Bure : après le passage des forces du désordre

  1. Appel à créer des comités de soutien à Bure
  2. Compilation des témoignages sur la perquisition du 20 septembre et la pression policière

Une opération comme une perquisition d’ampleur laisse des traces, et bien plus que des bris de verres, un atelier retourné, des portes et des vitres fracturées, d’énormes quantités de matos collectif ou personnel saisi. Ça laisse des traces en nous, ça nous touche, ça nous brise le coeur là où on vit, on dort, on se réveille, on vibre, on mange ensemble…

Appel à créer des comités de soutien à Bure

Je sais que certain-es d’entre vous soutiennent la lutte de Bure de manière ponctuelle.

La situation devient tellement tendue que nous avons besoin de créer des comités de soutien qui puissent agir dés que le besoin s’en fait sentir.

C’est pourquoi je vous adresse ci-dessous l’appel qui a été lancé samedi dernier en Assemblée Générale des luttes.

Peut être pourrez-vous intervenir auprès de votre réseau pour le constituer de manière officielle ?

La situation se complique, je dirai même qu’elle devient grave, les pouvoirs publics sentent que la lutte prend du pouvoir, ils veulent tout simplement l’anéantir.

Pour preuve, c’est tout le matériel de communication et d’information qui a été saisi.

Dés que j’ai appris la perquisition, je suis arrivée sur les lieux. Je peux témoigner que malgré la violence policière, (pourquoi par exemple casser la porte qui était ouverte, ils ont fait sauter les serrures, brisé les vitres…) les résidents ont su garder leur sang froid, adopter une attitude courageuse et patienter poliment sur le bord de la route en attendant la fin des évènements. Après bien sûr, ils se sont écroulés.

Je vous remercie par avance de la suite que vous pourrez donner à cet appel.

Bien cordialement

Irène Gunepin

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Pour lire l’article complet sur la perquisition du 20 septembre … et voir des photos :

https://vmc.camp/2017/09/20/compilation-des-temoignages-sur-la-perquisition-du-20-septembre-et-le-quotidien-policier/

Extraits

Dans des espaces qui sont notre quotidien, un cocon, là où on se sent protégé malgré l’omniprésence policière. D’un coup ils sont là, à agiter leur sale gueule juste notre nez, alors qu’on se réveille. Ils sont là, au coeur d’un lieu inébranlable et inviolable depuis plus de 12 ans.

Une perquiz’ comme celle-là ça ébranle, ça déchire. Ça isole. Physiquement, puisque des camarades ont du rester confiné dans leurs caravanes, leurs chambres, pendant 5 à 9h, le temps de la perquiz’. Et dans son ressenti.

Ces témoignages donnent un aperçu de ce que c’est que vivre une perquiz’, et restituent un peu de l’expérience commune, comme on range une cuisine ou un atelier dévasté, morceau par morceau, avec patience. Parce qu’on vit là.

À l’heure où on commence à taper ça, la nuit est tombée. Un long débrief s’est tenu en forêt. Il y avait quelque chose dans les regards qui était extrêmement fort, qui est difficile à nommer – peut-être même qu’il ne faut pas chercher à le faire.

La maison a déjà été un peu rangée, balayée. Le bureau informatique fait tout vide. L’atelier est encore en vrac. Les vitres sont toujours cassées. Mais sur la table les sales pattes des bleus sont déjà un vieux souvenir – là, maintenant, y’a plutôt un grand repas collectif et des gens qui trinquent en rigolant, « à la perquiz’ », et qui chantent, et qui rient.

La vie reprend coûte que coûte.

On essaiera d’enrichir cet article de témoignages au fur et à mesure, pour composer une histoire à plusieurs voix de cette journée malheureusement hors-norme – une de plus à Bure…

F., habitant-e de la Maison de Résistance depuis plus d’un an

« Une opération comme ça, ça te laisse très peu de temps pour agir, c’est impressionnant, d’un coup tu te réveilles, tu te retrouves dans l’urgence, t’es dans la mezzanine, dans le dortoir, chez toi, et tu te retrouves au milieu de keuf. Tu te rends compte que t’es la seule personne à pouvoir intervenir légalement, en tant que personne de la collégiale. C’est dur de réussir à verbaliser et imposer les choses aux flics. J’ai demandé plusieurs fois « comment ça se passe ? Est-ce que c’est une perquisition ? ». C’est resté lettre morte.

La première chose qu’ils ont fait c’est de prendre le contrôle de toute la maison. Ils ont forcé la porte de l’atelier, la porte de grange, la porte de la cuisine.

Ça s’est passé très rapidement, en 10 minutes c’était bouclé, toutes les pièces étaient remplies. T’es submergé par les gendarmes de tout les côtés, un mélange de PSIG, de GM, de brigade cynophile. T’arrives pas à savoir qui commande au début. Y’avait tellement de groupes et de brigades différentes qu’ils se paumaient. Y’a eu cette impression très particulière qu’ils connaissaient déjà les lieux approximativement, notamment par rapport à l’atelier.

Une fois que j’ai pu dire que j’étais membre de la collégiale de l’association Bure Zone Libre, j’ai pu circuler avec eux. J’ai vu où était les copain-e-s, certain-e-s allaient bien, d’autres partaient en contrôle d’identité, certain-e-s dans leur lit à invectiver les flics.

Tu te sens complètement dépossédé dans un lieu dans lequel tu vis depuis un an. Tu dois rester stoïque, alors qu’à des moments t’as juste envie de choper un truc pour leur faire du mal. T’as l’impession qu’ils sont en train de dépiauter tout ce que tu as construit.

Tu les vois fouiller, regarder partout…

À un moment de flottement j’ai pu jouer de la guitare, des mélodies de résistance… Tu te sens très seul pendant la journée, c’est surtout ça, une sensation de solitude. Je me suis retrouvé isolé avec les keufs pendant la journée.

J’ai l’impression que les gradés savaient la structure juridique de la maison, pas les petits.

Le premier tour que j’ai fait dans la maison c’est avec les chiens renifleurs d’explosifs…Y’avait parfois un manque de coordination entre eux. Quand ils faisaient la perquiz’ sur les scellés c’était complètement à l’arrache. Ils ont fait ça en mode bourrin, sinon y’en aurait eu pour trois jours. La première étape d’une perquiz’ c’est fouiller/rassembler. Après ils comptaient, faisaient l’inventaire, posaient les scellés.

On devait signer les étiquettes pour les scellés, j’ai imposé le fait que tant que tout ne serait pas écrit précisément sur les étiquettes je ne signerais pas. Ça m’a donné un peu de force devant tout leur manège à démonter ton lieu de vie.

C’est un lieu fort, où t’as vécu pas mal d’émotionnel, t’as vécus des trucs forts avec des gens. Et puis j’ai craqué quand ils sont partis. J’ai tellement tenu pendant, tellement de pression, une fois que c’est redescendu, qu’ils sont repartis, tu constates tranquillement l’ampleur des dégâts.

Dans la cuisine ils ont fouillé le haut de la cheminée etc. Ils ont à peine fouillé le salon. Y’avait des objectifs, des listes précises, sur lesquels se focaliser : l’atelier pour des trucs à montrer comme « craignos »,

Ils faisaient des petites piques régulières en mode « ah tiens ça c’est intéressant dis donc ! ». Des sous-entendus disant que j’étais à la manif’ du 15 août etc. Moi j’étais avec une équipe qui s’occupait précisément de dossier sur la manif du 15. Ils ne se concentraient pas que sur l’hôtel-restaurant.

N., habitant-e de la Maison de résistance à Bure depuis plus de 2 ans

« Moi quand ils m’ont isolé ils m’ont demandé comment on montait à l’étage…J’ai été isolé tout seul de 6h jusqu’à 11h30. »

« je me sens violé dans mon intimité, là où je vis. ».

« Ils m’ont pas posé de questions, ils ont tout de suite compris que c’était pas la peine. Ils m’ont dit « asseyez-vous là », et 2 GM sont restés pour me surveiller. J’avais juste le droit d’aller pisser ou fumer des clopes. J’entendais leurs discussions sur comment ils entraient dans la maison, comment l’un avait raté son film de la fracture de porte. Et l’autre qui dsait « ah oui je savais que la maison était ouverte. »

« après j’étais isolé, ils ont pris mes affaires perso, un tel et un ordi, et comme j’étais pas membre de la collégiale j’avais pas de raison de sortir. »

M., habitant-e de la Maison de résistance depuis un an

Je n’étais pas là quand ils ont débarqué. On est arrivés sur place à 6h45 avec des potes. Je me suis senti touchée dans mon coeur. Quand j’ai vu que je pouvais pas rentrer, et contacter les gens que j’aimais à l’intérieur, j’ai pété un câble, je pouvais plus m’arrêter, j’ai eu peur de me taper un outrage. Tu cries, tu reconnais même plus ta voix. Y’avait un keuf qui me regardait et me filmait, qui se foutait de ma gueule… j’avais envie de tout péter.

Je pouvais pas m’empêcher d’imaginer des scènes hyper violentes, des scènes de film. Des flics qui débarquent à l’aube alors que les gens dorment encore, simplement ça, c’est tellement violent. Et les flics en train de grouiller dans les pièces si familières de cette maison. J’avais besoin d’être à l’intérieur avec les autres, alors que ça servais pas à grand chose. Je voulais juste sentir leur chaleur.

Et puis j’ai fini par rentrer dans BZL, voir ces lieux que j’avais imaginé saccagés. Ils l’étaient, mais on était ensemble pour réparer. Les carreaux de la porte de la cuisine avaient étaient cassés, y avait des bouts de verre partout. Tout a été retourné partout… c’est un peu comme dans les films, mais c’est ici, là où tu vis.

Toute la journée plein de gens ont été séparés les un-e-s des autres, isolé-e-s et enfermés à l’intérieur de leur propre maison. Tu te sens impuissant-e, et ta colère s’accumule..

C’était tellement fort de se retrouver après. J’ai gueulé à des flics quand ils sont partis. « Votre répression elle marche pas, on s’aime encore plus maintenant. On vous hait à la mesure qu’on s’aime les un-e-s les autres, qu’on est encore plus fort-e-s. C’est contreproductif votre merde ! »

P., habitant du bois Lejuc

« Moi j’étais dans le grand chêne toute la journée, j’ai dormi, et j’ai pu lire mes livres. C’était, pour une fois, le privilège de la forêt !! »

L., habitante d’un appart à Mandres depuis quelques mois.

« Ils avaient les clés de chez nous » « Ils ont pointé les flingues droit sur nous. »