Temps scolaire à l’école élémentaire

La qualité, et pas seulement la quantité ?

Les comparaisons internationales font apparaître ce qu’a de singulier le retour en France à la semaine de quatre jours à l’école élémentaire.

Le dernier Dossier de la DEPP nous incite aussi à réfléchir sur la qualité du temps scolaire, et pas exclusivement sur sa quantité quotidienne, hebdomadaire ou annuelle.

Les Dossiers de la DEPP consacrent leur numéro de juin[1] à l’organisation du temps scolaire à l’école. Un chapitre du dossier est consacré aux comparaisons internationales, très précieuses pour éclaire le débat français sur ce thème, rouvert par le décret n° 2017-1108 du 27-6-2017 publié au J.O. du 28-6-2017[2] 

Le temps scolaire peut dans un premier temps s’apprécier selon trois critères : l’étalement de ce temps sur l’année civile (nombre annuel de jours et semaines d’enseignement), la charge hebdomadaire et quotidienne de temps d’enseignement, duquel sont décomptés les pauses méridiennes, interclasses et récréations.

Au regard des autres pays européens, la France se caractérise par plusieurs spécificités.

1/ Avec 162 jours par an d’école en 2014 au lieu de 141 en 2010, la France demeure ainsi, malgré la réforme de 2013 qui a porté la semaine de quatre jours à quatre jours et demi, le pays qui a le plus petit nombre de jours de classe par an dans l’enseignement élémentaire. L’Allemagne en a 188, la Finlande 189, l’Angleterre 190, l’Italie 200. La moyenne européenne est de 182 jours, celle de l’OCDE de 185. « À l’opposé de la France, qui concentre un temps annuel d’instruction supérieur à celui de la moyenne de l’OCDE et un nombre de jours d’école par an plus faible que la moyenne, l’Allemagne, la Finlande, la République Tchèque, la Slovaquie et la Slovénie présentent une configuration inverse ».

2/ « Pour l’ensemble des pays européens membres de l’OCDE, à l’exception de la France, le rythme hebdomadaire d’enseignement élémentaire est de 5 jours ». Cela a un impact sur la durée moyenne de la journée d’instruction. « Dans les pays européens de l’OCDE, celle-ci est de 4 heures 15 minutes. En France, la réforme des rythmes scolaires (de 2013) a permis de faire passer la durée moyenne d’une journée d’école de 6 heures (un record au sein de l’Union européenne) à 5 heures 20. En Allemagne ou en Finlande, cette durée journalière moyenne est de 4 heures. En Irlande, elle est de 5 heures ».

3/ « En matière de congés estivaux, la France se situe dans la moyenne de l’Union européenne, avec 8 semaines. L’Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni (hors Irlande du nord) ne proposent que 6 semaines de congés durant l’été. Mais d’autres pays (Italie, Lettonie) s’illustrent au contraire par leur largesse : les élèves y bénéficient de 12 à 13 semaines de vacances l’été. C’est en France que les congés en cours d’années sont les plus longs, avec 4 périodes de près de deux semaines réparties sur 10 mois de l’année scolaire. Dans la plupart des autres pays, les « petites » vacances dépassent moins souvent qu’en France une semaine ».

4/ « En France, le temps d’instruction annuel dans l’enseignement élémentaire est de 864 heures et l’enseignement élémentaire dure 5 ans. Au total, les élèves français reçoivent 864 x 5 = 4 320 heures d’enseignement élémentaire (…) La Belgique (communauté française et communauté flamande), l’Espagne, la Grèce, la Suède et le Portugal présentent des temps d’instruction annuel moins élevés qu’en France mais l’enseignement élémentaire y dure plus longtemps ». Le nombre d’heures dans l’enseignement élémentaire varie ainsi de 2661 heures en Hongrie à 7360 au Danemark, soit 2,75 fois plus.

De ces quelques données, les auteurs de l’étude tirent un premier enseignement : «Si les choix faits par les pays quant à l’organisation des temps scolaires et périscolaires sont très différents, un constat partagé est souvent posé : aucun type d’organisation ne garantit en lui-même une meilleure réussite à l’école ni n’améliore automatiquement l’égalité des élèves face à la réussite. C’est la raison pour laquelle le débat sur les rythmes n’est jamais clos ».

Les auteurs mettent en évidence les expériences menées en Suède ou aux Pays Bas d’emploi du temps mobiles ou flexibles : « le temps dédié aux enseignements par classes a été réduit de façon à dégager des temps de dynamique de groupe mais aussi des plages d’étude individuelle, pendant lesquelles chaque élève suit un plan de travail personnalisé ».

Ces regards comparatifs ont le mérite de questionner en France le retour à la semaine de quatre jours à l’école élémentaire et de faire apparaître qu’il est insuffisant de se borner à quantifier le temps scolaire.

En effet, la qualité du temps proposé importe au premier chef : le temps scolaire se trame avec des temps de classe, des temps de dynamique de groupe, des temps d’étude individuelle dans le cadre d’un plan de travail personnalisé. C’est là sans doute que réside l’intérêt supplémentaire de cette étude. Elle nous incite en effet à enrichir notre conception du temps scolaire. Si la solution n’était pas à chercher exclusivement dans un temps-Chronos calculé en heures, temps linéaire, uniforme, programmé, mais dans un temps-Kaïros, temps opportun, ouvert sur l’imprévu, plus activement vécu[3] ? N’y aurait-il pas là de quoi ouvrir une réflexion moins réductrice sur le temps scolaire, à l’école élémentaire et ailleurs ?

____________________________________________________

[1] Les Dossiers de la DEPP, n° 207, juin 2017

http://cache.media.education.gouv.fr/file/Dossiers_2017/25/8/DEPP-2017-Dossier-207-organisations-temps-scolaire-reforme-2013-effets-observes_788258.pdf

[2] http://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=118204

[3] Les Grecs avaient deux représentations du temps : Chronos, le temps physique et linéaire, mécaniquement mesuré, qui condamne les humains dès leur naissance, et Kaïros, le temps fugitif de l’occasion à saisir, temps vécu intensément par les humains.

mediapart

***************** *

Semaine de quatre jours à l’école : « Les parents ont préféré leur confort à celui de leurs enfants »

Entre ceux qui y voient l’intérêt de l’enfant sacrifié et ceux qui apprécient le retour de la pause du mercredi, la réforme divise les parents concernés.

En neuf ans, une partie des écoliers français auront connu trois changements de rythme scolaire. Instituée en 2008 pendant la présidence de Nicolas Sarkozy, la semaine de quatre jours d’école en primaire a été abandonnée en 2013 sous celle de François Hollande au profit de la semaine de quatre jours et demi, plébiscitée par les chronobiologistes.

A la fin de juin, le nouveau gouvernement publiait un décret permettant aux communes le souhaitant de revenir à la semaine de quatre jours, sous certaines conditions. Selon un décompte de l’éducation nationale, un tiers des écoles ont fait le choix de ce rythme à la rentrée de septembre.

Le Monde.fr a demandé aux parents concernés par ce nouveau changement de témoigner. Les opposants à la semaine de quatre jours, les plus nombreux à avoir apporté leurs témoignages, mettent en avant un intérêt de l’enfant remisé aux oubliettes et les problèmes d’organisation et de garde le mercredi.

« Des enfants sacrifiés au bénéfice des adultes », dénonce Pierre M., père d’une fillette en CM1. « Pourquoi un enfant serait-il moins fatigué quand il apprend sur quatre jours au lieu de cinq, quand le nombre d’heures d’apprentissage par jour est plus important ? », questionne-t-il.

« A quoi ont servi les conseils des chronobiologistes ? »

« Très regrettable retour en arrière », estime aussi Maguy P., retraitée et grand-mère :

« A quoi ont servi tous les conseils des chronobiologistes préconisant des apprentissages sur cinq matinées, avec des après-midi allégés en activités et en temps passé à l’école ? (…) Les parents de ma petite-fille travaillent : le mercredi, ce sera donc centre de loisirs (qui n’est rien d’autre, ici, qu’une garderie) ou longue journée avec grands-parents un peu fatigués. »

Marc V., dont les enfants de 8 et 9 ans retournent à la semaine de quatre jours à la rentrée, renchérit :

« J’ai le sentiment que les parents ont préféré leur confort personnel à celui de leurs enfants. Certes, la semaine de quatre jours et demi nécessitait une organisation particulière. (…) Mais au moins, l’étalement des horaires offrait aux enfants un temps de repos que maintenant ils auront beaucoup moins ».

« Tant pis pour l’intérêt de l’enfant »

Nine S., maman de deux petites filles, pointe le problème de garderie le mercredi dans sa commune où la semaine de quatre jours va être réinstaurée à la rentrée et déplore « des journées beaucoup trop longues » pour les enfants :

« Le problème est, et reste, pour les parents qui travaillent, la garde des enfants le mercredi. Et, dans notre commune, rien n’est fait pour les parents qui travaillent… La municipalité propose le mercredi une garderie de 7 heures à 9 heures, puis le centre aéré de 9 heures à 12 h 15 et de 13 h 30 à 18 heures, mais rien entre 12 h 15 et 13 h 30 ! Le maire nous explique, en effet, que mettre en place la cantine coûterait trop cher, car il doit faire face à la diminution des dotations de l’Etat. C’est donc aux parents de pallier cette non-continuité de service. »

Certains dénoncent un passage à la semaine de quatre jours qui se fait « dans la précipitation, sans concertation », comme Florence C., déléguée de parents d’élèves, favorable au maintien de la semaine de quatre jours et demi et pour laquelle « les APS [activités physiques et sportives] dont bénéficiaient nos enfants étaient de qualité et coordonnées avec le corps enseignant ». Elle déplore que la communauté de communes (CDC) dont elle dépend :

« ait engagé un recours contre la décision de maintenir la semaine de quatre jours et demi contre l’avis du conseil d’école qui était unanime pour protéger l’intérêt des enfants et en accord avec le corps enseignant. L’académie a fait droit au recours de la CDC en validant le retour à la semaine de quatre jours le 11 juillet ».

« Evoluer à un autre rythme le mercredi matin »

Les parents favorables au retour à la semaine de quatre jours sont ceux qui ont pu prendre leurs dispositions et ne pas travailler le mercredi. « J’ai la chance de ne plus travailler le mercredi matin l’année prochaine, j’ai pris un 80 % pour pouvoir profiter de mes enfants, écrit Clément M. Ravi de pouvoir permettre à mon fils d’évoluer à un autre rythme le mercredi matin. (…) Nous récupérons aussi le mardi soir sans stress du lendemain… »

« [Et] même si notre enfant va en centre de loisirs, fait part de son côté Amel J., le retour de la semaine de quatre jours permet aux enfants d’avoir une coupure et leur offre la possibilité de se reposer ou de pratiquer une activité sportive ou culturelle. »

Lemonde.fr