Après la COP 23

Energies fossiles, évasion fiscale, changement climatique

L’ONU met en garde contre les investissements dans les énergies fossiles.

Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a mis en garde mercredi contre la poursuite des investissements dans les énergies fossiles qui promettent « un avenir insoutenable », à la tribune de la 23e conférence climat à Bonn.

« Les marchés doivent être réorientés loin de ce qui est contre-productif », a-t-il déclaré devant de nombreux responsables politiques, à l’ouverture de la séquence ministérielle de la COP23, présidée par les îles Fidji.

« En 2016, un montant estimé à 825 milliards de dollars a été investi dans les énergies fossiles et les secteurs générant des émissions élevées (de gaz à effet de serre). Nous devons cesser de parier sur un futur insoutenable mettant en danger économies et sociétés », a souligné M. Guterres. « Le changement climatique est la menace déterminante de notre temps ».

A la tribune, le président français Emmanuel Macron a appelé l’Europe à compenser le manque de financements du Groupe d’experts du climat de l’ONU, lié au retrait de Washington.

Le GIEC, chargé de produire une synthèse régulière des connaissances, « est menacé par la décision des Etats-Unis de ne pas garantir les financements », a dit M. Macron. « Je souhaite que l’Europe se substitue aux Américains et je veux vous dire que la France sera au rendez-vous ».

En 2016 encore, les Etats-Unis avaient versé de près de deux millions de dollars au GIEC (sur un budget total d’environ cinq millions).

Angela Merkel a quant à elle salué « l’importance de l’action climatique » de villes et d’entreprises américaines « dans de vastes zones aux Etats-Unis, en dépit de la décision du président (Donald) Trump de quitter l’accord de Paris ».

Mais la chancelière allemande, qui fut par le passé ministre de l’Environnement et qui présida la 1e COP à Berlin en 1995, a admis ses propres difficultés à régler la question du recours allemand au charbon, l’énergie fossile la plus polluante.

« Cette question joue un rôle central dans les pourparlers actuels sur la constitution d’un gouvernement (de coalition en Allemagne). (…) Il s’agit aussi de questions sociales et d’emplois, lorsque par exemple il est question de réduire le charbon », a-t-elle dit. 

– « Que pouvez-vous faire ? » –

Avant le début des interventions, un Fidjien de 12 ans, Timoci Naulusala, dont le village a été dévasté en 2016 par un cyclone majeur, était venu interpeller le monde.

« Mesdames et messieurs, que pouvez-vous faire ? Je m’asseois, chez moi, je regarde les informations et je vois la mer avaler des villages, grignoter les côtes, déplacer notre peuple (…) Pourquoi ? Que faire ? Le changement climatique va rester, à moins que vous fassiez quelque chose », a-t-il plaidé, très applaudi.

Plus de 150 ministres et responsables gouvernementaux – dont 25 chefs d’Etat ou de gouvernement – doivent se succéder en deux jours à la tribune de la COP23, réunie jusqu’à vendredi.

Cette séquence politique se déroule après plus d’une semaine de discussions techniques menées par les négociateurs des différents pays, sur la mise en application de l’accord de Paris.

Adopté par la communauté internationale en décembre 2015, ce texte vise à contenir le réchauffement planétaire bien en-dessous de 2°C par rapport à la période préindustrielle.

Dans une lettre ouverte, 18 ONG environnementales avaient appelé Mme Merkel et M. Macron à faire de la transition écologique en Europe leur « priorité ». Après les discours, le ton était à la déception.

« Nous attendons toujours un plan concret et commun (des deux pays) pour que l’Europe soit plus volontariste sur le climat », souligne la Fondation pour la nature et l’Homme. « Or la Chancelière n’a pas annoncé de plan de sortie du charbon et le président n’a pas fait d’annonce nouvelle pour accélérer la transition écologique de la France ».

« La crédibilité du leadership climatique allemand est dans la balance », a souligné Greenpeace : « Mme Merkel a parlé de confiance et de fiabilité, mais où est sa propre fiabilité ? »

D’ici à 2100, largement à cause du retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris annoncé en juin, la hausse de la température mondiale atteindra 3,2°C par rapport à l’ère préindustrielle, contre 2,8°C s’ils respectaient leurs engagements initiaux de réduction des GES, selon une étude du groupe de recherche Climate Action Tracker publiée mercredi.

La représentante des Etats-Unis doit s’exprimer jeudi après-midi. Il s’agit de Judith Garber, secrétaire d’Etat adjointe aux océans et aux affaires scientifiques et environnementales, qui a dû remplacer au dernier moment le sous-secrétaire d’Etat aux Affaires politiques Thomas Shannon, retenu par « une urgence familiale » selon le département d’Etat.

©AFP

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L’évasion fiscale est une des causes du changement climatique

En France, l’évasion fiscale représente près de 80 milliards d’euros chaque année. Elle est un des mécanismes qui poussent les émissions de gaz à effet de serre à la hausse, explique l’auteur de cette tribune chargé de campagne pour 350.org…

Extrait

« …Le cœur du métier de l’industrie fossile est l’extraction : extraction de ressources naturelles, extraction de la force de travail de celles et ceux qui travaillent dans les mines de charbon, sur les gisements pétroliers ou gaziers, et bien sûr extraction (par l’appropriation et la destruction) des ressources dont disposent les communautés voisines des mines et gisements, dont les écosystèmes entiers sont détruits irrémédiablement.

L’industrie fossile organise ensuite des flux financiers complexes, pour s’assurer que la richesse ainsi extraite ne retombe jamais dans les pays et les régions d’où elle est extraite. Les seules choses à retomber sur ces territoires sont les conséquences de ces activités : pollution, conséquence du réchauffement, fuites de pétrole, de gaz, etc.

Il s’agit ainsi d’une sorte d’extraction à double face. L’évasion fiscale constitue la transcription dans la sphère financière de ce que l’extraction représente dans l’économie réelle

…Et la voie est simple : pas un euro de plus pour les énergies du passé ; pas un euro de plus dans les paradis fiscaux. Pour, enfin, engager la grande transition vers des sociétés justes et durables.

C’est notamment le sens de la mobilisation qui se prépare en marge du sommet Macron du 12 décembre prochain : « Pas un euro de plus »… »

Reporterre

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Et rappels

A la COP23, l’hymne des Américains aux énergies fossiles, Simon Roger, Le Monde, 15 novembre 2017

Le camp de Donald Trump et ses adversaires se sont affrontés publiquement à Bonn…

Des experts américains pointent la responsabilité de 90 entreprises dans le changement climatique,

Une recherche conduite par l’association américaine Union of Concerned Scientists (UCS), présentée le 14 novembre à la COP 23, pointe que les émissions de l’industrie, de l’extraction et de la combustion des énergies fossiles issues de 90 producteurs d’énergies fossiles et d’industries du ciment, parmi lesquelles Exxon Mobil, Chevron, Royal Dutch Shell, BP, Peabody Energy, ConocoPhillips et Total, ont contribué à près de la moitié de la hausse de la température moyenne du globe, et à 30% de la montée des océans entre 1880 et 2010…

 Actu-Envir, 15 novembre 2017