La biophobie tue

Qu’est-ce qu’une phobie ?

Dans la foire aux phobies qui se disputent la compassion des badauds, la plus grave et la plus réelle, mais aussi la plus dissimulée, c’est la biophobie.
Que la biophobie tue – tue vraiment – en masse, des millions d’espèces et d’individus, chacun le sait – il suffit de regarder autour de soi. Fort peu en tirent de conséquences.
Qu’est-ce qu’une « phobie » ? Le glossaire de psychiatrie publié en 1970 par le docteur Pierre Marchais pour le compte de « Clair dire », le Comité d’étude des termes médicaux français, nous en donne sa conception :
« Phobie : Réaction d’angoisse, jugée absurde par le patient, face à un objet, un être, une situation, un acte, qui provoque une attitude d’évitement et qui peut être momentanément apaisée par une conduite rassurante. Par exemple, dans l’agoraphobie, le patient ne peut pas traverser seul une rue, mais il y parvient s’il est accompagné.
Les phobies ont donné lieu à une terminologie abusive, le plus souvent à l’aide de racines grecques qui précèdent le terme phobie et qui désignent l’objet de la phobie.
Presque tous ces mots sont devenus désuets ou peu usités. Nombre d’entre eux furent en outre établis à une époque où la distinction entre une peur, une crainte, une phobie et une obsession n’était pas encore suffisamment précisée. Par suite, nombre de ces phobies ne sont même pas des phobies au sens où il est actuellement convenu de les concevoir et de les définir, et sont des peurs pouvant être vécues sur un mode plus ou moins obsédant. »
La biophobie ne figure pas dans la liste de 213 phobies relevée ensuite, de « l’acarophobie », phobie des mites, à la « zélophobie », la peur de la jalousie. Mais la « transphobie » et l’« islamophobie », non plus. Ces dernières ne sont d’ailleurs pas des phobies au sens convenu, juste des abus de langage.
Quant à la racine grecque bio- qui précède ici le mot phobie, elle désigne, selon le dictionnaire étymologique, la vie, comme dans symbiose (qui vit ensemble), et amphibie (qui vit dans deux éléments).
Aussi est-il congru que les plus extrémistes des technocrates et les transhumanistes nous dénoncent, nous les écologistes et naturiens, comme « bioconservateurs », c’est-à-dire soucieux de conserver/préserver la vie. Et eux, qui se nomment « techno-progressistes », que veulent- ils ? – le progrès des technologies. Telle est la ligne de front qui sépare les humains d’origine animale des inhumains d’avenir machinal – des biophobes.
Quant au mot biologie, Lamarck l’a introduit en français pour désigner les sciences du vivant. On parle aussi d’étude de la nature. La nature, c’est-à-dire tout ce qui naît et germe de soi- même – d’une racine indo-européenne *gen(e)- , naître, engendrer, d’où sont issus de multiples rejetons ; et même les gens, bien ingrats, qui prétendent exclure le mot et l’idée de nature, « concept occidental » et « anthropocentré », afin de mieux détruire cette chose qu’ils ne maîtrisent pas, qui les humilie et les dégoûte.
Naître parmi les fèces et l’urine, je vous demande un peu ! Pourvu que ça ne se sache pas. Ils auraient tant préféré être le produit optimal d’une culture de laboratoire plutôt que l’incertaine conséquence des aléas de la vie et de ses déterminations arbitraires, le fruit de processus odieusement organiques. On se souvient de ce plaidoyer contre la « roulette de la reproduction » du bioéthicien américain John Fletcher : « l’utérus est un endroit obscur et dangereux, un milieu plein de périls ».
Phobie de la Mère Matière – de matr- racine indo-européenne d’où naissent matrix, « matrice », « femelle pleine ou qui nourrit », « arbre qui produit des rejetons », « matériau », etc. Pour les biophobes, le mal gît dans la matière, dans « cette imperfection organique (que) nous pouvons (…) considérer comme le diable », dixit Norbert Wiener, le père – non biologique – de la cybernétique, qui veut remplacer le naturel par le planifié.
La biophobie, c’est aussi la haine des Mères qui infligent la mort avec la naissance, qui le savent, et qui parfois, avec une force surhumaine, doivent ensevelir leur enfant. Ça s’est vu et ça se voit chaque jour.
Que la maternité meure avec la nature, c’est également ce que nous voyons chaque jour. Les deux coexistent en dehors de toute action humaine, de toute volonté de puissance, sans maîtres ni possesseurs. Cette intolérable liberté génésique et biologique doit être asservie ou éradiquée.
Ouste. Il n’y a que l’intention qui compte. Mon désir. Ma volonté. Ma puissance.
« Bref, toute matière qu’elle soit inerte (minéraux, métaux), vivante, ou en mouvement de l’un à l’autre, participe de la nature. Ce qui naît, croît, meurt et se transforme derechef, de manière autonome, spontanée et imprévisible, suivant cet enchaînement infini de métamorphoses que l’on nomme l’évolution. Il n’y a rien de plus « inclusif » que la nature puisqu’il n’y a rien en dehors de la nature. Sinon l’ensemble vide du néant dont l’idée ne peut tenir lieu de réalité. »
Vouloir maîtriser l’évolution, la planifier et la diriger, c’est tuer la nature vive et libre, pour lui substituer la mort machine. Thanatos, la pulsion de mort contre Eros, l’instinct de vie. Et pardon pour ce défilé de clichés, mais les biophobes prennent l’un pour l’autre et prétendent brouiller les deux.
Tous les Hercules de foire s’empoignent au nom de leurs risibles « phobies » – tous plus « victimes » et « stigmatisés » les uns que les autres et appelant à la « convergence des luttes » contre leurs « phobies » respectives. Mais à la fin de la foire, seule la biophobie, la peur haineuse de la nature, les réunit, alors qu’ils devraient d’abord soigner la nature, la défendre et la sauver. Lorsqu’ils l’auront enfin vaincue, lorsqu’ils auront enfin triomphé, bientôt, dans leur guerre au vivant, il n’y aura plus ni hommes, ni femmes ni ambigüs, ni blancs, ni noirs ni métis, ni homos, ni hétéros ni bisexuels, ni humains, ni animaux ni végétaux ; plus rien que l’universalité des cadavres chantée par Zao l’Africain : Quand viendra la guerre mondiaux Tout le monde cadavéré (…)
Ta femme, ta mère, ton grand-père, ton père, tes enfants, les rois, les reines, les empereurs, les présidents, les ministres, le garde de corps, les motards, les militaires, les civils, les policiers, les gendarmes, les travailleurs, les chômeurs, ta chérie, ton premier bureau, ton deuxième bureau, la bière, le champagne, le vin rouge, le vin de palme, les soûlards, les music lovers, …
Tout le monde cadavéré
Moi-même cadavéré
Marquer le pas, un, deux,

Mundasukiri
Pièces et main d’œuvre

Ancien combattant

Pourquoi la guerre
Pourquoi la guerre
Pourquoi la guerre
La guerre ce n’est pas bon, ce n’est pas bon
Quand viendra la guerre tout le monde affamé, oh !
Le coq ne va plus coquer, cocorico oh !
La poule ne va plus pouler, pouler les œufs
Le footballeur ne va plus footer, pousser le ballon
Les joueurs cadavéré
Les arbitres cadavéré
Le sifflet cadavéré
Même le ballon cadavéré
Les équipes cadavéré
Diables Noirs cadavéré
Etoile du Congo cadavéré
Cara cadavéré
Les Lions Indomptables cadavéré
Les Léopards cadavéré
Les Diables Rouges cadavéré
Les journalistes cadavéré
La radio cadavéré
La télévision cadavéré
Le stade cadavéré
Les supporters cadavéré
La bombe ce n’est pas bon, ce n’est pas bon
La bombe à neutrons ce n’est pas bon, ce n’est pas bon
La bombe atomique ce n’est pas bon, ce n’est pas bon
Les Pershing ce n’est pas bon, ce n’est pas bon

S.S. 20, ce n’est pas bon, ce n’est pas bon
Quand viendra la bombe
Tout le monde est bombé oh !
Quand viendra la bombe
Tout le monde bombé oh !
Ton pays bombé
L’URSS bombé
Les États-Unis bombé
La France bombé
L’Italie bombé
L’Allemagne bombé
Le Congo bombé
Le Zaïre bombé
L’ONU bombé
L’UNESCO bombé
L’OUA bombé
Mes boufs bombé
Mes moutons bombé
Mon cuisinier bombé
Tous les cuisiniers bombé
Ma femme bombé
Les taximan bombé
Les hôpitaux bombé
Les malades bombé
Les bébés bombé
Le poulailler bombé
Mes coqs bombé
Mon chien bombé
Les écoles bombé
Ma poitrine bombé
Tout le monde bombardé