Dans le monde paysan

Le semencier suisse Syngenta obtient l’autorisation de breveter la nature !

La chambre de recours technique de l’Office européen des brevets (OEB) a annulé la semaine passée l’interdiction de breveter les caractères des plantes et des animaux sélectionnés au sein de la biodiversité naturelle. Cette décision fait suite à une procédure engagée par l’entreprise Syngenta, récemment rachetée par le chimiste chinois ChemChina, pour faire reconnaître un brevet portant sur un poivron obtenu par croisements et sélection de plantes trouvées dans la nature.

La multinationale semencière a ainsi convaincu une poignée de juges -dont  le salaire ne dépend que des sommes versées par les entreprises auxquelles ils accordent des brevets- de ne tenir aucun compte de la décision d’interdire de tels brevets prise un an et demi auparavant, le 29 juin 2017, par le Conseil d’Administration de l’OEB suite à de multiples mobilisations des organisations paysannes et de la société civile européenne, à plusieurs décisions du Parlement européen et à une demande formelle du Conseil de l’Union européenne.

Au-delà du seul poivron de Syngenta, cette légalisation de la biopiraterie n’est que le dernier avatar du plan de privatisation de la nature par l’’industrie des biotechnologies. L’OEB interdit encore heureusement de breveter les simples croisements et la sélection d’organismes vivants naturels. Pour contourner cet obstacle, les entreprises des biotech revendiquent des brevets sur les produits résultant de nouvelles techniques de manipulation génétique réalisées in vitro au laboratoire qu’elles ont baptisées « édition du génome», tout en prétendant que les caractères ou « informations génétiques » résultant de ces manipulations peuvent aussi être obtenus par des procédés traditionnels de sélection. Elles affirment, sans toutefois en apporter la moindre preuve, faire « la même chose que la nature, juste en allant plus vite ». La portée de leurs brevets s’étend ainsi à toutes les plantes et à tous les animaux sélectionnés par des paysans ou des petits semenciers et qui contiennent naturellement les mêmes « informations génétiques ».

L’interdiction en juin 2017 des brevets sur les plantes et les animaux issus exclusivement de « procédés essentiellement biologiques » de sélection permettait de s’opposer à ce tour de passe-passe. Les multinationales semencières avaient annoncé qu’elles feraient annuler cette interdiction, les juges de l’OEB ont exécuté leurs ordres.

Une telle violation du fonctionnement démocratique des institutions européenne est inadmissible. La Coordination européenne Via Campesina appelle l’Union européenne et ses États membres à faire respecter immédiatement leur décision de juin 2017 et à interdire définitivement tout brevet sur les organismes vivants.

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Communiqué de presse

Santé, environnement, brevets : les OGM sont un danger pour l’agriculture paysanne

La publication de l’étude dite OGM90+ est largement présentée comme un démenti de celle publiée en 2012 par l’équipe du professeur Séralini. Malgré l’empressement à décrédibiliser cette dernière, la seule chose qu’on puisse affirmer avec certitude est qu’on ne peut pas conclure le débat : l’étude OGM90+ ne reproduit pas l’étude de Séralini alors que c’était l’objectif affiché. En effet, aussi bien du point de vue méthodologique que des questions posées, les études ne sont pas comparables. Il serait bienvenu que l’évaluation du risque sanitaire soit revue en profondeur et que des études réellement à long terme soient réalisées par une recherche publique indépendante.

La Confédération paysanne alerte depuis longtemps sur le risque environnemental que représente la culture de plantes génétiquement modifiées sélectionnées pour être tolérantes aux herbicides, que celui soit le Roundup ou des ALS. L’étude OGM90+ confirme ces craintes. En effet, ces chercheurs ont constaté que les croquettes utilisées pour nourrir leurs cohortes de rats contenaient toutes du glyphosate, y compris les lots produits en agriculture biologique. Le soja composant ces croquettes a été produit en Amérique du Sud où la culture des plantes génétiquement modifiées tolérantes au Roundup est très développée.

Si les impacts sur l’environnement et la santé animent des controverses scientifiques, le danger d’appropriation du vivant reste la raison principale de notre opposition aux OGM. La décision annulant l’interdiction de breveter les caractères des plantes et des animaux sélectionnés au sein de la biodiversité naturelle rendue le 5 décembre par l’Office européen des brevets (OEB) suite à un recours de Syngenta est en ce sens une très mauvaise nouvelle. Alors que les nouveaux brevets portent sur des plantes ou des animaux contenant des informations génétiques obtenues par des nouvelles techniques de manipulation génétique, les multinationales des biotech prétendent qu’ils peuvent être obtenus par des procédés traditionnels de sélection tout en affirmant faire « la même chose que la nature, juste en allant plus vite ».

La portée de ces brevets s’étend ainsi à toutes les plantes et à tous les animaux sélectionnés par des paysans ou des petits semenciers et qui contiennent naturellement les mêmes « informations génétiques ».

Cette légalisation de la biopiraterie n’est que le dernier avatar du plan de privatisation de la nature par l’industrie des biotechnologies. Encore une fois, c’est le droit des paysan-ne-s à ressemer et échanger librement les grains et plants produits dans leur ferme qui est attaqué.

La Confédération paysanne, membre de la Coordination européenne Via Campesina, soutient l’appel à l’Union européenne et ses États membres pour que soit respectée la décision de juin 2017 et interdit définitivement tout brevet sur les organismes vivants.