L’Esprit du Capitalisme ; 6ème partie

  1. Première trace sur la piste : LafargeHolcim
  2. Le Capitalisme du désastre
  3. « Messieurs… ce ne sont pas des Américains mais des Orientaux… »
  4. « Big Business avec Hitler »
  5. « De quoi Total est-elle la somme ? »
  6. Le Big Bang Atomique père de l’Apartheid
  7. Epilogue, déjà un mini-führer pour un nouveau cycle

Le Big Bang Atomique père de l’Apartheid

En 1948, l’année même de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, un régime de type nazi avec les mêmes standards idéologiques raciste et ségrégationniste se met en place en Afrique du Sud. Le politologue Franco-Africain Apoli Bertrand Kameni, mène l’enquête et pose une question simple : « Pourquoi le régime de l’Apartheid naît-il en Afrique du Sud en 1948 ? »

Le régime dura près d’un demi-siècle et intensifia ses violences policières au cours des décennies. Face à une telle endurance, Kameni se propose de répondre à une autre interrogation : « Pourquoi le relatif silence de la « Communauté internationale » ? »

Le 21 mars 1960 eut lieu le massacre de Sharpeville. Dans un township (banlieue noire) plutôt paisible de la ville de Vereeniging de la région du Transvaal, l’évènement marque une rupture historique. On est bien face à une stratégie de terreur qui peut aller jusqu’au meurtre de masse. Le bilan de la répression policière mettant fin à la manifestation pacifiste contre le « pass » (passeport intérieur) attestait sans conteste la détermination criminelle du système de l’apartheid. Il y eut 69 morts et près de 200 blessés, mais l’autopsie des cadavres et l’examen des blessés révélèrent en plus une claire volonté de tuer. Les tirs ne relevaient ni de la légitime défense ni du simple maintien de l’ordre. Un trop grand nombre de balles en effet atteignirent leurs victimes à la tête ou à la poitrine avec leurs points de pénétration constatés dans le dos.

A la suite de cette stratégie du choc, le régime de l’apartheid se renforça dans sa logique totalitaire répressive. Un grand nombre de militants noirs furent emprisonnés, Nelson Mandela fit parti du lot pour une durée de trois décennies. D’autre prirent le chemin de l’exil.

Vu d’aujourd’hui, avec l’aura d’un saint qui s’associa à l’image de Nelson Mandela, une question supplémentaire se pose : comment la communauté internationale a-t-elle pu accepter qu’un militant politique contre le racisme et pour l’égalité ait pu être enfermé autant de temps en prison pour un simple délit d’opinion ? L’esprit du capitalisme est-il une explication suffisante en regard de cette si longue transgression de la Déclaration universelle des droits de l’homme ?

Les réponses qu’apporte Apoli Bertrand Kameni sont proprement minérales et limpides comme de l’eau de roche. Elles s’enracinent dans la terre et pour le coup, elles sont strictement fondées sur les sciences pures et dures. On quitte définitivement les obscures nébuleuses idéologiques pour étayer l’analyse politique dans la composition élémentaire de la Terre. La classification périodique des éléments s’impose comme le point de départ de la réaction en chaine des conflits à l’époque contemporaine. Ensuite arrivent l’étude des propriétés physico-chimiques des minéraux et métaux et leurs applications militaro-industrielles. L’analyse pour comprendre la guerre perpétuelle de notre temps et la plupart des situations conflictuelles à la surface de la terre doit constamment avoir en toile de fond ce fameux Tableau de Mendeleïev mis en forme au début des années 1920.

Vu de France, « grande démocratie », ce paradigme est pour le moins surprenant pour ne pas dire iconoclaste. Kameni en est conscient. Il a trouvé dans le filon minier pour le fil conducteur de l’histoire contemporaine à l’origine du cycle sans fin des conflits et crimes contre l’humanité. Son argumentation est telle qu’elle nous fait immédiatement découvrir l’étendue de notre ignorance ou plutôt nous fait mesurer l’efficacité redoutable de la désinformation.

Pourquoi le peuple Sahraoui a été dépossédé de ses terres et vit aujourd’hui enfermé dans des camps de réfugié hors de son pays ? Regardez au croisement de la 3e ligne et de la 15e colonne du tableau de Mendeleïev et vous aurez la réponse : le Phosphore. Ses sels sont l’une des matières premières indispensables pour que le « monde libre » puisse industrialiser son agriculture et l’offrir à une oligarchie de transnationales. Pour ne rien arranger au sort du peuple Sahraoui, l’industrie agroalimentaire est, elle-aussi, boulimique en phosphate pour doper sa « malbouffe ». Et pour ce succulent trafic chimique sur la marchandise soit légal, la bonne Commission Européenne (compradore à la botte du complexe agroalimentaire) autorise pas moins de huit additifs alimentaires à base de phosphate… Tandis qu’au Sahara Occidental, la terreur militaire pour la mise en fuite des populations autochtones est assurée en sous-traitance à la monarchie marocaine…Il en va de même en Tunisie à Gafsa avec sa mine de phosphate. Mais là aucune monarchie ne peut organiser manu militari la déportation des populations locales qui croupissent dans la misère et la pollution. En conséquences techniques et logiques,  pour assurer le monopole du phosphate aux puissances occidentales le laminage du confit social par la répression est permanent.

Pourquoi, le 11 septembre 1973, il y a eu un coup d’état de la CIA au Chili : 4e ligne 11e colonne le Cuivre.

Pourquoi au Zaïre-Congo-Kinshasa la terreur est interminable : 4e ligne 9e colonne entre le Fer et le Ni se trouve le fameux Cobalt. Les technologies innovantes pour verdir Le Capital au 21e siècle dépendent de ce métal de transition. Sans Cobalt et sans terreur perpétuelle au Congo, pas de batterie pour lancer la déferlante des voitures électriques… Comble de malchance et de guerre perpétuelle c’est encore dans ce pays qu’on trouve le Tantale, autre métal de transition indispensable au développement de la microélectronique de masse.

Apoli Bertrand Kameni va jusqu’à dresser un tableau des conflits et crimes depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et le met en correspondance avec la classification périodique des éléments. Ainsi, il balaye d’un coup toutes les hypothèses socio-ethno-culturo-religieuses qui font toujours en boucle les explications habituelles dans la presse officielle.

Mais revenons à l’institution du régime de l’Apartheid ; elle fait l’objet de la première partie du livre de Kameni : « Du Big Bang Atomique aux conflits pour l’Uranium en Afrique du Sud ». Le titre du premier chapitre en encore plus explicite : L’apartheid, fille de la révolution atomique et de la politique minière.

Trois années décisives 1947-1948-1949 scellent le sort tragique de millions d’Africains dans tout le pôle sud de l’Afrique. Le rayonnement répressif du régime de l’Apartheid s’étendait, en effet bien au-delà des frontières de l’Afrique du Sud. Les chars déferlaient sur la Namibie, Rhodésie et sévissaient jusqu’en Angola et au Mozambique.

En ces temps-là, les puissances occidentales se définissaient comme « grandes démocraties » et formaient le « monde libre » par opposition au monde soviétique. Mais ce sont bien elles qui président à cette funeste destiné de l’Afrique australe pour près d’un demi-siècle. Première année fatidique, 1947, début de la Guerre froide, seconde année, 1948, institution du régime de l’Apartheid et bien sûr « Déclaration universelle des droit de l’homme », puis 1949 création de l’OTAN, le sort de l’Afrique Australe est verrouillé par pour un demi-siècle.

A ce moment de l’histoire, les états-majors des puissances occidentales estiment qu’ils doivent agir dans une situation de quasi-urgence militaro-industrielle. Une question simple se pose alors : comment assurer et sécuriser l’accès et le monopole des immenses ressources minérales stratégiques déjà connue qui se trouve précisément dans le pôle sud de l’Afrique ? En langage plus prosaïque de l’Amérique blanche bienpensante : « Peut-on faire confiance à des chefs d’Etats de race noire ? » Ou en plus cru – façon sergent-chef : peut-on confier le gardiennage des richesses minières à des nègres ? Aujourd’hui la longue expérience de la  Françafrique permet de répondre par l’affirmative, sauf qu’il a fallu en passer d’abord par la stratégie du choc pour annihiler toute velléité de liberté. Mais, à l’époque, en situation d’urgence, dans l’ambiance historique enthousiaste en Afrique animée des revendications d’émancipation, de libération et d’indépendance, le Monde libre a joué la prudence, la réponse fut celle brutale de l’Apartheid. Derrière le Parti National (blanc) qui instaure et assure pleinement la responsabilité de ce régime de terreur raciste, il faut voir la communauté internationale,  le dit « Monde libre ». « L’apartheid n’était que l’institutionnalisation la plus radicale de l’idéologie ethnique et culturelle pour le contrôle exclusif du panthéon minier mondial subitement valorisé et convoité par toute les Grandes Puissances. Le segregatio nigritarum n’était qu’un partage léonin détourné et imposé par les protagonistes les plus puissants du plus fabuleux trésor découvert par les hommes. (…) Les accès de violences [du régime] coïncidaient en effet avec ceux des crises des matières premières sur la scène internationale… L’explosion des besoins en Uranium au Nord, à la suite du choc pétrolier de 1973, s’irradie au Sud en explosion de violences répressives non seulement en Afrique du Sud mais davantage encore en Namibie, siège de la mine majeure d’uranium de Rössing »

Ainsi tout s’explique de manière parfaitement technique, technologique et scientifique. Inutile de recourir aux nébuleuses idéologiques sur les régimes totalitaires. « La monté radicale de la violence intercommunautaire en Afrique du Sud à partir de 1945 n’est pas la résultante des différences ethnoculturelles » (…) L’érection subite de la ségrégation en système unique au monde (…) doit être confronté au vivier minier tout aussi unique sur l’échiquier géologique des Etats de la planète, nouvellement mis au jour : avant 1945, l’Afrique du Sud connaissait l’or, le diamant, le platine et le charbon. » Puis les ressources minières se multiplièrent. « Le pays apparut comme le détenteur de la quasi-totalité des minerais : fer, cuivre, zinc, nickel, cobalt, étain, phosphate (…), argent uranium…  Aussi, mieux vaut-il relever ceux qui n’y ont pas encore été découverts : le pétrole et la bauxite »

Si au pôle sud de l’Afrique dans le panthéon minier, l’apartheid se durci au début des années 1960 puis se fanatise dans les années 1970, c’est qu’au Nord, dans le monde blanc des « nations civilisées et civilisatrices », la Guerre froide se réchauffe avec l’affaire des missiles à Cuba (1962), les préparatifs militaires de la guerre du Vietnam suivies de la ruée occidentale épidémique vers le « tout nucléaire ».

On comprend aussi pourquoi durant son demi-siècle d’existence le régime de l’Apartheid n’a manqué de rien. Malgré toutes les protestations et les embargos lancés par les Nations Unies, Pretoria n’a jamais souffert de pénurie de pétrole. Grâce à la Compagnie Française des Pétroles (Total), l’appareil militaire de l’Apartheid n’a jamais connu de panne sèche et pouvait rayonner dans tout son immense secteur de gendarmerie. A la suite de Sophie Passebois, auteure de « Total : le carburant de l’Apartheid », Alain Deneault rappel dans tous ses aspects les différentes activités de la compagnie pétrolier durant ledit embargo. Rien ne manquait, toute la panoplie du parfait pétrolier était déployée pour servir le régime : distribution, prospection offshore, raffinage… Grâce aux industries de l’armement des puissances occidentales, le régime a disposé de tout le matériel militaire nécessaire pour sa perpétuation et surtout sa mission de gardiennage du vivier minier au profit des transnationales du « monde libre ». Un article de Ivan du Roy exhume le rayonnement de la France en Afrique Australe : « Hommage à Mandela : quand la France et ses grandes entreprises investissaient dans l’apartheid ». L’auteur dénombre quelques 85 entreprises françaises aux petits soins pour le régime de Pretoria. Mais le régime de l’Apartheid en tant que garde-chiourme raciste fournissait en échange à ces entreprises une main d’œuvre passée sous la thérapie du choc et donc soumise et à très bas salaire. On retrouve dans son principe économique la loi-travail du 3e Reich. L’article ne dit pas si le fleuron national français, Lafarge, a proposé ses services à Pretoria, mais rappelle que les grands de l’armement étaient présents avec l’incontournable Dassault, le BTP la Banque les constructeurs automobiles sans oublié  le fleuron atomique tricolore.

Ainsi, ce qui nous dit Apoli Bertrand Kameni est proprement sidérant : la barbarie, les crimes contre l’humanité du type apartheid ne relèvent ni de l’idéologie ni de fantasmagorie ethnoculturelle mais des salves successives d’innovations scientifiques et techniques du Big Bang atomique dont le point d’origine se trouve dans la Classification périodique des éléments. Les racines de l’Apartheid ne sont pas à chercher dans la cruauté du Parti Nation Sud-Africain mais dans une décision collégiale tacite et secrète des « grandes démocraties » de sécuriser le « vivier minier » Sud-Africain et d’en assurer le libre et plein accès au profit exclusif des complexes militaro-industriels occidentaux. Ainsi, dans l’immensité encore vierge et paradisiaque de l’Afrique Australe, des millions d’africains subirent sur leur propre terre le joug d’une tyrannie raciste et ségrégationniste décidée par l’élite civilisatrice du Monde libre. Sous le régime de l’Apartheid, des milliers de personnes passèrent leur vie en prison et des centaines périrent dans leur jeune âge sous feu de la répression pour qu’au Nord les savants du « monde libre » allument, attisent et propage du feu atomique et pour que les grandes entreprises puissent disposer à très bas prix des métaux stratégiques révélés par la Classification périodique des éléments. Bien évidemment, pendant ce temps, la presse officielle, consciente de sa mission d’information, nous révélait les horreurs du Goulag en URSS.

Fin de la 6ème partie ; Jean-Marc Sérékian ; Janvier 2018