A propos des maraudes

Un problème de migrants, de police et d’Etat

La police barrant la route entre Clavière et Briançon, les exilés qui souhaitent effectuer la traversée doivent s’aventurer dans la montagne et parfois traverser la Durance gonflée par la fonte des neiges.
Aujourd’hui même nous avons recueilli le témoignage d’un jeune homme qui a failli être emporté par la rivière dans la nuit.

L’accident dramatique de cette semaine (une jeune femme retrouvée morte noyée dans la Durance) met clairement en lumière le fait que le vrai danger vient de la Police et donc de l’Etat qui empêchent les demandeurs d’asile d’accéder à leurs droits en les refoulant systématiquement.

Une fois de plus, il témoigne du manque de discernement des forces de l’ordre : comment peut – on oser poursuivre et mettre en fuite, en pleine nuit, des femmes et des hommes épuisés par la route, à proximité d’un torrent de montagne gonflé par la fonte des neiges ? C’est juste impensable.

Nous espérions avoir réussi à éviter cela depuis le début de cet hiver en nous plongeant dans les nuits glaciales maraudes après maraudes.

Depuis le mois de Mars, la salle paroissiale de l’Eglise de Clavière s’est transformée petit à petit, grâce aux énergies, des uns et des autres en un lieu sympathique à partir duquel les exilés cherchent un chemin pour rejoindre la France.
L’hiver prenant fin, notre présence ici à Clavière a permis de rendre moins difficile et moins dangereuse la traversée vers la France et l’arrivée au Refuge Solidaire, au 115, chez Marcel, à l’hôpital ou dans une famille accueillante.
Pour les équipes ‘maraudes’, cela a été une nouvelle façon d’apporter de l’aide en permettant aux exilés qui franchissent le col de Montgenèvre de se réapproprier la façon dont ils souhaitent ou peuvent entreprendre la fin de leur parcours vers la France.

Nous avons donc arrêté les maraudes nocturnes. Nous restions cependant inquiets, parce que les risques encourus restent nombreux et sont exacerbés par la présence de la Police, des militaires et , depuis 3 semaines, des identitaires, présents jusque dans la ville de Briançon.

Les équipes du Refuge le constatent également tous les jours : les éxilés arrivent dans un état de fatigue beaucoup plus important, souvent avec des blessures, après des périples de parfois plusieurs jours dans la montagne, des nuits passées dehors dans le froid… Tout cela rend le travail des bénévoles plus difficile.

Nous en avons la preuve aujourd’hui : la nécessité de réorganiser notre présence sur le terrain est donc plus que justifiée par cet accident.
Nous devons pouvoir continuer à être présents et à apporter notre aide dans le but de sauver des vies. On retrouve là ce qui a été la motivation première de la mise en place des maraudes.
Personne ne doit mourir en montagne, ni par le froid, ni par épuisement, ni sous une avalanche, ni par noyade dans la Durance !…
Si nous y croyons, ne nous laissons pas décourager, soyons fidèles aux valeurs qui sont les nôtres, continuons à les mettre en pratique. Il faut qu’on s’habitue à notre présence nécessaire dans la montagne tant que la police ne respectera pas les lois et les droits des exilés..

Tout l’hiver nous avons bataillé pour essayer de faire reconnaître la place de l’équipe ‘maraude’ au sein des autres équipes du Refuge Solidaire.
Aujourd’hui, nous espérons que l’on comprend pourquoi.

Nous pensons qu’il faut que cette ‘action de terrain’ soit reconnue et portée par les Associations, Refuge Solidaire et Tous Migrants (ce qui est déjà le cas pour cette dernière).

Nous pensons qu’aucun d’entre nous ne voudrait être à l’image de ces femmes tunisiennes qui refusent désormais d’aller à la pêche parce qu’elles savent que les poissons de leurs filets se sont nourris de la chair de leurs enfants. Et nous ? Jusqu’à quand pourrons-nous encore boire l’eau de nos sources et parcourir nos montagnes sereinement ?
Tout l’hiver, nous avons bataillé pour essayer de faire reconnaître la place de l’équipe ‘maraude’ au sein des autres équipes du Refuge.
Aujourd’hui nous espérons que l’on comprend pourquoi.

valleesenlutte.noblogs.org

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Un troisième migrant retrouvé mort dans les Alpes, en deux semaines

Le drame tant redouté s’est finalement produit. Selon le quotidien italien La Repubblica, le corps d’« un homme à la peau sombre » a été retrouvé aujourd’hui, un peu avant midi, du côté italien du col de l’Échelle. Un promeneur a découvert l’homme inanimé, près d’un torrent. L’absence de papiers d’identité n’a pas pour le moment permis de l’identifier, mais tout porte à croire qu’il s’agit bien d’un migrant qui entreprenait le passage de la frontière franco-italienne.

Depuis plusieurs mois, le col de l’Échelle, le plus bas des Alpes occidentales (1762 mètres), est devenu un point de passage très fréquenté par les migrants. Sur l’année 2017, le réseau Tous Migrants estime avoir accueilli près de 3000 personnes au « Refuge solidaire », à Briançon, où sont hébergés ceux qui réussissent à franchir la montagne. Avec les premiers flocons persistants de janvier, le col a fini par être fermé à la circulation, comme chaque année, où il n’est jamais déneigé en hiver. A Bardonecchia, dernière ville-étape où les migrants arrivent par le train avant d’entamer la dangereuse traversée, des bénévoles italiens s’étaient alors organisés pour convaincre les migrants de détourner leur chemin vers Clavière et Montgenèvre, à 10 kilomètres au sud.

« Il faut à tout prix les empêcher de passer par le col de l’Échelle. Ce serait suicidaire. Avec le fort niveau d’enneigement de cet hiver, le risque d’avalanche est maximum. Il est presque impossible de passer sans se tuer », nous avait ainsi alerté Cédric, coordinateur des équipes de maraude côté français, lors de notre reportage sur place début février. Une prémonition qui s’est révélée tristement exacte. Cruelle ironie, le col de l’Échelle venait justement de rouvrir à la circulation, ce jeudi soir. Les circonstances du drame, ainsi que la date précise du décès, ne sont, pour l’heure, pas connues : l’homme s’est-il égaré en pleine montagne ? Était-il seul ?

Une chose est sûre, l’annonce de ce décès a provoqué une vive émotion. Francesco Avato, le maire de Bardonnechia qui accueille aujourd’hui même l’arrivée de la 19ème étape du Giro, le tour d’Italie, a ainsi évoqué « un voile de tristesse jeté sur une journée qui devait être une fête » auprès de nos collègues de La Repubblica : « Les volontaires qui opèrent au point d’assistance ouvert dans la gare ont pris en charge plus de 1500 migrants au cours des derniers mois. Mais cela n’a pas suffi à éviter la mort de l’un d’entre eux ». Après les décès d’une Nigériane, Blessing, et d’un Sénégalais, Mamadou constatés ces deux dernières semaines du côté de Montgenèvre, c’est le même sentiment d’abattement et de fatalité qui prévaut ce vendredi après-midi, dans le Briançonnais : « 3 morts en quelques jours à peine, c’est très difficile à encaisser », reconnaît Agnès Antoine, du collectif Tous Migrants.

Jusque-là, le formidable engagement de ce réseau de citoyens avait permis de préserver la montagne du moindre mort. Mais le « petit miracle » a fini par s’effondrer, subitement. Ce premier « cadavre de printemps » fait désormais redouter un véritable cauchemar : celui de voir la montagne transformée en cimetière à ciel ouvert avec la fonte des neiges.

Bastamag.org