Une saison fortement perturbée

Hiver 2017-2018 dans notre région

1- Les évènements

Retour sur les deux tempêtes des 10 et 11 Décembre 2017 

        La première tempête hivernale de la saison Xanthos s’est produite lors de la journée du dimanche 10 décembre. Elle a traversé rapidement l’Atlantique  puis est remontée  vers le sud de l’Angleterre.  Arrivant sur une masse d’air encore froide – j’en reparlerai -, elle a provoqué des chutes de neige importantes sur l’Est du pays, des Hauts-de-France aux Alpes.

        La tempête Ana du 11 Décembre a traversé la France d’Ouest en Est. Le minimal dépressionnaire était de 956 Hpa à St Nazaire, soit plus bas que Lothar et Martin (les fameuses tempêtes du passage à l’an 2000 qui ont fait tant de dégâts) ou encore Klaus en 2009. L’effondrement de la pression atmosphérique a été spectaculaire et brutal, où (mes relevés à domicile) de 1022 mbar le Samedi 9 Décembre, nous sommes tombés à 988 le 10 à midi, pour atteindre un minimal de  970 le 11 dans le NPDC (relevé MétéoFrance).

        Si les dégâts ont été importants, ils le sont moins que lors du passage à l’an 2000, en raison de vents sensiblement moins forts. Sauf que lorsque nous arrivons en limite de résistance des matériaux, infrastructures, arbres …. il suffit de vents légèrement supérieurs, voire de rafales ou durant plus longtemps pour qu’on bascule dans la casse bien plus importante. Nous n’en étions pas loin.

                Les résultats de ces tempêtes Xanthos et Ana, vous les connaissez : vents violents en moyenne de 100 Kmh, avec un maxi de 161 à l’île de Ré, des rafales de 130 à Boulogne et 117 à Steenvoorde, qui endommageant le réseau électrique ont plongé 55000 foyers du NPDC dans le noir. Il a fallu attendre 5 jours pour que les derniers soient rétablis.

        Nous avons également eu de fortes chutes de neige[1] sur toute la région, environ 15 cm en Flandre intérieure qui du fait de la tempête ont formé des congères et paralysé la circulation : autoroutes bloquées, fermées…. et cela d’autant que les températures étant négatives, la neige ne fondait donc pas.

        Au niveau national, pas moins de 34 départements avaient été placés en vigilance orange le 11 Décembre, et cela pour de nombreux risques : tempête, pluie, inondation, neige, avalanches, submersion marine. Cette situation était si exceptionnelle que selon Patrick Gallois de Météo-France : «  Nous n’avons pas souvenir d’avoir eu autant de phénomènes à traiter sur une seule journée ».

        Puis avec le redoux, la fonte des neiges a créé d’importantes inondations et cela d’autant qu’en dehors des chutes de neige, il est tombé en Flandre Intérieure 53 mm de pluie du 12 au 16 Décembre, et cela alors que les sols étaient déjà bien gorgés d’eau par les précipitations antérieures (23 mm en semaine 47 et 77 mm la semaine 48).

Puis d’autres tempêtes arrivèrent

En effet la série continua : Ana, Bruno, Carmen…

Survenue le 1er Janvier, la tempête Carmen a coupé 65.000 foyers d’électricité dans l’Ouest du pays, notamment en Aquitaine, Poitou-Charentes et dans les Pays de la Loire. La Bretagne a été particulièrement touchée avec des vents allant jusqu’à 130 Kmh. La Corse a également connu des vents violents, et pas moins de 40 Départements ont été classés en vigilance orange.

La tempête Eléanor  est survenue du 2 au 4 Janvier  avec un centre dépressionnaire à 968 mbar situé près de l’Ecosse. Elle a également touché la France, notamment le tiers nord de notre pays, avec des vents forts qui ont balayé pendant plus de 48h les côtes de la Manche et de la mer du Nord. Nous avons subi des vents forts de  110 à 120 km/h sur le littoral, avec des pointes supérieures à 130 km/h au cap Gris Nez.

Aussi 49 départements (soit quasiment la moitié du pays) ont été placés en vigilance orange pour les risques de tempête et ou submersion marine. A ce sujet, toute la région Nord était classée en risque submersion.

Ces évènements ont provoqué des dégâts qui ont perturbé les trafics routiers, ferroviaire et aérien. Pas moins de 225,000 foyers ont été privés d’électricité, surtout dans l’Est. Les rafales ont atteint 147 km/h à Cambrai, 134 à Metz, 127 à Mulhouse, 111 à Paris et Orléans.

Cette tempête a malheureusement coïncidé avec des coefficients de marée élevés (de 101 à 107) ce qui a provoqué des surcôtes du niveau de la mer, et fortement érodé notre cordon littoral. Ainsi la digue de Wimereux a été détruite qui devrait entraîner  près de 150,000€ de travaux de consolidation, de même la digue d’Ambleteuse a elle aussi été abîmée. S’agissant du littoral Est Dunkerquois, la tempête Eléanor contrairement à Ana et Carmen, y a provoqué  une érosion importante que « Géodunes » qualifie de spectaculaire. En savoir plus

Il faut savoir que la conjonction d’une tempête, d’une forte dépression et d’une grande marée peuvent entraîner des dégâts majeurs, notamment quand les vents sont perpendiculaires à la côte. Ce fut le cas lors de la tempête de 1953 qui a fait 1800 morts aux Pays bas, 300 morts en Angleterre et rompu les digues Dunkerquoises, inondant Rosendael. Moins loin de nous, la tempête Xaver de Décembre 2013 est montée à Dunkerque à 46 cm seulement du niveau de la tempête de 1953, et ce faisant a dépassé sa cote centenale (censée se produire une fois tous les 100 ans).

Précipitations et inondations record

Durant les mois de décembre et janvier, la France a connu un cumul moyen de pluies record depuis 1959, année de début des relevés de pluviométrie. Cet hiver 2017-2018, avec une pluviométrie excédentaire de plus de 40 %, se classe au troisième rang des hivers les plus pluvieux.

De même courant Février et Mars, des chutes importantes de neige ont touché la France, et pas seulement les massifs montagneux. Aussi cet ensemble pluies / neige a t-il provoqué d’importantes inondations, touchant de nombreuses régions. Le 23 Janvier pas moins de 23 départements étaient classés en vigilance orange, et nombre de crues ont été longues à décroître puisque le 2 Février 11 départements étaient encore en vigilance orange.

Vagues de froid tardives

Si Février a connu de nombreux jours de gelée, une vague de froid glacial venue de Russie a déferlé sur l’Europe en fin de mois. Le 27 février a été la journée la plus froide de l’hiver, et Météo-France a relevé des températures allant jusqu’à -10 à -15 °C sur un large quart nord-est.

« Une telle offensive hivernale est très rare aussi tard dans la saison et ce n’était pas arrivé depuis 1980 », affirme le prévisionniste de MeteoNews Frédéric Decker. Si un redoux a succédé à cette vague de froid, fin Mars une nouvelle vague de gel s’est produite à cheval sur l’hiver et le printemps.

Il convient de savoir qu’on qualifie les vagues de froid comme tardives quand elles sont postérieures au 20 Février, et cela ne s’était produit que 3 fois depuis 1947, à savoir en 1963, 1971 et 2005. Par contre les trois printemps les plus chauds depuis 1900 (2011, 2007 et 2017) se sont tous produits au 21e siècle.

 2- Commentaires et remarques

L’Europe devra s’attendre à des inondations de plus en plus fréquentes et coûteuses

C’est ce que déclare  une  étude publiée le 29 janvier 2018  sur le journal Climate, où l’Union Européenne devra investir au bas mot 15  milliards d’euros par an pour réparer les dégâts, soit plus que le double du budget actuel alloué

Les tempêtes hivernales se multiplient

Depuis les années 1990, les tempêtes hivernales se multiplient. Nombre d’entre elles sont provoquées par l’arrivée de masses d’air chaudes et humides (venant de l’océan qui ne cesse de se réchauffer, et de zones tropicales) qui viennent buter sur des masses d’air froides, voire très froides venant du Nord. Nous avions déjà ce cas de figure lors des tempêtes de l’an 2000, que MétéoFrance qualifiait alors de phénomène de « cyclogénèse explosive ».

La saison cyclonique 2017 en Atlantique Nord a été particulièrement active :

Si la saison métérologique hivernale démarre avec des tempêtes, ces dernières ne sont que la continuité d’une  longue série d’ouragans survenus cet été.

S’étendant officiellement entre le 1er juin et le 30 novembre, la saison cyclonique en Atlantique-Nord est désormais terminée. Il s’agit tout simplement de la 5e saison la plus active des 100 dernières années.

Voir le bilan détaillé de la saison cyclonique

Quand les perturbations du Jet Stream Arctique nous touchent

Nous ne pouvons ignorer les changements importants survenus dans l’Arctique depuis plusieurs décennies. L’élévation des températures y est en moyenne deux fois supérieure qu’ailleurs. La surface de la banquise a considérablement reculé, ce qui a eu pour effet immédiat de ne plus renvoyer (par la blancheur de la glace) la quasi-totalité du rayonnement solaire. Aussi les eaux arctiques se sont-elles réchauffées de manière significative.

Ces changements sont tels, qu’ils provoquent des changements dans l’équilibre climatique, et la circulation aérienne. Ainsi les courants Jet appelés encore Jet Stream, qui sont des courants violents et de haute altitude tournant autour du  pôle,  connaissent-ils d’importantes fluctuations.

Véritable moteur du climat de l’hémisphère nord, le Jet-stream est traditionnellement plus fort en hiver car ce courant d’altitude est formé par la différence de température opposant l’Arctique et les tropiques. Ces courants ont également comme particularité de maintenir à l’intérieur les masses d’air froides. Or du fait des fluctuations qu’ils subissent, ils se déforment, peuvent changer de latitude, s’affaiblir et créer des méandres dont certains descendent jusque chez nous. C’est ce qui s’est passé avec ces tempêtes. L’affaiblissement du Jet Stream peut aussi créer des épisodes caniculaires l’été, tels ceux survenus en Europe en 2003, en Russie en 2010, en Californie  depuis plusieurs années, mais aussi des épisodes particulièrement froids. C’était le cas en Octobre 2014 aux USA où de l’air polaire issu du nord-ouest du Canada est descendu jusqu’au Texas, et phénomène jamais vu la température est passée de 27°C à -5°C en 3 heures.

En savoir plus (site de global-climat) ou encore rapport du swipa (Snow, Water, Ice and Permafrost in Artic)

L’Arctique en ébullition : 30° au-dessus des normales le 25 Février 2018

Alors que nous grelottions sous un froid glacial venant de Russie où il faisait – 35°, au même moment le pôle Nord connaissait des températures supérieures à zéro degré. Si cela s’est produit quatre fois entre 1980 et 2010, ce phénomène s’est désormais répété au cours de quatre des cinq derniers hivers», explique Robert Graham, climatologue à l’Institut polaire Norvégien.

En savoir plus

Faute d’engager un mouvement de masse citoyen, l’habitabilité de notre planète recule, et des jours bien sombres nous attendent

   Courant 2017 une étude de l’ONU prévoit que nous ayions  250 Millions de Réfugiés climatiques en 2050

   Selon une étude réalisée en 2017, publiée dans la revue « Science », l’Europe se dirige à l’avenir vers un quasi triplement des demandeurs d’asile liés aux changements climatiques. Clic ici

  Toujours en 2017 le forum de Davos -pourtant hyper libéral- a classé les risques météorologiques et les catastrophes naturelles en tête des risques, devant la crise migratoire ou encore les attaques terroristes.

  La faim dans le monde est repartie à la hausse à cause du changement climatique. En effet, alors qu’elle reculait depuis 2005, elle est remontée en 2016 où elle est passé de de 778 à 815 millions, soit 11 % de la population mondiale. Voir article

   Les coûts des  catastrophes naturelles explosent. Leur nombre a été multiplié par 4 depuis 1970, mais leur coût  par 5 en seulement 15 ans (2000 -20015)

En 2016, leur coût mondial est de 181 Mds $ pour environ 1000 évènements

En France, leur coût devrait doubler d’ici 2040

Non, tout n’est pas indéfiniment possible. L’espace n’est pas extensible, le temps lui- même nous est compté. Un jour s’ils n’y prennent garde, les hommes n’auront même plus les cartes en main.  Nicolas Hulot – le syndrôme du Titanic

Alain Vandevoorde – le 12 Avril 2018

[1]En moyenne 1cm de neige correspond à 1 mm d’eau.