
Les gens ont peur de parler
A Hénin-Beaumont, les syndicats dénoncent les attaques de la mairie RN
Steeve Briois, le maire RN de la ville du Pas-de-Calais, demande la révocation de Djelloul Kheris, secrétaire de la section SUD-Collectivités territoriales. Une manifestation de soutien était organisée lundi 17 novembre.
Avec sa haute stature, Djelloul Kheris est une figure connue à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais). Secrétaire d’un club de football local et membre du conseil d’administration de L’Escapade, une association culturelle qui a été contrainte de quitter ses locaux et a été remplacée par une structure municipale désormais maîtresse de la programmation, il est aussi employé de la ville, comme animateur en garderie.
Mais, surtout, Djelloul Kheris est secrétaire de la section SUD-Collectivités territoriales. Lundi 17 novembre, il comparaissait en conseil de discipline devant lequel la municipalité Rassemblement national (RN) d’Hénin-Beaumont devait demander sa révocation pure et simple. Elle a finalement souhaité un nouveau report de cette audience. « Sans doute parce qu’ils veulent voir le documentaire sur la bataille qu’a menée L’Escapade, et dans lequel Djelloul Kheris est interviewé, ce qu’il dit exactement, pour corser son dossier contre lui », avance un soutien au syndicaliste héninois qui a répondu à l’appel lancé à manifester, lundi matin, devant l’hôtel de ville d’Hénin-Beaumont.
Que reproche exactement la mairie d’Hénin-Beaumont à ce syndicaliste ? Interrogé par Le Monde, le maire, Steeve Briois, a répondu par écrit que « M. Kheris ne peut pas cumuler au même moment des casquettes qui poursuivent, par définition, des intérêts contradictoires (…) qui perturbaient le bon fonctionnement du service public ».
« Intimidation »
L’édile évoque également son témoignage « dans un documentaire politisé et violant allégrement ses devoirs de réserve et de neutralité ». Selon nos informations figure même dans le dossier constitué par les équipes de la ville un mail envoyé depuis sa boîte professionnelle et concernant le club de foot où il assure des fonctions bénévoles. On l’accuse également d’avoir évoqué avec des agents municipaux mis à disposition de L’Escapade, alors en plein conflit avec la ville, des faits de harcèlement reprochés à son directeur.
De « simples prétextes », balayent les soutiens de Djelloul Kheris, pour qui « ce qui se joue, c’est la liberté syndicale et d’expression dans une municipalité dirigée par le RN où il vaut mieux se taire si on ne veut pas avoir d’histoires », assure Olivier Treneul, responsable SUD pour les agents du département du Nord. « Je dérange, parce que je refuse d’être un syndicaliste silencieux ou décoratif. Ce qui gêne, ce ne sont pas mes engagements associatifs, mais d’être syndicaliste SUD. Ma convocation devant le conseil de discipline, c’est un message envoyé à tous les autres, mais je ne me tairai pas ! », assure Djelloul Kheris, qui a pris la parole devant quelque 200 personnes, principalement des syndicalistes, certains venus de toute la France manifester dans cette ville, conquise par le RN en 2014 et où Marine Le Pen fut élue municipale.
Au milieu des drapeaux aux couleurs des syndicats et des silhouettes enveloppées de gilets floqués, quelques manifestants se font plus discrets. Ceux-là sont héninois et n’ont pas envie d’être la cible des attaques de la majorité municipalité. « Elles sont d’une violence incroyable », glisse l’un d’eux, qui renvoie à « des publications dans le bulletin municipal et à certaines sur le compte Facebook du maire ». Il fait notamment référence à l’une d’entre elles, remontant au mois d’avril, où Steeve Briois qualifie des manifestants de « cloportes » et cite notamment, parmi eux, plusieurs personnes dont Djelloul Kheris « du syndicat SUD qui, entre quatre grèves, a dû trouver pénible et fatigant de devoir porter un drapeau ».
« Omerta »
Parmi ceux qui préfèrent rester discrets, cet homme qui se fait appeler Henry, un ancien employé municipal qui « a réussi à partir dans une autre collectivité » : « C’était franchement irrespirable. L’impression d’être toujours dans des règlements de comptes. » Aujourd’hui retraité, il dit avoir gardé des contacts parmi le personnel municipal, « mais c’est l’omerta, pour être tranquille ». « Et, franchement, je peux comprendre », commente-t-il.
Présente à la manifestation, la secrétaire nationale des Ecologistes, Marine Tondelier, qui siège dans l’opposition à Hénin-Beaumont, estime : « Les méthodes d’intimidation, ici, c’est un vrai sujet, et ce n’est pas une nouveauté. Des cadres ont réussi à partir, mais pour des employés de catégorie C, c’est plus difficile. » Egalement élue d’opposition, et à la tête d’une liste divers gauche pour les élections municipales de 2026, Inès Taourit confie que « refuser le dialogue social fait partie de l’identité politique de cette municipalité ». Elle aussi parle d’« omerta qui s’est abattue sur cette ville. Les gens ont peur de parler. Dans le mode de fonctionnement de la majorité municipale, ou on est avec eux, ou on est contre eux ».
https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/11/17/a-henin-beaumont-les-syndicats-de
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» Vous êtes des talibans » : quand le maire d’Hénin-Beaumont Steeve Briois « dérape »
Les conseils municipaux à Hénin-Beaumont sont souvent l’occasion de joutes verbales à la limite du raisonnable. Mais mardi matin, un échange entre le maire Steeve Briois et l’opposante Marine Tondelier a dérapé. L’édile a comparé ses opposantes (Mmes Tondelier et Taourit) à des « talibans ». Le début du conseil municipal était plutôt calme. Puis le ton est monté lors de la délibération concernant la crèche héninoise.
Tout avançait sans trop de tensions jusqu’au point n° 16 à l’ordre du jour du conseil municipal héninois, ce mardi matin. Là, arrive la question du renouvellement de la délégation de service public (DSP) de la crèche héninoise que la majorité Rassemblement national avait décidé de privatiser en 2021.
Chacun avait pu exposer ses arguments (l’adjoint Gérard Moisan, les opposantes divers gauche Marine Tondelier et Inès Taourit et l’opposant divers Patrick Piret) et au bout d’une vingtaine de minutes de débat, c’est au tour du maire Steeve Briois de prendre la parole. Au bout d’un peu plus d’une minute, le ton monte.
« Sectarisme », « dangereuse extrémiste » (à destination de Mme Tondelier), « vous êtes une Tondelier en pire, l’hypocrisie en plus » (envers Mme Taourit), « qu’est-ce que vous êtes méchant », « vous êtes vulgaire, outrancier » (de Mme Tondelier envers M. le maire). Petite période plus calme.
Une action en justice ?
Puis… « Vous êtes des talibans ». Le maire d’extrême droite persiste en répétant la phrase à, au moins, quatre reprises – le débat est extrêmement cacophonique –, comparant ainsi les deux opposantes héninoises à des fondamentalistes islamiques qui dirigent l’Afghanistan depuis 2021 et où la place de la femme est réduite à néant. « Vous êtes des Khmers verts qui ne supportent rien », rajoute M. Briois.
« Eh bien écoutez Monsieur Briois, on en répondra en justice. Ça suffit maintenant », hurle Marine Tondelier. « Allez-y (…) À votre place, j’irais consulter », répond tout aussi fort le maire. Contactée ce mercredi, Mme Tondelier assure « que, dans aucune ville de France, un maire ne se permettrait cela. Je demande au préfet de réagir ». Dans un mail envoyé à la rédaction, le maire héninois maintient ses dires : « J’assume totalement mes propos qui ne sont rien par rapport à ce que dit et écrit l’opposition à notre égard. »
De son côté, Mme Taourit – qui ne savait pas encore si elle saisira la justice – a jugé les propos du maire « violents et édifiants. Le maire a totalement dérapé alors qu’il parle souvent d’exemplarité ». Sur Facebook, l’opposant Patrick Piret y est aussi allé de son commentaire : « Les propos injurieux (du maire Steeve) Briois (sont) indignes de ce que l’on est en droit d’attendre de la part d’un élu de la République ». Contrairement à l’usage, sur la page Facebook de la ville, la vidéo du conseil municipal n’est plus disponible ce mercredi.
En novembre 2024, les élus héninois avaient voté une motion proposant d’apaiser le climat politique local. Un groupe de travail s’était réuni le 24 février entre le maire, le président du groupe RN Christopher Szczurek et l’opposante Inès Taourit. Aucune autre réunion n’a eu lieu par la suite. Et les insultes (amplifiées) sont donc revenues dans l’arène du conseil municipal.
https://www.lavoixdunord.fr/1647863/article/2025-11-19/vous-etes-des-talibans-quand-le-maire
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Commentaire reçu
La VDN s’intéresse à la politique spectacle, sans développer (dans cet article) les arguments concernant la gestion de cette crèche privatisée par le RN, et qui a conduit apparemment à ces invectives.