Vers un État néo-fasciste des devoirs néo-libéraux ?

Le porte-parole de Macron a présenté son programme préélectoral pour un second quinquennat

Le 29.01.2022 dans Le Parisien, journal de Bernard Arnault auquel Macron doit tant, le porte-parole du gouvernement a révélé la volonté du fondé de pouvoir de l’avant-garde néo fascisante des milieux financiers de faire passer le pays en état de dictature néolibérale :

« on veut aussi poursuivre la redéfinition de notre contrat social, avec des devoirs

qui passent avant les droits, du respect de l’autorité aux prestations sociales. »

La mise au second plan des droits en regard des devoirs est un thème, un leitmotiv diraient des musiciens, dont la formulation monotone sans cesse revient dans le discours présidentiel, entre autres le 31 décembre 2021.

Ce qui est bien avec Macron, c’est qu’il est, depuis Chirac en 1988, le seul et unique candidat néolibéral aux élections présidentielles à présenter sa volonté de destruction des droits sociaux. Souvenez-vous de sa profession de foi qui en 2017 vous promettait une purge du Code du travail et la disparition des cotisations sociales de la branche maladie de la Sécurité sociale.

Dictature néo-libérale : deux mots, deux côtés dans l’annonce de Macron via Attal. Pour l’aspect néo-libéral, c’est plutôt simple puisque la phrase citée du porte-parole de Macron présente les « droits (aux) prestations sociales » comme devant passer après les devoirs.

On peut, pour les besoins de la démonstration, distinguer deux grandes catégories de

droits fondamentaux. Les uns forment un ensemble de droits à, que des théoriciens appellent droits créance : droits à l’instruction, droit à la retraite, au salaire minimum, à l’horaire légal de travail, à l’assurance maladie, aux allocations chômage ou logement… Depuis les ordonnances de l’été 2017 qui ont purgé le Code du travail du plus gros de ses dispositions protectrices des salariés, l’assaut néo-libéral de ces droits créance s’opère avec la sauvagerie annoncée par le candidat Macron en 2017. Voilà pour l’aspect néo-libéral du projet de société évoqué.

L’autre catégorie de droits fondamentaux rassemble des droits de faire, autrement dit des libertés, par exemple le droit d’aller et venir (monter dans un train…), le droit de garder le secret, le droit de réunion (dans une salle de spectacle, sur une terrasse de café, dans la rue pour y manifester…). Ces droits se réduisent comme peau de chagrin depuis l’arrivée de Macron à l’Élysée, l’épidémie de Covid n’ayant été qu’un prétexte à accélérer la disparition de ces droits, tous remplacés peu à peu par des droits non pas de faire, mais à y être autorisés par la police et ses agents : à boire un café, manifester, monter dans un train, rentrer dans une brasserie ou un théâtre…

Ainsi s’installe la dictature néo-fasciste néo-libérale, sans que les syndicats et les

formations politiques de gauche, avant-gardes révolutionnaires proclamées et ultra gauchistes y compris, paraissent s’en émouvoir, alors même que ces groupes pourraient bien glisser vers leur liquidation policière, d’où la nécessité des piqûres de rappel pour injonction de réalité politique avant que pour eux il ne soit trop tard, ce qui serait bien regrettable.

Ce qui est appréciable avec Macron, et entièrement nouveau, c’est qu’il est le candidat

néo-libéral qui a la franchise de faire déclarer par son perroquet Attal qu’une dictature est au cœur de son programme présidentiel.

Macron, le seul candidat qui ose dire à l’avance ce qu’il fera une fois élu. Reste à expliquer pourquoi loin de diminuer ses chances d’être élu puis réélu, cette audace les augmente, et que là se trouve la cause de l’audacieuse déclaration rapportée par son perroquet. La démocratie et l’assurance maladie seraient-ils dans la situation qui était celle du Code du travail protecteur en 2017, et durant l’été tombé d’un coup d’ordonnances, sans que personne ne le défende, signe qu’il était mûr avant l’été et déjà prêt à tomber ?

Plus inquiétant encore sur le plan historique, que les gouvernements Macron depuis déjà cinq ans fassent irrésistiblement penser…

– d’abord au Directoire (1795-1799, ou comment pour les affairistes sortir de la

démocratie sans retourner à l’Ancien régime)…

– ensuite au règne de Louis-Philippe (1830-1848, ou l’âge d’or en France du

capitalisme sauvage)…

ne semble pas davantage réduire sa popularité ; un quart de la population serait-elle

devenue assez néo-fascisante pour se proposer de continuer à œuvrer dans les urnes à la néo-fascisation néo-libérale ?

Pourquoi Macron évoque-t-il des devoirs envers la Nation qu’il s’efforçait de détruire dès son programme de 2017 ? On peut penser qu’il n’ose pas encore parler de devoirs envers l’Union européenne comme ensemble de nations disparate ; mais dans la conjoncture présente le premier devoir évoqué, sur le sujet de la prétendue vaccination ARNm, n’est-il pas selon Macron, avant tout celui d’obéir au pouvoir oppressif qui met les corps du peuple et le budget de l’assurance maladie à la disposition de la finance pharmaceutisée ?

Pendant ce temps, pour se donner un air intellectuel, et à ceux qu’ils nomment avec

mépris les justiciables, faire croire qu’ils pensent non pas des fictions juridiques mais la réalité sociale, les juristes opposants bavardent ou dissertent autour du devenir de l’État de droit, sans préciser qu’il s’agit toujours de droit bourgeois et surtout sans s’apercevoir, parce que l’idéologie judiciaire du milieu est un obstacle à toute compréhension du monde social, que l’avant-garde de la finance nourrie de biotechnologies et l’avant-garde néo-fasciste (1) appuyée par les GAFAM installent de concert l’État néo-fasciste des devoirs néo-libéraux.

Mais on n’est quand même pas en dictature ? C’est le sens même de ce texte, qui porte sur le programme politique d’un candidat dictateur décidé à poursuivre et conclure après sa réélection, si les élections ont bien lieu, le passage du pays à une dictature au service de la toute puissance de la finance et de l’autonomisation croissante de la police.

Souvenons-nous de l’Italie : Mussolini accède au pouvoir en 1922, mais l’heure des lois fascistissimes qui parachevèrent sa dictature attendit jusqu’en 1937. Le fascisme, pas plus que Rome et son empire, ne pouvait se faire en un jour. Quinze ans, c’est très long ; la finance qui pilote Macron patientera d’autant moins aussi longtemps que la transformation du régime est déjà, avec la collaboration intéressée des GAFAM et la neutralité consternante du plus gros des forces anticapitalistes, bien avancée. Le délai à vivre jusqu’aux lois néo-fascistissimes sera d’autant plus court que la majorité de la population continuera à préférer la télévision à la politisation.

Ce qui conduit à penser que le mouvement des Gilets jaunes, constitué de ceux qui avaient eu le courage de sortir de la caverne médiatique pour gagner les rond points à la recherche de quelque méthode d’interruption des flux du néo-libéralisme, continue à indiquer à l’ensemble du petit peuple la voie à suivre.

Note

(1) Parmi les régimes autoritaires, les régimes à caractère fasciste ont pour

particularité de placer la police en position d’appareil d’État dominant. Et c’est pour cela que l’on parle d’État policier. Il s’ensuit une difficulté à contrôler la police qui pourrait expliquer que sous le IIIème Reich la Gestapo ait été intégrée à la SS contrôlée par serment à Hitler en personne.

Il est usuel de présenter le régime de Salazar au Portugal (1926-1974) comme un régime fasciste, mais le rôle fort y était tenu par une armée qui disposait d’une forte autonomie, tenait le dictateur, et dont les différentes factions ont multiplié longtemps les tentatives de coup d’État.

La dictature chinoise quant à elle a pour appareil dominant le Parti de la Corruption

Capitaliste (PCC), et diffère par là fortement des régimes fascistes ou des dictatures militaires.

La transformation de l’administration française a placé deux appareils d’État en position prééminente : le ministère des finances et le ministère de l’Intérieur, conformément au glissement initié par Sarkozy vers un régime de dictature policière à dominante financière, ensuite poursuivi sous Hollande et avec Macron transformé en écrasante avalanche de réformes néo-libérales, de décisions de surarmement et de dotation en drones d’une police déjà militarisée, et de lois liberticides à faire pleurer de jalousie Xi Jinping ou Salmane Al Saoud.

** **

En Chine, le « crédit social » des citoyens fait passer les devoirs avant les droits

Ce concept accrédite l’idée d’un « capital de points » accordé par l’État au citoyen, qui peut être bonifié, ou bien s’éroder. Une « contrôlocratie » rendue possible grâce à toutes sortes de paramètres et à l’intelligence artificielle.

https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/01/16/le-credit-social-les-devoirs-

** **

Appel à témoignages sur les contrôles des CAF

Le Collectif Changer de Cap est alerté par certains de ses membres sur l’utilisation des algorithmes utilisés par les services publics pour le contrôle de nos concitoyens et en particulier des plus précaires. Notre attention se porte sur les contrôles automatisés des CAF (Caisses d’allocations familiales) et le recueil des données des allocataires :

  • Pas moins de 1000 données seraient consignées par allocataire, pour 13 millions de foyers représentant 30 millions de personnes (cf. Télérama du 13 octobre 2021).
  • Ce fichier est nourri par l’interconnexion à notre insu des fichiers administratifs, bancaires, URSSAF, électricité, etc. auxquels les CAF ont maintenant accès.
  • Les données sont manipulées pour établir un « profil » des familles et établir un « scoring de risque ».
  • La CNAF elle-même annonce plus de 32 millions de contrôles automatisés en 2020 (voir ici p 8)

Le scoring enclenche de façon quasi-automatique un surcontrôle des personnes les plus précaires, en particulier les allocataires des minima sociaux, les familles monoparentales, ou les personnes à faible revenu bénéficiant d’allocations sous conditions de ressources (prime d’activité, allocations logement…).

En parallèle, une numérisation forcée des procédures et de la vie quotidienne impose à tous des démarches par Internet alors que l’on compte 17 % d’exclus numériques dans la population.

Les premiers témoignages recueillis sont parfois accablants. Il semble que le déclenchement d’un contrôle puisse se traduire par la suspension des versements (allocations familiales, APL, allocation adulte handicapé, etc.).  La plupart des décisions ne sont pas motivées, et  il est quasiment impossible  de trouver un interlocuteur pour rectifier une erreur, car les relations sont assurées par des machines et de nombreux emplois ont été supprimés. Ainsi, la CAF créée à l’origine pour assurer une sécurité aux familles tend à instaurer une insécurité croissante pour les plus modestes d’entre nous et à les enfermer dans la précarité., elle contribue aujourd’hui à l’émergence d’une société inhumaine.

Notre collectif ne peut pas rester insensible à ce gigantesque espionnage de nos vies et à ce harcèlement des plus précaires. Les associations membres du collectif nous indiquent que certaines populations sont soumises à un véritable harcèlement et souhaitent une action commune.

C’est pourquoi nous lançons un appel à témoignages afin de recueillir des exemples d’atteintes aux droits, d’absence de dialogue ou de discriminations, montrer en quoi ils sont systématiques et contraires à la loi, aux droits fondamentaux et à la dignité des personnes.

Un groupe de travail a été créé au sein de Changer de Cap, qui est à l’œuvre pour obtenir un maximum d’informations, sensibiliser nos concitoyens et donner des pistes pour agir.

Un forum sera organisé le 24 février par Zoom pour présenter un tableau de la situation d’ensemble, témoigner d’exemples et débattre de la suite de cette action, en lien avec d’autres actions de lutte contre les utilisations du numérique pour le contrôle de la société.

Merci beaucoup par avance de votre témoignage qui sera très utile pour mieux appréhender le caractère systématique de cette dérive.

Solidairement

Pour l’équipe du Collectif « Changer de cap »

groupenumerique(at)changer2cap.net