Il faut miser sur la décroissance

C’est ce que dit l’écrivaine Nancy Huston

Sensibilisée depuis plusieurs années à la protection de l’environnement, l’écrivaine Nancy Huston en fait maintenant le thème central de sa vie.

En 2014, l’auteure originaire de l’Alberta a effectué un séjour à Fort McMurray, avant l’incendie, et en est revenue traumatisée. Depuis, pour dénoncer l’exploitation des sables bitumineux dans sa province natale, elle a participé à un livre collectif sur le sujet, Brut : la ruée vers l’or noir et écrit le roman Le club des miracles relatifs.

En entrevue, l’écrivaine se dit même persuadée qu’il faut prôner la décroissance. « On ne comprend pas la nécessité absolue de décroissance. On continue de raisonner en termes de croissance. »

Si elle admet qu’il y a des initiatives dans le monde pour protéger l’environnement, comme le montre le film Demain, de Mélanie Laurent et Cyril Dion, elle se désole des investissements massifs dans le pétrole après la décision du président des États-Unis, Donald Trump, d’autoriser l’oléoduc Keystone.

Les femmes aux premières loges?

Dans une lettre ouverte l’automne dernier, l’écrivaine se demandait s’il était « utile de repenser l’éducation sans repenser en même temps la société de consommation, sans critiquer l’instrumentalisation du corps (masculin ou féminin) dans le but de vendre des produits, sans mettre des limites sévères à la tendance qu’ont les mâles alpha à s’arroger éhontément, non seulement les fesses des femelles, mais les ressources de la planète ».

Pense-t-elle que les femmes sont les premières victimes de l’exploitation de l’environnement? « Il y a certainement un lien à faire. Le mot « victime » n’est pas un de mes mots préférés, car c’est un peu trop gratifiant de se camper en victime et de dire fièrement « Je fais partie des victimes. » J’ai tendance à formuler les choses un tout petit peu différemment. »

Peut-on lier la situation de la femme, la société de consommation et tout ce qu’on fait subir à l’environnement en son nom? « Cette logique de commercialisation, de consommation, à la fois les hommes et les femmes sont les acteurs et les victimes. […] Les néocapitalistes, qui ne sont pas exclusivement des hommes, profitent de nos instincts pour transformer des besoins en dépendance », explique-t-elle.

Elle pense qu’il y a sûrement un désir inné des femmes d’être belles et des hommes d’être forts. « Même si c’est grossier de le formuler en quelques mots, je le pense. Le capitalisme va transformer [ces besoins] en industries multimilliardaires, qui ne font pas appel à la raison et aux convictions mais aux tripes. Ce sont les grandes productions de Hollywood, […] c’est aussi la pornographie, les jeux vidéos violents, l’industrie de la beauté, de la mode, des régimes, tout cela fonctionne. »

Nancy Huston ajoute que les humains ont la capacité de dissocier la fin des moyens et d’agir de manière paradoxale. « On voit cela en Europe en ce moment avec la question des migrants : tout en insistant sur le fait qu’on est une société chrétienne, on transgresse les principes fondamentaux du christianisme, qui sont la générosité, le don à ceux qui sont dans le besoin, l’aide à son voisin souffrant. C’est vraiment très comique comment on arrive à avoir le beurre et l’argent du beurre. »

L’écrivaine fait un lien avec la protection de l’environnement. Les gens sont d’accord avec les différentes mesures de protection de la planète mises en place, tant qu’elles ne les touchent pas personnellement.

Après le pétrole, Nancy Huston s’attaque à la destruction des forêts

Puisque l’environnement fait partie de ses préoccupations, Nancy Huston travaille avec le réalisateur Claude Barras (Ma vie de courgette) sur un film d’animation qui va traiter de la destruction de la forêt, des orangs-outans et des peuples autochtones en Indonésie. Elle en est l’une des coscénaristes.

« Les forêts d’Indonésie étaient parmi les plus riches du monde en biodiversité. Malheureusement, 70 % ont déjà disparu. […] D’abord on coupe les arbres pour le bois exotique, que l’on transforme en marches de la Bibliothèque nationale de France ou en meubles qui remplissent nos jardins. Ensuite on brûle ce qui reste des forêts pour mettre à la place des plantations rectilignes de palmiers à huile. En regardant les photos de cette dévastation, j’ai eu le même sentiment cauchemardesque qu’en survolant les sites des sables bitumineux en Alberta. »

L’écrivaine se désole aussi du raisonnement à court terme des êtres humains qui ne pensent pas au futur de la planète et ne cherchent qu’à dominer la Terre. « C’est nous qui décidons, qui nommons : on a déclaré que ces étendues infinies de Prairies étaient à nous, on se les est appropriées, on y a planté des drapeaux. Alors que les Autochtones n’avaient tout simplement pas cette approche, ils en faisaient partie. Ils ne plantaient pas de drapeaux. »

ici.radio-canada.ca/nouvelle/1099005/decroissance-ecrivaine-nancy-huston

Le roman de Nancy Huston Le club des miracles relatifs fait partie des cinq livres en lice pour Le combat des livres 2018. Il sera défendu par Ibrahima Diallo.