Smart land à Lille

C’est une exposition organisée par la maison de l’architecture et de la ville

Elle a commencé et va durer jusqu’au 24 mars ; en face d’Euralille

A l’occasion du vernissage, a été distribué un article pour rappeler, contrairement à ce que prétend Martine Aubry, que l’urbanisation et la construction de logements sur la friche Saint Sauveur d’une part, et d’autre part le développement des technologies de contrôle urbain (Smart City) ne sont pas une fatalité, mais le résultat d’une politique publique « d’attractivité ».

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Capteurs, béton et microparticules, la rançon de l’attractivité lilloise

Du béton pour accueillir les fabricants de capteurs. Des capteurs pour gérer les résidents du béton. Voilà ce qu’est la smart city. Une ville toujours plus dense et sous contrôle. Résultat de 30 ans de politique d’« attractivité », comme si l’on pouvait urbaniser sans limite, à la verticale, entre les voies rapides ou sur les derniers lambeaux de verdure. Puisque l’un ne va pas sans l’autre, c’est dans un même élan que nous refusons la ZAC Saint-Sauveur et votre « Smart Land ».

Si Lille est de plus en plus encombrée, de plus en plus polluée, et qu’il y a toujours plus de familles en attente sur les listes des bailleurs sociaux, c’est par décision politique. Or, dans sa messe d’information sur le projet Saint Sauveur en septembre 2017, Martine Aubry s’affichait presque obligée de bétonner les 30 hectares de la friche : « Il faut bien répondre à la demande de logements ! », se résignait-elle de concert avec la représentante de la Fondation Abbé Pierre, comme si la croissance démographique lilloise résultait de la main invisible du Saint-Esprit.

Les 1000 salariés d’IBM n’arrivent pas à Lille par hasard, pour les beaux yeux de la comtesse ou le cadre si charmant des Bois blancs. En 2013, la MEL allongeait 200 000 euros pour accueillir la multinationale. Idem pour les autres pôles de compétitivité ou l’Agence européenne du médicament si elle avait dû élire domicile sur la métropole. Eurasanté, c’est 800 000 euros annuels versés par la MEL. Euratechnologies, près de 2 millions en 2017, en comptant la rénovation du site de Blanchemaille à Roubaix ou l’envoi d’une délégation au Salon numérique de Las Vegas. Tout ça pour des profits bien privés. Telle est la règle dans cette course à l’attractivité des métropoles.

Pour accueillir ces salariés, il faut aussi des logements, un métro, un tram-train et des routes pas trop encombrées. Et puis aussi des écoles, des commerces et encore des routes pour y arriver. Et puis aussi des fêtes à la gare Saint So avec des routes et des métros. Et un ramassage d’ordures, de l’électricité, de l’eau, du gaz, encore des routes et des métros. La mobilisation est générale pour accueillir les cadres de cette nouvelle économie numérique (+ 5 % d’emplois en cinq ans). Elle va des compétences urbaines des services techniques aux subventions idoines.

L’étude d’impact du projet Saint Sauveur annonce, comme un argument d’exemplarité verte, que la ZAC sera rationalisée par smart grids : Linky pour l’électricité, Gazpar pour le gaz, et pourquoi pas, comme le promeut cette exposition « Smart land », des capteurs sur les routes, des caméras de surveillance « intelligentes » et des poubelles pucées. Le puçage des humains – prérequis indispensable de la survie à smart-city – n’a quant à lui pas attendu : voir la carte « Pass-Pass », future « carte de vie quotidienne » comme mouchard numérique. La liberté est chassée des mœurs avant de l’être des mots.

Nous sommes au vernissage de l’exposition « Smart Land » organisée par WAAO, centre d’architecture et d’urbanisme (WAAO pour le ridicule acronyme de « We Are Archi Open »), car nous nous élevons contre cette équation facile à comprendre : Attractivité = Béton = Pollutions = Smart city = Attractivité = Béton = le cercle infernal de l’attractivité métropolitaine qui encombre nos poumons de microparticules et nous fiche comme du bétail.

Votre « Smart Land », on n’en veut pas.
Votre « attractivité » non plus.