Bilan climatique de l’automne et de l’année 2019

Climat mondial 2019, deuxième année la plus chaude jamais enregistrée

C’est ce que déclare l’OMM (Organisation météorologique mondialeElle se place juste derrière 2016, qui avait connu un épisode chaud, consécutif à la survenue du phénomène cyclique El Nino. Voir la déclaration

         L’OMM nous dit également que 2010-2019 est certainement la décennie la plus chaude jamais observée depuis le début des enregistrements, qui nous place sur une trajectoire de 3 à 5° de hausse d’ici 2100.

Phénomène, particulièrement inquiétant, mais pas nouveau, la chaleur emmagasinée dans les océans ne cesse de progresser de manière forte. Cela ne manquera pas de causer de plus en plus de phénomènes extrêmes et dégâts.

Notre maison brûle

                   En 2019 la canicule et la sécheresse ont provoqué un nombre record d’incendies, tant en nombre qu’en surface. Tous les continents ont été touchés : zones arctiques, Indonésie, forêt équatoriale Africaine, Californie, Amazonie, Australie…

         Les incendies en Australie ont démarré dès Septembre, soit avec trois mois d’avance sur l’été Austral qui ne démarre que le 20 Décembre. Fin 2019, 2 fois la surface de la Belgique a déjà brûlé et au bas mot ½ Milliards d’animaux ont péri. L’été austral étant loin d’être achevé, il est trop tôt pour faire un bilan complet.

         Dire que notre maison brûle n’est plus une image, mais bien une réalité terrifiante ! Nombre de situations, dégâts  sont considérables et irréversibles, qui non seulement détruisent tout mais menacent l’humain dans sa propre survie. Comme le dit Joelle Zask « Nous sommes entrés dans l’ère du pyrocène » Voir article de Reporterre
Glenn Albrecht, Australien nous avertit : « ces feux  sont un message pour le monde entier : si votre hypocrisie continue, vous allez tous brûler » Voir article

Situation des glaces polaires

         Il n’est pas possible de faire abstraction de la situation des glaces polaires, pas plus que de la température de l’océan, car ce sont là deux moteurs majeurs de notre climat sur terre.

         L’Antarctique :     Depuis l’an 2000, plusieurs plaques gigantesques (les plateformes Larsen) se sont détachées du continent, qui fragilisent la pointe de Biscoe (l’ergot pointant vers le cap Horn)

         Cette situation est préoccupante, où cette dernière pourrait se détacher du continent, et à l’image d’un bouchon de champagne qu’on a fait sauter, pourrait laisser couler des quantités considérables de glace dans la mer, ce qui ne manquerait pas d’accélérer la montée du niveau des océans..

         En 3 ans de 2014 à 2017, la surface perdue de banquise est égale à 40 ans de perte de banquise Arctique. Nous assistons également à des «coups de chalumeau » où des perturbations atmosphériques produisent des rivières de chaleur de 10° supérieures aux zones périphériques et aux normales.  En savoir plus

L’Arctique

         La situation continue de s’aggraver. Courant 2019, L’Alaska a connu des températures anormalement élevées. S’agissant du Groenland, 95% de sa surface est désormais touchée par la fonte estivale, contre 64% ‘seulement ‘ avant 2010.
Autre signe de fragilisation, la banquise ancienne (glace > 4ans) ne  représente plus que 1,2% de la surface totale en 2019, contre 33% en 1985.

         De même, la température des océans est préoccupante, qui a été de 1 à 7° supérieure aux normales, notamment côté Russie.

         Toutefois, l’élément le plus grave et ayant le plus d’impact sur les changements climatiques et la hausse de la mer est lié aux pertes de masse de glace au Groenland. Ces dernières sont désormais de 280 Gt / an de 2002 à 2017, contre 41 Gt pour la période de 1990 à 2000, soit 7 fois plus. Pour en savoir davan-tage, voir l’article tiré du rapport 2019 du NOAA.  Clic ici
Situation en France

2019, 3è année la plus chaude

         Les températures ont été en moyenne supérieures de 1,1° aux normales, et la pluviométrie a été normale (en terme de cumul de précipitations annuelles)

De fait ces moyennes cachent des contrastes très forts.

         Côté température, nous avons connu deux épisodes caniculaires intenses l’un dès le début de l’été du 25 au 30 Juin et le second du 21 au 26 Juillet.

         Si le pic maxi a été de 46° le 28 Juin en Occitanie, le 25 Juillet a été terrible où nous avons dépassé en de nombreuses régions situées en moitié Nord de la France  les 40°. Ce jour-là les records précédents ont été battus de 8°. C’est énorme, du jamais vu, et a même surpris les météorologues. Il est clair que si cette température avait duré plusieurs jours, nous aurions eu des milliers de morts !

         Côté précipitations, les contrastes sont encore plus forts. Après un printemps sec, nous sommes entrés en sécheresse sur tout le territoire, avec un « robinet grippé, quasi fermé ». En Septembre, ce dernier s’est brutalement ouvert, pour se coincer et donner des précipitations intenses, qui n’ont pas manqué de provoquer de graves inondations en de nombreux endroits.

         Ces situations montrent combien il devient de plus en plus difficile, voire impossible de faire des bilans ou « photographies » précises de ce qui se passe au niveau météorologique où certaines moyennes ne veulent plus rien dire.

         Il en est ainsi des variations de température en un même lieu qui peuvent en seulement quelques jours avoir des écarts considérables aux valeurs moyennes et normales, idem concernant les variations de pression, du sens et de l’intensité des vents… Pour info, il est possible de consulter sur le site de MétéoFrance  les bilans mensuels, les miens étant forçément  trop succincts  pour être complets.  lien-ici

Retour à l’automne

         La dépression d’Islande a été localisée plus bas qu’à l’accoutumée. Rappelons que cette dernière ainsi que son opposé l’anticyclone des Açores jouent un rôle majeur dans le climat de toute l’Europe. Or ce duo Dépression / Anticyclone est de plus en plus chahuté tant en matière de localisation, puissance, durée.

         Cela est une conséquence directe du réchauffement des calottes polaires deux fois plus intense qu’ailleurs dans le monde,  et cela n’est pas prêt de s’arrêter.

         Les intenses précipitations survenues au niveau national (40% supérieures aux normales) placent l’automne 2019 parmi les cinq les plus arrosés  depuis 1959. (début des  mesures systématiques).

         Nous avons également eu droit en Octobre et Novembre -et cela devient habituel et consécutif au réchauffement des eaux de la Méditerrannée- à des épisodes Cévenols et Méditerranéens qui ont entraîné des pluies diluviennes et inondations. S’il est tombé 50 mm en moyenne en 3 jours, avec toutefois des pics de 150 et 300 mm en Lozère et Ardèche, certains secteurs tels Béziers ont eu des précipitations de 200 mm en seulement 24h.

         L’Automne nous a également emmené des tempêtes, et cela plus tôt en saison que d’habitude. Nous en sommes déjà à plus de 6  qui ont engendré des vents de 100 à 150 Km/h, avec des pointes proches des 200 en Corse. De même, des épisodes neigeux précoces se sont produits en Novembre, qui ont touché notamment le Centre et l’Est.

Situation en Nord Pas de Calais (synthèse courte)

         On assiste au retour des précipitations à compter du 20 Septembre où il est tombé ce mois en moyenne 73 mm, avec de grandes disparités. Alors que le Cambrésis et l’Avesnois restent en déficit, l’Artois et le Boulonnais ont reçu 45% de plus que la normale.
En Novembre et Décembre, les précipitations sont toujours excédentaires, et touchent l’ensemble de la région. L’Artois et le Boulonnais  sont encore forts arrosés, et le débordement de la Liane a provoqué des inondations.

         Les températures sont dans l’ensemble douces et supérieures aux normales, avec toutefois des variations importantes et épisodes froids. Ce fut le cas début Novembre et il est même tombé de la neige le 15.

         Courant Décembre, plusieurs épisodes de vents tempétueux ont généré des vents > 100 Km/h  sur la côte d’Opale.

Commentaires et Analyse

Situation générale      

        Alors que des événements majeurs se sont produits en 2019, attestant de l’aggravation rapide des effets du réchauffement climatique, la communauté internationale reste toujours aux abonnés absents. Selon l’ONG Réseau Climat, la COP25 est une des plus décevantes qui soient, et cela alors que près de 500,000 personnes ont manifesté dans les rues de Madrid  voir leur déclaration

         S’agissant des dégâts consécutifs aux catastrophes climatiques, survenus  en 2019, plus de 15 catastrophes dans le monde ont coûté plus de 1 Milliard $, dont la moitié > 10 Milliards. Cela ne prend hélas pas en compte la situation des plus pauvres qui ne sont pas assurés. Voir article

         Selon le HCR (rattaché à l’ONU), en 2019 plusieurs millions de déplacés et réfugiés climatiques ont dû quitter leurs lieux de vie. Rappelons pour mémoire que l’ONU estime que nous aurons 250 Millions de réfugiés dans le monde en 2050. En savoir plus

Sécheresse et Précipitations

         Rappelons pour mémoire que les Départements du NPDC ont été prolongés en alerte sécheresse jusqu’au 31 Décembre, et cela en raison du niveau particulièrement bas des nappes phréatiques.        Même, s’il est venu beaucoup d’eau depuis Septembre,  les nappes sont très loin d’avoir fait le plein. Il n’est pas impossible que nous souffrions encore et toujours de sécheresse au Printemps ou en été. Cela fait déjà 3 ans que nous avons des déficits en eau consécutifs à des hivers trop secs.

         Il faut savoir que recharger les nappes phréatiques demande du temps, et nécessite des pluies régulières. En second lieu, en raison des pratiques agricoles industrielles et chimiques nos sols  sont en mauvais état – voir article de Novethic – et ont perdu une grande partie de leur pouvoir d’absorption. En conséquence, depuis les années 1980, on n’a pas arrêté de drainer les champs, ce qui a pour effet de collecter très vite les eaux et de les envoyer comme de véritables chasses d’eau dans les becques, cours d’eau. Aussi très très peu de ces eaux vont entrer dans les nappes phréatiques.

 L’effondrement a commencé

       Cela fait près de 50 ans  que nous avons dépassé les limites de ce que la terre est capable de supporter, au point qu’il nous faut aujourd’hui 1,7 planète. Les 1ères alertes datent des années 1960 (Rachel Carson / Pesticides)  et 1970 (Club de Rome / Rapport Halte à la croissance).

         S’agissant du réchauffement climatique, cela fait  30 ans que le GIEC nous alerte en vain (1er rapport en 1990).  Pour sa part, l’IPBES en charge de la biodiversité créé en 2012,  en est à son 7è rapport. Aussi aucun dirigeant ne peut dire qu’il ignore ce qui se passe !
En 2015, Pablo Servigne et Raphael Stevens ont été les premiers à inventer le terme de collapsologie, et nous dire via leur livre : « Comment tout peut s’effondrer ».

         Aujourd’hui face à la progression vertigineuse de l’effondrement des espèces en cours, et la survenue de phénomènes extrêmes que plus personne ne peut nier, de plus en plus de voix et coups de gueule s’élèvent pour dénoncer l’inaction et la culpabilité de nos dirigeants.

         On peut citer récemment le coup de gueule du physicien Aurélien Barau : « Nous sommes littéralement dans un état d’extermination massive de la vie sur Terre. Nous sommes en guerre totale. » Voir article

         Tout récemment, Yves Cochet ancien ministre de l’écologie, et directeur de l’Institut Momentum, et auteur de  « Devant l’effondrement » paru en 2019, nous alerte : « L’effondrement de nos sociétés est possible dès 2020,  et certain pour 2030. Il y aura impossibilité de satisfaire des besoins fondamentaux : Eau, alimentation, logement, se vêtir, assurer la sécurité, mobilité, avoir un logement, accéder à l’énergie. ».

Dans sa définition, l’effondrement désigne un phénomène brutal et intense, qui pourrait réduire de 50% la population mondiale en une dizaine d’années.

L’effondrement politique lui aussi a commencé

       Il est clair que la contestation et la mobilisation tant sociale que pour la défense du vivant ne font que commencer, et ne s’arrêteront plus. Certaines prennent des formes inhabituelles, en dehors des grandes organisations telles les gilets jaunes, d’autres mènent la désobéissance civile et mènent des actions régulières (ANV-COP21, Extinction-Rébellion, Alternatiba, Coquelicots,  ….).

         Il est clair que nous sommes aujourd’hui en situation de ruptures, où des craquements et cassures se produisent. Différentes personnalités, telles  Alain Bertho, anthropologue, nous disent que l’effondrement politique est lui aussi commencé. Voir article de la revue Terrestre

 Et maintenant, on fait quoi ?

Pour autant nous ne pourrons pas empêcher l’effondrement   de se poursuivre. S’agissant de l’avenir,  il est évident que ce qui se passe actuellement va s’amplifier, et que notre terre deviendra de moins en moins habitable.

         Aussi, j’estime qu’il faudra au-delà des luttes contre -qui sont légitimes et indispensables-, mener aussi des luttes et combats pour nous préparer à ce qui va arriver.

         Il est vivement souhaitable d’anticiper la survenue de situations d’effondrement afin de développer de la résilience, des solidarités, de la démocratie directe et participative, de l’autonomie. Cela suppose  des réalisations et de la vie locales, de quartier. L’objectif étant de pouvoir vivre correctement de manière sobre, durable, résiliente.

         Et cela à commencer par manger, avoir de l’électricité, nous déplacer, nous chauffer, savoir cuire nos aliments, mais aussi avoir des habitats peu gourmands en énergie, résistants aux canicules, le tout bien sûr sans à terme ni énergie fossile, ni voiture, ni nucléaire.

         Il faut savoir que dans de très nombreux domaines, de par l’organisation de notre société et son hyper centralisation, nous sommes extrêmement vulnérables. C’est le cas de nos réseaux d’alimentation, de production d’énergie, Internet, …

par Alain Vandevoorde, militant pour la défense et le respect du vivant et de l’humain