Après la manifestation à Bure le 15 août

S’opposer au projet nucléaire Cigéo revient à être un «dissident de l’État»

Deux jours après les échauffourées de Bure au cours desquelles se sont affrontés la gendarmerie et les opposants au projet Cigéo d’enfouissement des déchets nucléaires, Sputnik donne la parole aux écologistes qui évoquent l’ampleur du danger et expliquent pourquoi certains détails du projet sont passés sous silence.

Trois cents à mille personnes ont manifesté plus tôt cette semaine dans la Meuse contre le projet Cigéo d’enfouissement de déchets nucléaires près du village de Bure. Les incidents, qui ont fait six blessés graves, ont éclaté après un week-end de calme où s’est déroulé le Festival de Bure qui a réuni autour d’une même table écologistes et partisans du stockage souterrain. Deux jours après les manifestations, au cours desquels est intervenue la gendarmerie qui — pour disperser la foule — a fait usage de canons à eau, de grenades assourdissantes et de gaz lacrymogène, Sputnik a tendu son micro aux représentants du camp écologiste et les a interrogés au sujet de leurs préoccupations.

Silence de Nicolas Hulot

Pourquoi le ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot garde-t-il le silence? C’est cette question qui préoccupe Jean-Marc Fleury, membre du parti Europe Ecologie les Verts et président de l’Eodra (association des élus opposés à Cigéo).

«Il suffirait juste qu’on entende maintenant le ministre de l’Écologie là-dessus, on n’a encore pas entendu. Ce que je crains, c’est que Nicolas Hulot quand il est entre au gouvernement, il a accepté le deal: qu’on lui a dit « on arrête Notre-Dame-des-Landes et en contrepartie t’avalera deux-trois couleuvres », dont Bure, je pense. J’espère me tromper. Je pense que c’est pour ça qu’on n’entend pas Nicolas Hulot», indique-t-il dans son commentaire.

Pour écouter l’enregistrement :

https://fr.sputniknews.com/france/201708171032684153-bure-dechets-nucleaires-ecologie/

Et de commenter la photo prise par le ministre en 2016, la pancarte anti-Cigéo en mains: «Personne ne l’a forcé. Il a fait ça de son plein gré. […] Maintenant on va la diffuser partout pour que la presse fasse travail, interroge le ministre, lui demande des comptes là-dessus».

#Bure manif du 15 aout:  » Ce n’est pas à nous d’envoyer un message à @N_Hulot mais à lui de se souvenir de ses positions passées « #cigeo pic.twitter.com/dNVBevG5M9

— Les ZIRAdiéEs (@ZIRAdies) 15 августа 2017 г.

«Sujet qui nous concerne tous»

«On n’a pas eu le droit de manifester. On n’avait pas le droit de s’opposer à Cigéo, c’est comme s’opposer à Cigéo revenait à être une sorte de dissident de l’Etat», s’indigne Juliette Geoffroy, porte-parole du Collectif contre l’enfouissement de déchets radioactifs (CEDRA). Elle rappelle que même si ne sont les riverains qui sont venus manifester, il s’agit d’un sujet «qui nous concerne tous», il s’agissant de déchets radioactif.

«C’est un débat national: s’il y avait un accident, la radioactivité ne connaîtrait pas les frontières», pointe-t-elle. Et de rajouter que l’objectif des écologistes était de dénoncer les harcèlements politiques qui sont subis par les riverains.

Pour écouter l’enregistrement :

https://fr.sputniknews.com/france/201708171032684153-bure-dechets-nucleaires-ecologie/

«Il faut savoir que là elle s’était poussée à son paroxysme, la violence, elle est sournoise, elle est silencieuse, mais elle est quotidienne. Les riverains, les habitants des villages alentour qui subissent le contrôle aux facies, vérification de leurs cartes d’identité. Il y a une sorte de dimension inadéquate de Cigéo sur les territoires. Le projet du nucléaire utilise toujours des passages en force, parce qu’il ne s’est pas fait en concertation avec la population».

«L’européanisation du site passe sous silence»

«L’idée d’en faire du site de Bure un centre d’entreposage de déchets nucléaires pas seulement français, mais également pour les pays voisins, l’européanisation du site passe sous silence», souligne pour sa part Ben Cramer, un des premiers activistes ayant dénoncé le projet Cigéo, auteur de «Guerre et paix… et écologie».

Pour écouter l’enregistrement :

https://fr.sputniknews.com/france/201708171032684153-bure-dechets-nucleaires-ecologie/

Comme l’explique ce membre du Groupe de recherches et d’informations sur la paix et la sécurité (GRIP), le sujet reste tabou, car on cherche à faire croire aux habitants qu’ils se sacrifient au nom de la France. Si ces derniers apprenaient que les déchets venaient d’ailleurs, l’attitude de la société serait différente.

«Il y a le problème financier. Là encore, les évaluations divergent. Entre 20 milliards et 35 milliards d’euros, cela fait du simple au double presque. Si on retarde le projet, ce seras encore plus cher. Il a été prévu pour 2020, maintenant on est en train de parler de 2025, après les JO. Le pouvoir politique ne sais pas quoi faire», conclut-t-il.

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Manif anti-Cigéo à Bure : «Ce sont les forces de l’ordre qui ont mis le feu aux poudres»

Jean-Marc Fleury, président de l’association d’élus opposés au futur site d’enfouissement des déchets nucléaires dans la Meuse, explique pourquoi, selon lui, le rassemblement des opposants à Cigéo a dégénéré mardi.

  • Manif anti-Cigéo à Bure: «Ce sont les forces de l’ordre qui ont mis le feu aux poudres»

Mardi après-midi, la manifestation, non déclarée à la préfecture, des opposants à Cigéo, le futur site d’enfouissement des déchets nucléaires prévu à Bure (Meuse), s’est soldée par des affrontements avec les forces de l’ordre. Deux gendarmes ont été blessés, ainsi qu’une trentaine de manifestants dont six plus sérieusement que les autres, selon les opposants. Le cortège devait rejoindre un site archéologique datant du néolithique, découvert en 2016 par des scientifiques de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) et qui s’étend sur les terrains supposés accueillir Cigéo. Des fouilles y ont été autorisées, mais seulement sur un quart de la superficie supposée du site. Les opposants y voient un nouveau passage en force de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). Jean-Marc Fleury, ancien maire du petit village de Varney, à 50 kilomètres de Bure, et président de l’Eodra, l’association des élus opposés à Cigéo, était présent à la manifestation. Il raconte.

Quel était le but de cette manifestation ?

L’idée était de se rendre sur le site néolithique de Saudron [une commune voisine de Bure, ndlr] découvert récemment près du laboratoire de l’Andra. C’est un site archéologique exceptionnel, ne serait-ce qu’en superficie. N’importe où ailleurs, il serait fouillé de fond en comble. Là, les autorités décident qu’il n’y aura pas de fouilles. Nous voulions dénoncer le passage en force supplémentaire des autorités et de l’Andra, pointer symboliquement cet abus.

Que s’est-il passé mardi lors de la manifestation des opposants à Cigéo ?

Nous avons commencé par un point presse, puis nous avons démarré la manifestation depuis la salle des fêtes de Bure. C’est simple, nous n’avons pas pu sortir de la commune, les forces de l’ordre nous ont bloqués au bout de 100 mètres. Il y a eu de légers affrontements, puis nous sommes retournés au point de départ. Nous avons tenté d’emprunter des chemins à travers champs pour rejoindre le site, mais nous avons à nouveau été bloqués à la sortie de Saudron. J’ai quitté le rassemblement vers 18 heures, ça s’est fini dans le désordre, il y avait des blessés, dont six qui ont eu besoin de soins plus particuliers. Quand les forces de l’ordre sont si présentes et si peu discrètes, c’est qu’ils cherchent l’affrontement, ils avaient l’intention d’en découdre. Rien de plus pratique pour ensuite pouvoir dénoncer les casseurs. Oui, je sais bien que pour se battre, il faut être deux, mais [mardi], ce sont les forces de l’ordre qui ont mis le feu aux poudres.

Côté manifestants, qui était présent ?

Nous étions un petit millier, il y avait les nouveaux opposants, les jeunes occupants du bois mais aussi les opposants «historiques», les gens du coin. C’est frappant, malgré la forte probabilité que la manif dégénère, les locaux sont restés, ils étaient là. Je pense que ça traduit un rejet de plus en plus fort du projet, un ras-le-bol. On milite depuis plus de vingt ans, la démocratie est bafouée en permanence, l’exaspération est complète. Donc au final, les pacifiques restent solidaires.

Liberation.fr

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Depuis la semaine intergalactique sur la zad

Soutien à Robin, mutilé par la police à Bure, et aux autres camarades blessés.

Depuis la semaine intergalactique qui s’est ouverte sur la zad de Notre-Dame-Des-Landes au lendemain de la manifestation contre la poubelle nucléaire de Bure, nous souhaitons affirmer notre solidarité pour les camarades blessé.e.s par la police française. Robin, comme d’autres a été victime d’une des grenades explosives lancées sur les manifestant.e.s le 15 août à Bure. Elle lui a déchiqueté le pied. Ce père de deux jeunes enfants, actuellement hospitalisé à Nancy, risque d’être amputé des doigts d’un pied. Pendant l’opération César en 2012 sur la zad de Notre-Dame-des-Landes, de nombreuses autres personnes avaient déjà été blessées grièvement par ces grenades, assourdissantes ou de désencerclement. C’est l’une d’elles qui a emporté la vie de Rémy Fraisse sur la zad du Testet en 2014. Le nouveau gouvernement français et sa police ont cette semaine manifesté leur choix de continuer à mutiler ceux qui se battent contre l’extension du nucléaire ou du réchauffement climatique, contre la destruction des forêts et terres nourricières, contre les vies soumises à l’économie. Nous groupes de différents pays, actuellement réunis sur la zad pour échanger sur la suite de ces luttes assurons que nous les poursuivrons partout où il le faut, avec tout le soutien nécessaire pour les inculpé.e.s et blessé.e.s par la répression. Consultable en ligne ici : http://vmc.camp/ — —- ———— Témoignage de Robin, gravement blessé au pied Robin a écrit ce témoignage le 16 août, dans sa chambre d’hôpital, pour transmettre à tout le monde : « Je suis Robin,la personne qui a été blessée au pied par une des nombreuses grenades assourdissantes que les gendarmes mobiles ont lancé sur les manifestant-e-s, aux alentours de Bure mardi 15 août 2017. Je suis à l’hôpital de Nancy. Mon pied est dans un sale état, la grenade l’a creusé sur une profondeur de 3 cm et un diamètre de 13 cm. Les os sont pour la plupart brisés. Certains ont même disparus, pulvérisés. La chaussure a été explosée, le plastique a fondu et s’est engouffré dans la plaie, si bien qu’une infection est probable, ce qui nécessiterait l’amputation des 5 orteils. À cela s’ajoute une trentaine d’éclats répartis dans l’autre jambe. Les gendarmes ont tiré une quinzaine de grenades assourdissantes, ils ne courraient aucun danger. Juste avant que mon pied saute, j’ai vu une grenade exploser à hauteur de tête. Pour moi la volonté des forces de l’ordre à ce moment là est très clairement de blesser ou tuer, dans le but de terroriser ceux qui se battent et ceux qui ne se battent pas encore. Sur le brancard de l‘équipe médic dont je salue le courage et l’efficacité, j’ entendais encore les grenades exploser. Malgré le brutal changement que cette blessure va provoquer dans ma vie de père de 2 enfants en bas âge, j’appelle plus que jamais à continuer le combat, à le prendre ou le reprendre pour certain-e-s. »

Contact presse pour Bure : 07 53 54 07 31

Mail : sauvonslaforet@riseup.net / pour le groupe anti-répression arr@riseup.net

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Un autre compte rendu des Bure’lesques et de la journée du 15 août à Bure :

fr.squat.net/2017/08/22/bure-recit-subjectif-des-journees-anti-nucleaires/