Poupinet en Afrique

Cela s’est passé du 1er au 5 mars 2023

28 novembre 2017, le président français parlait aux étudiants de Ouagadougou.

A côté de lui, le président burkinabé, Roch Marc Christian Kaboré.

Macron, affirmant que ce n’est pas à lui de s’occuper de l’électricité dans les universités du Burkina Faso, désigna familièrement du doigt son homologue africain et ajouta, bouffi de fierté devant sa trouvaille : « C’est le travail du président ».

Lequel président burkinabé esquissa un sourire contrit et diplomatique avant de se lever et de quitter l’amphithéâtre. Alors, Macron, hilare : « du coup, il sen va » et, usant du tutoiement : « Attends, reste-là » (on a échappé au « Toi pas partir, Bamboula  »). Puis, charmé par lui-même, il ajouta : « Il est parti réparer la climatisation ».

En six mots, il venait de donner une formidable accélération au déclin de la France dans cette Afrique qui fait trop de gosses (dixit Macron), lesquels grandissent et nous foutent dehors avant d’avoir compris nos leçons de démocratie.

Vous savez que Xi Jinping et Poutine (nos remplaçants) ont tous les défauts répertoriés par les médias des neuf milliardaires. Mais, franchement, même Clémentine Autain ne soutiendra pas qu’ils sont des malappris de cet acabit. Et pourtant, elle te les pousserait volontiers dans le bassin aux crocodiles ces deux-là (1).

Théophraste R. Auteur de la BD (inachevée) : « ’ttention, Kirikou va gifler le petit blanc ».

Note (1) Avec un peu de chance, ils entraîneraient Mélenchon et hop, la voie est libre pour 2027 avec guerre contre la Russie, rupture des relations avec le Chine et interdiction de séjour de la France dans le continent africain.

legrandsoir.info

** **

Macron veut encore faire du neuf avec du vieux

Les annonces du président Macron ce lundi 27 février ne manqueront pas, une fois de plus, d’être commentées comme autant de marqueurs de rupture avec le passé. Pourtant, à y regarder de plus près, les prétendus scoops du jour ont déjà fait l’objet d’annonces similaires dans un passé plus ou moins proche. La « nouveauté », au plan militaire notamment, consiste surtout à recycler une vieille recette du colonialisme français, qui se résume en trois mots : s’adapter pour perdurer.

Cette fois, ce n’était plus le show devant des étudiants africains, mais un discours à l’Elysée, devant « bon nombre d’acteurs de notre politique avec l’Afrique », a expliqué le président. Ce dernier n’a pas hésité à rappeler sa punchline de 2017, selon laquelle « il n’y avait plus de politique africaine de la France », expliquant simplement que ces mots « toujours d’actualité […] ne sont plus suffisants ». La surenchère s’est donc faite autrement. « L’Afrique n’est pas un pré carré » pour la France, a expliqué le président, jurant chercher à se dégager du poids du passé. Son prédécesseur Nicolas Sarkozy n’avait rien dit d’autre, en 2010 : « La politique de la France envers l’Afrique francophone n’est inspirée ni par l’idée de « pré carré » ni par une quelconque nostalgie coloniale. » [1]

Sur la forme, en positionnant ce discours en miroir de celui de Ouagadougou en 2017, l’Elysée tente de faire passer cette tournée africaine d’Emmanuel Macron comme la première depuis sa réélection. C’est vouloir faire oublier la scandaleuse visite au Camerounais Paul Biya, en juillet dernier, que l’Elysée cherchait à faire accepter en mettant en scène un dialogue avec les « sociétés civiles » [2]. Pour Pauline Tétillon, co-présidente de l’association Survie, « ce discours tente de planter un arbre pour cacher la forêt de compromissions françaises, 48 heures avant de s’envoler entre autres pour le Gabon de la dynastie Bongo, en pleine période pré-électorale, et le Congo du criminel Denis Sassou Nguesso. Par quelques annonces, en particulier au plan militaire, le président et ses conseillers tentent de reléguer au second plan une tournée aux étapes embarrassantes : il faut asséner une nouvelle fois que la Françafrique appartient au passé pour masquer le symbole de cette visite. »

Emmanuel Macron a martelé à plusieurs reprises le thème de son intervention, « le partenariat ». Une idée pourtant plus vieille que la Vème République [3]. Au plan militaire, cette question est remise au goût du jour dès 1997 lors du lancement du programme RECAMP (renforcement des capacités africaines de maintien de la paix) par Lionel Jospin, qui vantait déjà un « partenariat nouveau » [4]. En 2008, le président Sarkozy s’engage, après avoir sauvé le régime Déby au Tchad, à renégocier les accords de défense : ils seront remplacés l’année suivante par des accords « de partenariat de défense ». Cette rhétorique est donc éculée.

Ce lundi, Emmanuel Macron a pour sa part promis de réduire les effectifs français dans les bases militaires (une tendance continue depuis cinquante ans, accélérée par exemple sous Nicolas Sarkozy), mais sans préciser lesquelles : lors du débat, il a exclu celle de Djibouti, relevant plutôt de la « stratégie indo-pacifique » française, et cité en exemple celles au Sénégal et en Côte d’Ivoire.

Pour Thomas Borrel, militant de Survie et co-directeur de l’ouvrage L’Empire qui ne veut pas mourir. Une histoire de la Françafrique (Seuil, 2021), « Au plan militaire, le grand absent de ce discours, c’est bien le dispositif militaire issu de Barkhane : le président n’a rien dit des bases actuelles au Tchad et au Niger, qui ne sont pas des enclaves historiques encadrées par des accords de partenariat de défense. Derrière l’annonce d’une énième réduction des effectifs des bases pour mieux les maintenir, on reste dans le flou juridique au Sahel, avec un dispositif fantôme qui n’est plus une opération extérieure et qui échappe donc à tout contrôle parlementaire. Et on renouvelle la coopération militaire avec les dictatures, qui permet depuis 60 ans de maintenir un lien organique avec des régimes répressifs. »

Au plan économique, le président a invité les entreprises françaises à redoubler d’efforts dans la compétition pour les marchés africains, présentés comme une formidable opportunité : un thème développé depuis dix ans dans différents rapports officiels, tels le rapport sénatorial « L’Afrique est notre avenir » (2013) de Jeanny Lorgeoux et Jean-Marie Bockel, le rapport « Un partenariat pour l’avenir : 15 propositions pour une nouvelle dynamique économique entre l’Afrique et la France » (2013) d’Hubert Védrine et Lionel Zinsou, le rapport « La francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable » (2014) de Jacques Attali, etc. Dans le prolongement du Sommet de Montpellier, et bien que le changement de nom de l’Agence française de développement (AFD) prenne plus de temps que prévu, il est question de remplacer le terme d’« aide » par celui d’« investissement solidaire et partenarial » : une pirouette rhétorique qui correspond à l’histoire même de « l’aide » [5] et à la mobilisation de l’AFD comme outil d’influence économique.

Enfin, concernant le franc CFA, le président poursuit l’opération de communication lancée à l’occasion de la réforme de façade du CFA d’Afrique de l’Ouest, en rappelant que la monnaie pourrait y changer de nom. Cette réforme ne concernait que 8 des 15 pays africains de la Zone franc a plutôt servi à sauver cette monnaie, de plus en plus contestée, en se débarrassant de quelques « marqueurs symboliques qui concentraient toutes les critiques et [tous]les fantasmes », avait expliqué Emmanuel Macron en mai 2021 [6]

Thomas Borrel conclut : « Au terme de cet énième exercice de communication politique, certains ne manqueront pas de souligner une apparente différence avec ce qu’ils croient être la Françafrique. C’est oublier que cela a toujours été un système de domination évolutif, dont les réformes successives permettent la perpétuation, et impliquant des élites africaines comme celles dont aime s’entourer Emmanuel Macron. Le président français dit qu’il ne regrette pas la Françafrique, et pour cause : il la prolonge en l’adaptant, comme l’ont fait tant d’autres avant lui. »

Notes

[1] BFM-Reuters, « Ni nostalgie ni pré carré français en afrique, dit sarkozy », 13 juillet 2010, https://www.bfmtv.com/politique/ni-nostalgie-ni-pre-carre-francais-en-afrique-dit-sarkozy_AN-201007130009.html

[2] Voir T. Borrel, « Cameroun : Macron au pays des faux-semblants », Billets d’Afrique n°320, septembre 2022

[3] En témoigne par exemple le discours de François Mitterrand à son dernier Sommet France-Afrique, en 1994 à Biarritz : « Si la France et ses partenaires africains ont su organiser pacifiquement la décolonisation – et je vois ici plusieurs des fondateurs avec lesquels, à l’époque, j’ai pu me réjouir de travailler à une grande œuvre –, si nous avons pu arriver à bout des obstacles, c’est parce que la volonté ne nous a jamais manqué. »

[4] Voir « Sahel : Barkhane se termine, l’armée française reste et le problème demeure », communiqué de Survie, 9 novembre 2022

[5] Voir T. Borrel, « La grande illusion de l’aide publique au développement » in T. Borrel, A. Boukari-Yabara, B. Collombat, T. Deltombe (dir.), L’Empire qui ne veut pas mourir. Une histoire de la Françafrique (Seuil, 2021)

[6« Immigration, terrorisme, colonisation… Les confidences de Macron en Afrique », Le JDD, 29 mai 2021. Quelques mois plus tôt, en février 2020, un représentant du Trésor avait expliqué aux députés de la commission des Finances que ces choix avaient été dictés par « la volonté de sortir des irritants politiques : le nom, la question de la présence de la France dans les instances et la centralisation de 50 % des réserves de change », ajoutant que « des aspects essentiels ne changent pas ». Voir Fanny Pigeaud et Ndongo Samba Sylla, « Réforme du franc CFA : les députés français mal informés par leurs techniciens ?  », blog Mediapart de Fanny Pigeaud, 24 février 2020.

survie.org

** **

Au prétexte de protéger les forêts …

… Emmanuel Macron reçoit un criminel contre l’Humanité, le dictateur congolais Sassou-Nguesso

Le président Denis Sassou-Nguesso, 38 années cumulées de pouvoir en République du Congo, rend visite ce lundi 19 décembre à Emmanuel Macron. La rencontre entre cette figure emblématique de la Françafrique et le locataire de l’Elysée est officiellement consacrée à la protection des forêts d’Afrique centrale. L’association Survie, qui milite contre la Françafrique, dénonce l’hypocrisie franco-congolaise en matière environnementale comme en matière de droits humains.

Mise à jour du 22 décembre 2022 : La rencontre entre Emmanuel Macron et Denis Sassou-Nguesso annoncée par la presse spécialisée pour le 17 ou le 19… a finalement eu lieu le jeudi 22 décembre !

Contestée en Afrique de l’Ouest, la France resserre ses liens avec ses vieux alliés en Afrique centrale. Après le voyage du président Macron au Cameroun en juillet, la visite à l’Elysée de Sassou-Nguesso, placée pour sa part sous le signe de l’écologie, le montre une nouvelle fois. Elle intervient à quelques mois du One Forest Summit, grand-messe à laquelle le président français pourrait participer au Gabon, en tentant d’associer le Congo-Brazzaville à l’événement.

Pour Pauline Tétillon, co-présidente de Survie, « à ce compte-là, toute la famille françafricaine va se convertir à l’écologie ! Mais en accueillant une nouvelle fois Sassou-Nguesso à l’Elysée, le président Macron donne dans le greenwashing d’un régime criminel, tortionnaire, prédateur et corrompu. Il y a plutôt de quoi être vert de honte. »

Sassou-Nguesso, au pouvoir presque sans discontinuer depuis la fin des années 1970, porte en effet une incontestable responsabilité dans les crimes qui ont émaillé son règne : élimination d’opposants, guerre civile de 1997, arrestations politiques, tortures en prison, exécutions arbitraires comme celle des « disparus du Beach », répression féroce de toute opposition comme lors des massacres d’octobre 2015, déplacement de populations dans la région du Pool… La liste est tellement longue que personne ne peut ignorer la nature du régime congolais. Cela n’empêche pas les entreprises françaises de continuer à y faire des affaires, en particulier TotalEnergies – y compris sous prétexte d’investissements « verts ». Et au plan économique, alors que le pays croule sous les dettes, son président est régulièrement accusé de voler l’État congolais, de l’affaire des Biens mal acquis au scandale des Pandora Papers, où son nom apparaît lié à une compagnie impliquée dans le pillage du pays depuis un paradis fiscal, les îles Vierges britanniques. C’est cette impunité que célèbre Emmanuel Macron en accueillant une cinquième fois ce dictateur .

Pour l’association Survie, mettre fin à la Françafrique, comme le prétend le président français, impliquerait pour commencer de renoncer à ce type de rencontre odieuse.

https://survie.org/pays/congo-brazzaville/article/au-pretexte-de-proteger-les-forets-emmanuel-macron-recoit-un-criminel-contre-l

** **

Les ambassades de la Françafrique, l’héritage colonial de la diplomatie française

Survie

Survie publie un nouveau dossier noir sur les ambassades françaises dans les capitales africaines. Rédigé par le journaliste d’investigation indépendant Michael Pauron, qui collabore notamment avec Jeune Afrique, Médiapart et Afrique XXI, ce livre offre un éclairage par le bas de la politique française en Afrique, à l’heure où le continent africain est aux prises avec des enjeux majeurs – immigration, démocratisation, insurrections armées, guerre de l’information, émancipation. Entre la corruption, la négligence et le racisme, l’auteur dévoile ce qu’il reste de la colonisation dans les rapports entre les Africains et ces hauts fonctionnaires.

Il y a soixante ans, les colonies françaises d’Afrique subsaharienne accédaient à l’indépendance. Les palais des gouverneurs étaient légués aux nouveaux présidents, les administrateurs français devenaient ambassadeurs, et la France disait vouloir normaliser ses relations avec ses anciennes colonies. Or, aujourd’hui, le faste des résidences de France, le comportement des diplomates et la marche de l’administration française donnent une tout autre image, où les ambassades occupent encore une place centrale dans les destinées africaines.

Cette enquête, véritable éclairage par le bas de la politique française en Afrique, dévoile la domination symbolique, matérielle et économique de la politique étrangère française en Afrique et, par là, ce qu’il reste de la colonisation dans les rapports entre les Africains et ces hauts fonctionnaires. À l’heure où le continent africain est aux prises avec des enjeux majeurs – immigration, insurrections armées, guerre de l’information –, les emprises diplomatiques de l’État français répondent d’autant plus à ses considérations stratégiques, économiques et politiques, et perpétuent ainsi leur héritage colonial.

Vous pouvez commander cet ouvrage via notre boutique en ligne.

Vous pouvez retrouver ici le communiqué de présentation de l’ouvrage