Souriez, vous serez “intelligemment” surveillés 

Le projet de loi sur les JO adopté

Les sénateurs ont voté ce mercredi le texte relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 qui autorise, jusqu’au 31 mars 2025, la vidéosurveillance algorithmique pour toutes les manifestations sportives ou culturelles d’ampleur.

En moins de dix ans, le nombre de caméras installées dans la ville de Toulouse est passé de 25 à 510.

Il n’y avait pas beaucoup de suspense. Mardi 11 avril, les députés ont approuvé en deuxième lecture par 244 voix sur 322 votants (seuls les députés insoumis et écologistes ont voté contre, socialistes et communistes s’étant abstenus) le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Et ce mercredi, le Sénat a fait de même (252 pour sur 343 votants), et autorise ainsi la mise en place de systèmes de vidéosurveillance dite « intelligente ». En clair, les images de vidéosurveillance, issues de caméras fixes ou de drones, pourront être passées au tamis d’algorithmes censés pouvoir « détecter, en temps réel, des événements prédéterminés [tels que des mouvements de foules anormaux, ndlr] susceptibles de présenter ou de révéler des risques d’actes de terrorisme ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes ».

La curiosité du texte, dont les modalités d’application seront précisées par un décret en Conseil d’État, est que ce dispositif n’est pas limité aux seuls JO : en fait, il pourra concerner toutes « les manifestations sportives, récréatives ou culturelles » d’ampleur, « dans les lieux accueillant [celles-ci] et à leurs abords ainsi que dans les véhicules et les emprises de transport public et sur les voies les desservant », après autorisation du préfet du département concerné… Autant dire que la liste des manifestations potentiellement affectées est considérable. À commencer par la Coupe du monde de rugby, en septembre, qui pourra servir à tester lesdits algorithmes. L’expérimentation perdurera jusqu’au 31 mars 2025… et plus si affinités ? L’histoire prouve que lorsqu’on met en place ce genre de dispositif une fois il devient difficile de s’en passer. En 2016, après l’Euro de football tenu en France, le préfet Ziad Khoury, en charge de coordonner la sécurité des JO (il vient d’être suspendu pour « comportement inapproprié » envers une femme), se félicitait de l’« héritage réglementaire » laissé en matière de sécurité…

Le “tropisme orwellien” du gouvernement

« Évidemment, les outils que nous développons garantiront la liberté des spectateurs, mais aussi leur sécurité », a indiqué lors des débats le rapporteur Guillaume Vuilletet (député Renaissance). Ces traitements algorithmiques, qui ne pourront utiliser de système de reconnaissance faciale ni de données biométriques, feront l’objet d’un « contrôle permanent de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) », a assuré la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra — la Cnil devra notamment donner son avis sur le futur décret d’application et être tenue régulièrement informée de chaque déploiement. Des arguments torpillés notamment par le député insoumis Hendrik Davi, qui a pointé devant l’Assemblée le « tropisme orwellien » du gouvernement : celui-ci « prétend nous protéger, en légalisant la surveillance par drone et le traitement algorithmique de toutes les images. Or une étude commandée par la gendarmerie conclut que “l’exploitation des enregistrements de vidéoprotection constitue une ressource de preuves et d’indices peu rentable pour les enquêteurs”. Les seuls véritables gagnants seront les entreprises privées de sécurité qui développent ces outils ».

Dans un article écrit conjointement avec l’Observatoire des multinationales, La Quadrature du Net, l’une des associations les plus en pointe contre ce texte, ne s’est d’ailleurs pas privée de dénoncer la « victoire d’un lobby », qui « a réussi à faire voter une loi lui donnant les mains libres dans l’expérimentation de ces technologies ». Thales, qui — profitant d’un flou juridique — a déjà déployé un système de vidéosurveillance pour la municipalité de Reims, a ainsi dépensé en 2022 entre 400 000 et 500 000 euros de frais de lobbying.

telerama.fr

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