Il faisait bon vivre au pays des Soviets

Mais c’est encore mieux maintenant

Il était une fois en Russie. Le pays ne s’appelait pas ainsi mais on parlait alors de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques. Le communisme avait encore cours et beaucoup de personnes dans le monde pensaient encore qu’il était une version réaliste du paradis sur terre.  L’idée s’est évanouie dans l’air depuis longtemps, sans doute parce qu’elle ne fut pas assez entretenue et trop clairsemée…Ou, plus prosaïquement, parce que la cupidité des apparatchiks en eut raison. Il reste bien sûr quelque nostalgie d’une espérance morte mais tous ses nostalgiques ne sont pas gens fréquentables.

Leonid Brejnev a été un des hommes qui présida aux destinées du parti communiste russe et à la destinée tout cours de ce pays dont le nom  était encore fait de lettres. Il décéda au début des années 80 mais il est toujours dans le coeur de ceux que l’on voit parfois distribuer des tracts, l’air renfrogné, sur certains marchés du bassin minier du Pas-de-Calais. On raconte parfois, pendant les veillées des longs soirs d’hiver, qu’ils seraient plus nombreux qu’il n’y paraît mais qu’ils craignent la lumière. C’est à eux que Jean Luc Mélenchon pensait sans doute quand le 9 mai dernier il nous fit visiter Moscou, son métro et ses avenues. Il était accompagné d’ailleurs d’un étrange personnage qui l’avait représenté à Lens lors des dernières législatives.

Léonid Brejnev, ses prédécesseurs  comme plusieurs de de ses successeurs gagnent à être connus. Ils sont les fossoyeurs d’une idée qui répondait à une aspiration qui grandit l’homme. Poutine en est l’héritier dévoyé.

Leonid Brejnev décida un jour d’aller voir sa vieille mère qui vivait dans l’Oural. Elle ne voyait pas souvent son fils, très occupé par les affaires de l’Etat et quand il lui fit part de sa prochaine visite,  elle en fut très heureuse. Elle l’attendit avec impatience. Quand enfin la grande limousine noire  s’arrêta devant son isba et que son fils en descendit, vous imaginez bien le bonheur de la vieille mère.

– Ah  mon petit Leonid, entre vite, tu dois être épuisé par un si long voyage.

– Oh non, mère. Tu sais, ce n’est pas moi qui conduisait mais mon chauffeur et j’ai dormi pendant toute la route depuis Moscou.

– Tu as un chauffeur ! Mais cela doit te coûter une fortune !

–  Non, petite mère, rassure-toi, ce n’est pas moi qui paie le chauffeur. C’est le parti qui s’en charge.

Léonid s’installe alors au coin de l’âtre et sa vieille mère lui sert un bon bol de soupe, celle qui aime depuis sa plus tendre enfance.

– J’espère que tu es bien logé à Moscou. On dit que les loyers sont hors de prix dans la capitale même pour des logements de petite taille.

– Rassure-toi, petite mère, je suis bien logé. J’occupe un appartement de 15 pièces au Kremlin.

– 15 pièces, au Kremlin ! Mais tu dois payer un loyer exorbitant !

-Non, maman. Je ne paye pas le loyer moi-même, c’est le parti qui le paie.

Nous sommes au début de l’automne, le fond de l’air est déjà un peu frais dans cette contrée lointaine. Une petite laine pour la petite mère et c’est parti pour un tour dans le verger pour admirer les beaux fruits rouges du pommier.

– Tu sais, mon petit Léonid, tu devrais venir plus souvent. Ici, on  respire… tu sens le bon air frais de la campagne, loin des remugles de Moscou ? (Madame Brejnev avait du vocabulaire en plus de son redoutable bon sens).

– Tu sais, tous les vendredis je me rends dans ma datcha  en Crimée, au bord de la Mer Noire et je n’en reviens que le mardi matin. Là-bas également, l’air est très pur.

– Tu as une datcha au bord de la Mer Noire … Mais, mon petit Léonid, tu n’as pas peur ?

Brejnev regarda longuement sa chère mère, interrogatif, cela faisait longtemps qu’il n’avait plus peur de rien, ni de personne. Que voulait-elle dire ? Il était intrigué par les inquiétudes de sa vieille maman. Elle continua:

– Tu n’as pas peur que les communistes arrivent au pouvoir et te prennent tout cela ?

Léonid Brejnev réalisa alors que sa vieille mère n’avait pas compris que les premiers instants de la Révolution d’Octobre étaient bien loin  et que beaucoup d’eau avait coulé sous les ponts de Moscou.

FK