Le préjudice d’anxiété des mineurs

Jugement de la cour d’appel de Douai

La Cour d’appel de Douai, faisant une application stricte de la récente jurisprudence de la Cour de cassation sur l’obligation de sécurité de prévention visée aux articles L. 4121-1 et 2 du Code du travail, condamne l’Agent judiciaire de l’État, venant aux droits des Charbonnages de France, à indemniser 727 mineurs de charbon de Lorraine pour le préjudice d’anxiété qu’ils subissent en raison de leur multi-exposition à des agents cancérogènes dans l’exercice de leur profession, au fond comme au jour.

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Préjudice d’anxiété reconnu pour les mineurs lorrains : « Ils ont le sentiment qu’on leur rend leur dignité », réagit leur avocat Maître de Romanet

Le préjudice d’anxiété a été reconnu à titre individuel pour les anciens salariés des Charbonnages de France, exposés aux substances toxiques pendant leur carrière. Une « très grande victoire » pour leur avocat Me Cédric de Romanet.

« Ils ont le sentiment qu’on leur rend leur dignité », a réagi sur franceinfo vendredi 29 janvier Me Cédric de Romanet, avocat de 727 mineurs lorrains dont le préjudice d’anxiété a été reconnu aujourd’hui par la cour d’appel de Douai. Ils avaient déposé un recours après avoir été exposés à des substances toxiques lorsqu’ils extrayaient le charbon souvent sans protection. L’Etat a été condamné à payer à chaque victime la somme de 10 000 euros. Sur les 760 qui ont déclenché ce recours, 50 sont morts, 315 ont développé une maladie professionnelle, les autres souffrent d’anxiété. « C’est une très grande victoire après un très long combat qui a duré plus de huit ans », a déclaré Me Cédric de Romanet, ajoutant que cette reconnaissance du préjudice d’anxiété, « c’est un outil de prévention, pour l’amélioration des conditions de travail. »

franceinfo : Est-ce que c’est une grande victoire aujourd’hui ?

Me Cédric de Romanet : C’est une très grande victoire je dirai même, puisqu’après un très long combat qui a duré plus de huit ans, les mineurs sont enfin indemnisés mais surtout se voient enfin reconnaître les conditions de travail délétères dans lesquelles ils se sont trouvés durant toutes ces années, que ce soit au fond de la mine, ou au jour d’ailleurs, puisqu’on oublie souvent qu’il existait également des mineurs du jour. En l’occurrence, quel que soit le poste de travail des salariés mineurs qui étaient à la procédure, ils ont été indemnisés par la cour d’appel. De la même façon, c’est une très grande satisfaction pour l’ensemble de la communauté minière. Ils ont le sentiment qu’on leur rend leur dignité et par ailleurs, ils ont l’opportunité grâce à ces arrêts de faciliter sans doute la reconnaissance du caractère professionnel des pathologies des mineurs de Lorraine et d’ailleurs, puisqu’il y a d’autres bassins miniers français. Ces arrêts faciliteront à la fois la reconnaissance des maladies professionnelles qui apparaissent chez les mineurs et également les procédures de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, qui sont les deux volets d’indemnisation, lorsqu’une pathologie, malheureusement professionnelle, survient.

Est-ce que cette décision pourrait jurisprudence dans d’autres dossiers, pour d’autres travailleurs exposés, d’autres professions ?

Bien entendu. C’est la raison pour laquelle c’est justement une très grande victoire. Enfin, c’est une des raisons puisque c’est un outil de prévention. C’est comme ça que nous souhaitons qu’il soit considéré. C’est un outil pour l’amélioration des conditions de travail.

« Toute la difficulté des maladies professionnelles, c’est qu’en général elles apparaissent plusieurs années voire parfois jusqu’à 30 ans après les expositions aux risques, et c’est vrai que le droit français était un peu orienté vers la réparation lorsque la maladie survenait. »

Me Cédric de Romanet à franceinfo

Ce qui pose évidemment de grandes difficultés, puisque ce n’est pas cela qui améliore les conditions de travail. Or là, vous avez un outil de prévention dont nous espérons que les salariés s’empareront et qui permettra justement d’améliorer les conditions de travail lorsqu’elles sont dangereuses pour l’ensemble des salariés français.

Quels métiers cela pourrait-il concerner ?

Il y a de très nombreux métiers qui sont encore concernés. Alors, on a beaucoup tendance en France à oublier qu’on a encore une industrie, même si évidemment, elle n’est plus ce qu’elle était. Mais il reste encore une partie importante des salariés qui travaillent dans l’industrie, et notamment dans des industries qui sont dangereuses. Cet outil pourrait également servir pour les expositions dans le secteur agricole puisqu’évidemment, les agriculteurs, notamment dans une certaine forme d’agriculture, utilisent un certain nombre de produits extrêmement toxiques et cancérigènes qui peuvent malheureusement induire un risque élevé de pathologies graves. C’est exactement l’intitulé de la Cour de cassation pour pouvoir obtenir éventuellement l’indemnisation d’un préjudice d’anxiété. C’est une excellente nouvelle pour les salariés mais pas seulement, puisque je pense aux exploitants agricoles qui peuvent désormais utiliser cet outil de prévention. Il y a sans doute d’autres hypothèses qui pourraient être avancées.

La cour d’appel de Douai a donc reconnu ce préjudice d’anxiété et a alloué cette somme de 10 000 euros pour chaque mineur. Qui va payer ?

Alors en l’occurrence, c’est l’Etat, c’est l’agent judiciaire de l’Etat, puisque Charbonnages de France, qui était l’exploitant des mines de Lorraine et d’ailleurs a fait l’objet d’une liquidation qui a été clôturée il y a deux ou trois ans. Elle a été clôturée en cours de procédure puisque la procédure avait été initiée en juin 2013. Ce sera donc effectivement l’agent judiciaire de l’Etat, donc l’Etat, qui versera ces sommes aux 727 mineurs.

https://www.francetvinfo.fr/societe/justice/prejudice-d-anxiete-reconnu-pour-les-m

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