Lettre de l’éducation authentique

N° 115

Lettre du CREA (Cercle de Réflexion pour une ‘Éducation’ Authentique). Le CREA n’est inféodé à aucun parti, religion, philosophie, gourou, gouvernement, O.N.G. … même s’il se peut que ses idées ou ses actes coïncident ponctuellement avec certains des leurs. Le CREA ne vend rien, ne demande aucune adhésion, signature, approbation, engagement…

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L’unité des éducations

L’éducation est une action forcée et obligatoire d’une personne sur une autre.

Le terme éducation apparait vers 1500, en langues française et anglaise. Il désigne l’acte d’éduquer – du latin ducere = conduire. De 1500 à 1950, éduquer c’est d’abord nourrir, alimenter, notamment les vers à soie. Pendant 450 ans, éduquer c’est donc élever des vers à soie. Et il existe diverses méthodes pour éduquer les vers à soie. À partir de 1750, éduquer commence, en parallèle, à prendre un autre sens, celui de « diriger la formation de quelqu’un » – sens qui ne se généralisera que bien plus tardivement, au XIXe siècle. En 1880, les lois instituant l’école ne parlent que d’instruction et non d’éducation (terme encore considéré, à cette époque, comme trop « populaire »). Il faudra attendre 1932 pour que le ministère de l’Instruction publique devienne le ministère de l’Éducation nationale. Dès 1900, les méthodes pour éduquer des enfants commencent à se diversifier. Face à une méthode dite « frontale » – « Qu’un même livre, un même maître, une même leçon, une même correction servent à tous » – s’élèvent rapidement des écoles « nouvelles », puis « actives », « modernes » … John Hattie a analysé plus de 50 000 études portant sur les méthodes pédagogiques… et Google donne 33 300 000 résultats pour méthodes+pédagogiques. On ne peut plus compter les méthodes d’éducation. Méthodes inductives/méthodes déductives, méthodes passives/méthodes actives, méthodes traditionnelles/méthodes modernes. Pour ne citer qu’un article sur le sujet, voici « la méthode didactique ou dogmatique, la méthode expositive ou magistrale, la méthode démonstrative, la méthode historique, la méthode interrogative, la méthode de redécouverte encore appelée méthode dialoguée ou méthode d’enquête, la méthode de découverte (pédagogie du projet ou par le projet), la méthode expérimentale encore appelée méthode de résolution de problèmes (elle utilise la démarche « OHERIC »), la méthode d’observation, la méthode de clarification des valeurs, la méthode objective, l’enseignement programmé »…

Sans oublier, entre mille autres, la « méthode naturelle » : cette éducation « qui est « accessible à tous », s’ »oppose au dressage » et recommande au maitre d’ »observer les tendances innées », de « se mettre à sa place », pour qu’après, en éthologue éclairé, le maître soit en mesure d’élever correctement… ses chiots. » Car l’éducation canine, après celle des vers à soie, est encore une autre variété d’éducation, actuelle, aux innumérables facettes…

Cette éducation des vers à soie, des chiens, des enfants… est en outre soumise à la variable éducateur. En effet, la « même » méthode Freinet, par exemple, n’est pas pratiquée toujours de la même manière : elle dépend bien sûr de la personnalité de son utilisateur. Aucune méthode n’existe vraiment qui ne soit incarnée, donc différente et unique avec chaque individu. Ne serait-ce que dans le système scolaire français, on compte près d’un million de professeurs, soit près d’un million de pédagogies différentes. Et si chaque professeur évolue un peu chaque jour, la diversité des éducations devient inimaginable.

Cette diversité recouvre néanmoins un point commun à toutes les éducations. Il s’agit toujours d’une relation entre un éducateur et un éduqué, chacun ayant un statut et un rôle bien spécifiques. Si la question habituellement posée est de repérer la « meilleure » éducation – et elle semble légitime devant un tel foisonnement –, la question préalable, elle, n’est pas posée : « À quoi sert l’école si les enfants aiment apprendre ? » ou encore « Est-il besoin d’une éducation pour apprendre ? ». De la réponse à ce genre de question dépend, en toute logique, une éventuelle « meilleure éducation ».

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ÉCHOS

L’école contre (la) nature

Au début du 20e siècle, les théoriciens de l’éducation étaient assez transparents sur le fait qu’ils concevaient des écoles en vue d’adapter les enfants au nouvel ordre industriel. Ces pédagogues soutenaient que les enfants devaient perdre leur nature sauvage « primitive » et développer des manières « civilisées » telles que la ponctualité, l’obéissance, l’ordre et l’efficacité. Ces objectifs originels ont été imbriqués avec tant d’efficacité dans la structure de l’enseignement moderne – avec ses systèmes sous-jacents de confinement, de contrôle, de standardisation, d’évaluation et de poliçage – qu’ils s’accomplissent aujourd’hui sans même que nous en ayons conscience et sans notre consentement.

Nos écoles incarnent la peur que sans un contrôle constant, sans des évaluations constantes, et sans la menace constante de punitions, [les enfants] laissent libre cours à leur nature, échouent dans leur apprentissage, deviennent antisociaux, se blessent ou blessent les autres, et deviennent des adultes incompétents et démunis.

Comme toute intervention radicale sur le monde naturel, comme les barrages, les pesticides, comme les cultures d’OGM, l’institutionnalisation de masse des enfants détraque nos vies et notre planète d’une manière inattendue qui échappe à notre contrôle.

Des espèces disparaissent, notre planète se réchauffe, et sous couvert d’éduquer nos enfants pour qu’ils sauvent le monde, nous continuons à détruire leur sauvagerie, en les « socialisant » loin de la nature et dans la cage que nous avons bâtie autour de l’enfance. Nos gentils instituteurs essaient de trouver des façons de rendre cela « fun », de limiter ou tout du moins d’adoucir les dommages causés ; tels des gardiens de zoos offrant des ballons de plage aux ours polaires en captivité, ils essaient de pallier à ce qui a été perdu.

Dans beaucoup de sociétés rurales basées sur la terre, l’apprentissage n’est pas forcé : les enfants, de manière volontaire, sont censés observer, assimiler, pratiquer et maîtriser les connaissances et les compétences dont ils auront besoin une fois adultes – et c’est le cas. Au sein de ces sociétés – qui existent sur chaque continent habité – même les très jeunes enfants sont libres de choisir leurs propres actions, de jouer, d’explorer, de participer, et même de prendre des responsabilités importantes. « Apprendre » n’est pas conçu comme une activité particulière, mais comme une résultante naturelle du fait d’être vivant dans le monde.

Carol Black, auteur de Scolariser le monde, 1h05min,

https://youtu.be/D8YCBs8HbR8

Extraits d’un article de 2016, traduit par Jessica Aubin et Nicolas Casaux :

https://www.partage-le.com/2017/01/sur-la-nature-sauvage-des-enfants-scolariser-le-mo

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Liberté et action

Nos sociétés contemporaines nous laissent croire que nous sommes libres ; c’est un leurre. Nous sommes encore ferrés dans nos chaînes, y compris en Occident. Des chaînes que nous prenons pour des ailes : nous nous croyons en démocratie, nous pensons que le travail permet de nous émanciper et nous imaginons que les nouvelles technologies nous facilitent la vie. Telle est notre « novlangue » quotidienne.

La pensée unique est indifférente à la vérité. C’est sa force. Efficacité utilité, frivolité, prospérité, plaisir, épanouissement personnel, bonheur et longévité, tout cela est invoqué par cette idéologie dominante, mais la vérité presque jamais. Mais la liberté commence quand on sait que 2 et 2 font 4 et qu’on peut le dire ! p. 92

C’est pourquoi les rassemblements « anti-quelque chose » ne conduisent à rien et d’ailleurs finissent très vite par se désagréger. Les communautés fondées sur le ressentiment ou la haine de l’autre sont nécessairement ennemies de la liberté de leurs membres. C’est même le principal obstacle au développement d’un mouvement social puissant et durable aujourd’hui. Tous les mouvements sociaux revendicatifs sont des mouvements défensifs, des mouvements contre telle ou telle loi, tel ou tel gouvernement, telle ou telle régression. Il n’est pas question d’en contester la légitimité : quand on vous fait la guerre, il faut bien se défendre. Mais ce qui caractérise l’impuissance de notre époque, c’est la quasi-impossibilité de transformer la réaction en action, d’ouvrir une voie nouvelle, bref, de faire autre chose que disputer la longueur de la chaîne. p. 263 Extrait de Denis Collin, La Longueur de la chaîne, Max Milo.

Extraits (2 p.) :

http://www.education-authentique.org/uploads/PDF-DOC/CLC_Longueur_chaine_Collin.pdf

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DES FAITS

Un élève de l’ENA coûte à l’État 82 900 euros par an, alors que la dépense annuelle moyenne par étudiant équivaut en France à 11 700 euros et à 6 300 pour un élève du primaire. L’école coûte 150 milliards d’euros par an :

https://www.inegalites.fr/Ceux-que-l-on-paie-pour-etudier-enquete-sur-les-privilegies-d

Données sur « L’École de la confiance » (sic) :

education-authentique.org/uploads/PDF_DIV/Stats_EducNat_2018.pdf

La rentrée : Les journaux, les infos promettent : Ce qui a changé à la rentrée ! Mais la seule information à retenir c’est que rien ne change jamais : ni l’ennui, ni la discrimination, ni le sentiment d’exclusion et de rejet des enfants pauvres ou précaires…

education-authentique.org/uploads/PDF-DOC/ORM_La rentree_Ott.pdf

72% des enseignants français disent aux élèves qu’ils vont réussir (85% en moyenne dans l’OCDE), 65% valorisent le travail des élèves (81%) :

https://cache.media.education.gouv.fr/file/2019/05/9/depp-ni-2019-19-22-

ACTES

Fais ce que tu dois pour obtenir ou réaliser ce que tu veux.

Véronique Hébert, in Francis Dupuis-Déri (dir.), L’Anarcho-indigénisme, Lux, p. 125.

Voir également : grealavie.org, notamment et surtout la page « événements« , une occasion de rencontrer des personnes, des réflexions autour d’une alternative à l’éducation et de l’autonomie en interdépendance juste.

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C’est quoi le GRéA ? 0:39 min

https://vimeo.com/323097284/d8e020bc0c

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QUELQUES PENSEES POUSSANT A LA REFLEXION

 Les rituels de rentrée, par la promesse du nouveau, masquent tous les ratages qui ont précédé.

Laurent Ott

Tu peux choisir entre soixante-seize espèces de yaourt : c’est le choix que t’offre la puissance dominante. Mais tu peux aussi choisir … de manger moins.

Maurice Bellet, Invitation, Bayard, p. 57.

Sur les indications du diable, on créa l’école. L’enfant aime la nature : on le parqua dans des salles closes… Adolphe Ferrière 1921

Il y a deux types de personnes dans le monde : celles qui divisent le monde en deux catégories … et les autres.

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Anciennes « Lettres » et plus de précisions sur :

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et

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