La loi NOTRe, l’arrêt de mort des régies de l’eau ?

La loi NOTRe ( Nouvelle Organisation Territoriale de la République )met fin à la gestion communale de l’’eau, héritée de la Révolution. D’ici à 2020, les communes passeront obligatoirement la main à l’intercommunalité. Ce grand chamboulement territorial met-il un frein à la gestion publique de l’eau ou est-il au contraire une opportunité ? Éléments de réponse.

Article issu de l’association ATTAC :

La loi Notre, l’arrêt de mort des régies de l’eau ?

Éléments de réponse.

L’entrée en vigueur des dispositions de la loi NOTRe au 1er janvier dernier bouleverse le secteur de l’eau et de l’assainissement. Les services d’eau communaux et les syndicats d’eau existants doivent en effet être dissous sils desservent moins de 15 000 habitants, et ne recouvrent pas au moins 3 EPCI ( Etablissement Public de Coopération Intercommunale ) à fiscalité propre (EPCI-FP). La loi NOTRe signe donc de fait la fin des petites régies municipales d’ici 3 ans. Mais qu’en sera-t-il du développement des régies communautaires ? Et au-delà, quel impact aura-t-elle sur le choix du mode de gestion de l’eau ?

Un choix surtout politique

Les derniers chiffres communiqués par le SISPEA montrent toujours une petite augmentation de la part de la gestion publique (régies et sociétés publiques locales) sur la période 2013-2015. Pour l’eau potable, la gestion publique gagne ainsi 1 % pour atteindre 39,2 % et pour l’assainissement 1,5 %, avec 58,9 % de la population desservie. Difficile de faire des pronostics pour 2020. « À la fois du côté des entreprises privées et du côté des défenseurs de la gestion publique, j’entends dire que la loi NOTRe va les avantager. Il est vrai que l’on peut considérer que cela va faire disparaître les petits services d’eau qui regroupent le plus de régies. Mais tout dépend du contexte local. À Nice, par exemple, les petites régies de la métropole ont obtenu la remunicipalisation contre Veolia », souligne Olivier Petitjean, en charge de l’observatoire des multinationales. Le plus souvent, si une grosse régie existait sur le territoire avec des moyens techniques et humains importants, lEPCI-FP a choisi de créer une régie. C’est le cas de la communauté d’agglomération de Vesoul (Haute-Saône, 33 000 habitants, 20 communes) dans laquelle tout le territoire était déjà en régie. En revanche, la communauté de communes Ouche et Montagne (Côte d’Or, 32 communes, 10 900 habitants) qui a principalement récupéré des délégations de service public, mais aussi 6 petites régies sans moyens humains ni matériels, a choisi de faire appel à des prestataires privés pour gérer la compétence « eau » sur ces 6 communes. Enfin, le Grand Chalon (Saône-et-Loire, 38 communes, 110 220 habitants) a fait le choix de conserver 2 modes de gestion différents : régie au centre de leur territoire et délégation de service public pour les communes les plus éloignées. « Nous ne pouvons donc pas présager des choix politiques qui seront faits par les différents EPCI-FP », estime Margaux Lomez, chargée de mission eau potable à l’ Ascomade .

Passer au-delà de la taille critique

A court terme, les contrats de droit privé se poursuivent obligatoirement. Le transfert de compétences n’entraîne aucun droit à résiliation des contrats de délégation de service public. Alors qu’à l’inverse, une régie peut être remise en cause sans délai. La gestion publique est donc plus vulnérable de ce point de vue, a fortiori face à des élus communautaires qui n’étaient pas forcément demandeurs de la compétence eau. A moyen terme, à l’échéance des contrats de délégation de service public, certains voient au contraire dans la mutualisation une opportunité pour la gestion publique. « Le premier frein évoqué pour le passage en régie est la taille critique. Désormais, avec plus de 15 000 habitants, cet argument ne pourra plus être avancé. Avec plus de salariés, les astreintes par exemple seront plus faciles à mettre en place. Le transfert de compétences demande également d’effectuer un état des lieux, un inventaire des contrats et donc de reposer les questions. Ensuite, c’est un choix politique des élus. Mais la loi NOTRe renforce l’expertise des collectivités et donc la capacité de contrôler la mise en oeuvre des contrats », souligne Régis Taisne, animateur de France Eau Publique (FEP).

Un débat public-privé escamoté

D’autres sont pourtant plus pessimistes. « La difficulté surgit de la conjonction des délais très contraints, de l’absence d’ingénierie publique et donc d’expertise suffisante de la part des collectivités pour opérer ces transferts de compétences », expose Marc Laimé, consultant dans le domaine de l’eau. En outre, l’harmonisation tarifaire sur le territoire du nouvel EPCI permet parfois d’occulter la question du choix du mode de gestion et de faire l’impasse sur l’audit des contrats de délégation de service public en cours. C’est le cas du Grand Compiègne (Picardie) qui a mis en avant le tarif unique à terme dans le nouveau territoire pour justifier la signature de deux nouvelles délégations de service public et évacuer de fait le débat public-privé », insiste-t-il. Les associations d’usagers pointent également un risque de déficit démocratique. « Le transfert aux EPCI va éloigner les usagers des centres de décision. A la fin du contrat de délégation de service public, la renégociation va être menée non plus par la commune, mais par le président de l’EPCI. Le mode de gestion va dépendre de son choix. Par exemple sur la communauté d’agglomération de Thau (Hérault), les petites régies vont disparaître au profit dune SEMOP . Le débat démocratique sera plus difficile à mener à cette échelle, car il est plus facile de rencontrer un maire qu’un président d’EPCI », craint Thierry Uso, membre de Eau secours 34 et administrateur de la régie des eaux de Montpellier.

http://www.eausecours62.org