Traque des véhicules volés

Voici le cadeau de l’État aux forces de l’ordre

Tremblez malfrats ! L’État va casser sa tirelire pour doter policiers et gendarmes de plusieurs milliers de caméras à lecture de plaques d’immatriculation. Objectif : repérer discrètement les véhicules volés et ceux recherchés dans les affaires de grand banditisme ou de terrorisme (mais pas que).

Pour traquer les véhicules volés, l’État va mettre le paquet en dotant les forces de l’ordre de nouveaux outils.

Détecter automatiquement les véhicules volés ou mis sous surveillance : rien de plus simple sur le papier. Il suffit de recourir à des caméras dotées d’un lecteur automatisé de plaque d’immatriculation (Lapi) et de comparer tout aussi automatiquement chacun des numéros minéralogiques mémorisés avec ceux figurant dans une base de données de comparaison (BDC) composée du vaste Fichier des objets et véhicules volés et signalés (FOVeS) et du Système d’information Schengen (SIS) pour les autos portant une plaque étrangère.

Déjà plus de 500 lecteurs automatisés de plaques en service

Depuis une douzaine d’années, les forces de l’ordre se sont peu à peu équipées de ce type de capteurs mobiles cachés dans les rampes lumineuses de leurs véhicules de patrouille. À ce jour, la police nationale en compte 265 et la gendarmerie, 251. Qui se révèlent efficaces, puisqu’un rapport sénatorial indiquait que dès 2012 le nombre de lectures de plaques générées par la police s’était élevé à 39,3 millions et à 42,5 millions par la gendarmerie. Elles avaient permis de surprendre 22 522 véhicules volés ou recherchés en zone police et 5 772 en zone gendarmerie. Pas mal en soi, mais évidemment très loin du compte puisque les seuls vols de véhicules se chiffrent à 200 000 en moyenne chaque année et ont encore augmenté de 5 % en 2023 au niveau national (et même + 20 % dans seize départements), selon les statistiques du

Un objectif visé de 3 100 dispositifs fixes ou embarqués

D’où la volonté déjà ancienne de l’État de multiplier le nombre de Lapi en service. Dès 2019, un vaste appel d’offres aux fabricants avait été lancé pour acquérir 1 100 Lapi supplémentaires. Il n’avait cependant pas abouti pour d’obscures raisons. Partie remise en 2022 cette fois avec un plan nettement plus ambitieux… mais tellement complexe qu’il a été reporté à trois reprises, les fournisseurs-candidats ayant posé pas moins de 662 questions d’éclaircissement, générant de multiples modifications du cahier des charges fixé par l’administration.

En fait, le projet porte sur cinq marchés publics différents afin de multiplier les modes de surveillance ! L’État est prêt à mettre 55 millions d’euros (TTC) sur la table, et même le double si nécessaire, afin d’acquérir dès 2024 et sur quatre ans :

  • 884 Lapi fixes, qui seront installés en permanence sur un bâtiment, un pylône ou un panneau à message variable ;
  • 351 Lapi transportables destinés à des opérations ponctuelles, installables par exemple sur un trépied en bord de route ou sur un poteau ;
  • 1 297 Lapi sur véhicules sérigraphiés, c’est-à-dire de patrouille ;
  • 572 Lapi sur véhicules banalisés (notamment les voitures radars ?) pour plus de discrétion, avec une option pour en acquérir le double ;
  • des milliers de Lapi piéton destinés aux agents patrouillant à pied. Est évoqué le nombre colossal de 33 250 dispositifs !

Soit un minimum de 3 100 Lapi fixes, semi-fixes et embarqués. À raison de 4 capteurs demandés par site ou voiture, cela fait donc la bagatelle de 12 400 caméras à mettre en service en l’espace de quatre ans, auxquels s’ajouteront les dispositifs piétons ! Il est en outre question de faire appel aux capteurs fixes acquis par les collectivités territoriales et à ceux des entreprises privées, notamment les sociétés d’autoroutes, pour compléter le maillage.

Tout repérer, y compris le nombre de passagers

C’est qu’en termes de prestations, outre le numéro d’immat relevé par Lapi, les dispositifs vont fournir de jour comme de nuit des images contexte de chaque véhicule croisé dans un rayon de 180° – marque, modèle, couleur, nombre d’occupant(s) – qu’il soit en mouvement jusqu’à 180 km/h (quelle que soit la file de circulation) ou en stationnement (même en épi ou dans un parking). Tous les capteurs fonctionneront en permanence, automatiquement dès le démarrage du véhicule pour ceux embarqués, avec une autonomie propre d’au moins huit heures pour ne pas tirer sur la batterie.

Pour une efficacité maximale, fini le système actuel qui imposait à une patrouille, avant chaque démarrage, d’importer le fichier de véhicules recherchés depuis une clé USB. Désormais, tout va se faire en 3, 4 ou 5G – y compris les dispositifs anciens qui seront modernisés –, en contact permanent avec un serveur central de traitement commun à la police, à la gendarmerie et aux douanes. Pour cela, « le ministère de l’Intérieur prévoit la mise en place d’un système de communication critique et de transmission de données pour l’ensemble des forces de sécurité et de secours au cours de l’année 2024. Ces services seront fournis par le Réseau Radio du Futur (RRF). »

Les doublettes aussi repérées

Dès que le système détectera une plaque « positive » – un « hit » dans le jargon –, se déclenchera à bord une alerte visible et sonore pour l’équipage. Chaque hit doit faire apparaître :

  • le numéro d’immatriculation lu par la machine ;
  • la photo de la plaque ;
  • la nationalité du véhicule ;
  • la date et l’heure de la capture ;
  • la date et l’heure de comparaison avec la base de données BDC ;
  • l’identifiant du capteur ;
  • la géolocalisation de la capture ;
  • la photo contexte (plan large du véhicule) ;
  • le code de la conduite d’intervention que doit tenir l’équipage ;
  • une fonction « accepter » ou « refuser » l’alarme ;
  • l’orientation du capteur à l’origine du hit (chaque véhicule en possédant quatre).

À noter que le système va repérer toute incohérence de numéro minéralogique, à en croire cet exemple cité au cahier des charges : « Si une Renault Twingo bleue immatriculée XXX est déclarée volée, que la plaque d’immatriculation XXX est déplacée sur une Fiat 500 beige, alors le système doit être en mesure de générer un hit au passage de la Fiat 500, de remplacer les données de la Twingo par celles de la Fiat 500 et d’indiquer que cette plaque d’immatriculation était initialement associée à une Renault Twingo bleue. » Les voleurs sont prévenus…

Des contrôles aussi a posteriori !

Les résultats des millions de lectures de plaques seront conservés quinze jours dans une base de données dite BD15, de manière à déclencher une alerte a posteriori au cas où un véhicule par exemple dérobé un lundi aurait été mémorisé le même jour mais seulement déclaré volé le mardi ou plus tard ! Quant aux hits, ils figureront dans une base de données des lectures positives durant trente et un jours (la BD31), voire durant un an dès lors qu’un agent aura réalisé une action (un « log ») dans le système.

Objectif Jeux olympiques

  • Où en est-on du projet à ce jour ? Après avoir longtemps ramé, les fournisseurs intéressés ont déposé leurs candidatures le 23 octobre dernier. Depuis fin janvier, chacun d’eux passe à tour de rôle à la CRS de Vélizy (Yvelines) pour présenter ses matériels en mode opérationnel, embarqués dans des SUV de type Peugeot 5008 ou VW Tiguan pour ce qui concerne les Lapi embarqués. Figure imposée : lire au moins 90 % des plaques de véhicules à quatre roues et 75 % de ceux à deux roues.
  • Clairement, l’objectif de l’administration est maintenent d’aller très vite, de manière que les premiers dispositifs soient en fonction pour les Jeux olympiques. Car il bien écrit noir sur blanc que « l’emploi de tels dispositifs est également possible par les services de police et de gendarmerie nationales, à titre temporaire, pour la préservation de l’ordre public, à l’occasion d’événements particuliers ou de grands rassemblements de personnes, par décision de l’autorité administrative ».

https://www.largus.fr/