des associations. Sans doute faut-il voir là une des explications de l’usage de moyens moins légaux et pacifiques pour enrayer les projets ravageurs. Pour le cas du siège social Mulliez, rendez-vous jeudi 25 mai 2023 à 11h au tribunal administratif de Lille.

Notes

[1] Boulanger, Auchan, Leroy Merlin, Decathlon emploient à eux seuls 20 000 personnes

[2] Sur le podium, Auchan, Leroy Merlin et Decathlon totalisent en 2022 68 milliards d’euros de chiffre d’affaire

[3Les Échos, 6 décembre 2022

[4Les Échos, 20 septembre 2022

[5Le Figaro, 23 mars 2023