
Le documentaire a été réalisé le 05 novembre
Il sera diffusé en intégralité le 3 décembre à 23h20 sur France 3. Nous vous invitons vivement à le visionner pour mieux comprendre les enjeux de notre territoire et l’importance de la mobilisation citoyenne.
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« Personne ne m’avait dit que Metaleurop polluait autant » : contamination au plomb, quand les habitants se mobilisent pour porter leurs droits
Depuis des décennies, les riverains installés à proximité des anciens sites Exide et Metaleurop se battent pour comprendre la pollution au plomb qui ronge leurs sols et s’attaque à leur santé. Deux sites industriels du Nord et du Pas-de-Calais, deux scandales sanitaires et écologiques racontés du point de vue des habitants dans un nouvel épisode d’Enquêtes de Région, diffusé le 3 décembre 2025 à 23h25
Metaleurop et Exide Technologies. Deux noms qui résonnent sombrement chez les habitants du Bassin minier et de la métropole de Lille. Pendant un siècle, ces deux sites industriels du Pas-de-Calais et du Nord, respectivement installés à Évin-Malmaison et à Lille Sud, ont rejeté des déchets toxiques. Une pollution aux métaux lourds qui a empoisonné les sols pour des centaines d’années, et qui continue de se disperser dans la terre et les eaux environnantes.
Pourtant, Metaleurop, la plus grande fonderie d’Europe, a cessé son activité en 2003. Exide a quant à elle mis la clé sous la porte il y a peu, suite à une annonce formulée le 18 juin 2025. Mais dans les deux cas, ces sites emblématiques du patrimoine industriel nordiste ont participé à deux scandales sanitaires parmi les plus importants du XXIe siècle.
Des années passées sans savoir
Derrière cette pollution au plomb, des effets plus qu’indésirables ont été enregistrés chez les milliers de riverains installés sur ces zones polluées. Là, se trouvait pourtant le rêve de tout un chacun : une maison avec un petit bout de jardin pour cultiver la terre. Un eldorado qui a fini par trahir ces habitants en quête de nature.
En s’installant dans cette maisonnette d’Évin-Malmaison située à quelques centaines de mètres de Metaleurop, Bruno Adolphi espérait pouvoir cultiver un petit coin de verdure. Mais deux ans après son installation, la préfecture du Pas-de-Calais édite un PIG, un projet d’intérêt général, que l’on peut traduire par « un périmètre de sol pollué« . La maison de Bruno est juste dedans.
« Je connaissais l’usine, mais personne ne m’avait jamais dit qu’elle polluait autant. Quand on s’en est rendu compte, personne ne nous a dit qu’il fallait arrêter de cultiver« , déplore-t-il, amer.
Moi, j’adorais jardiner. Alors j’ai tout de suite fait réaliser des analyses médicales à mes deux enfants, pour tester la plombémie. Heureusement mes enfants n’étaient pas atteints de saturnisme.
Bruno, habitant d’Évin
Bruno adhère alors à un premier comité de défense des riverains qui porte le sujet aux yeux de la justice. En 2006, le tribunal de Béthune reconnaît une infraction pénale de l’industriel pour trois enfants atteints de saturnisme, une maladie qui provoque des troubles du langage, du comportement, de l’apprentissage et des retards moteurs ou de croissance chez l’enfant.
En 2012, de nouvelles analyses sont faites dans les potagers et deux ans plus tard, un nouveau PIG est rédigé. Cette fois, le périmètre comprend deux zones, celle dont le sol contient entre 500 et 1000 mg de plomb par kilogramme de terre, et celle dépassant les 1000 mg.
Des recommandations sont alors éditées, comme éviter de laisser jouer ses enfants dehors et de faire un potager. Mais cela fait plusieurs décennies que les habitants se sont installés dans ces maisons.
Marc, résident d’Évin-Malmaison, est sûr d’une chose : « Il y a eu une faute de l’État dans la reconnaissance de cette pollution qui dure depuis plus d’une centaine d’années… Les contrôles n’ont pas été effectués correctement. Ou pas assez souvent ou on était trop laxiste. Il y avait des rejets de polluants directs dans le canal et il a fallu attendre 1988 pour qu’on se décide à installer une station d’épuration.«
Beaucoup de questions qui restent sans réponse
Autre jardin, autre pollution au plomb. Cette fois près de l’usine Exide à Faches-Thumesnil. Anne est propriétaire depuis 2001. En 2014, elle a accepté des prélèvements de terre dont elle n’a pas eu de nouvelles, jusqu’à ce qu’elle réceptionne un courrier recommandé de la préfecture, le 5 mars 2022 : un projet d’arrêté préfectoral instituant des servitudes d’utilité publique, dont un listing de parcelles de terre où figure sa propriété et un plan du fameux périmètre de contamination.
Dans la rue, les voisins s’interpellent. Certains sont dans la zone, d’autres, situés juste à côté, ne le sont pas. Pourquoi ? Et pourquoi un seuil de 500 mg/m2, alors que l’ARS (Agence régionale de santé) pointe un danger dès 300 mg/m2 ? Dans la plus grande opacité, les 26 parcelles les plus polluées ont été décapées, leurs terres ont été remplacées. Pour les autres, les autorités proposent des bacs à fleurs.
Une mauvaise blague pour les habitants du périmètre. « On vous avertit que la situation est comme elle est. Que maintenant, c’est à vous de gérer ça en tant que riverain. Débrouillez-vous, c’est votre problème« , fustige Abderazag, l’un des voisins d’Anne. Les habitants du quartier ont donc créé l’association APRÈS !, avec une mission : lever l’opacité et informer les riverains. Depuis trois ans, ils ont mené d’autres tests qui montrent une pollution bien au-delà de la zone définie par les autorités.
Ils ne peuvent plus nous raconter d’histoires maintenant. On est suffisamment connaisseurs pour ne pas être mené en bateau. Abderazag, habitant de Faches-Thumesnil
Des effets rapides sur la santé des riverains
Un nouveau rapport de force qui permet de bouger les lignes, comme ce documentaire sur Metaleurop, diffusé en 2022, qui révèle des taux 6,23 fois au-dessus des niveaux naturels de plomb. Pour la collection Vert de rage sur France 5, le journaliste Martin Boudeaud révèle des contaminations alarmantes jusque dans les cheveux des enfants. Un déclencheur qui pousse l’ARS à ancer une campagne de dépistage du saturnisme. Toufik fait tester ses enfants. Son fils de cinq ans est atteint de saturnisme. Sa fille aînée doit être surveillée.
« Il y a d’autres personnes qui vont, dans un futur proche ou plus lointain, venir s’installer dans les environs avec leurs enfants. Mon devoir, c’est de les informer« , explique le jeune papa, qui a porté plainte contre X pour non-assistance à personne en péril.
À l’association Pige, qui défend des riverains à Évin, la question de la santé des habitants est centrale. Ses membres s’interrogent, mais trouvent peu de réponses. Et les effets vont au-delà du saturnisme. Malika, elle, a perdu sa fille d’un cancer de l’estomac.
Aucune enquête épidémiologique d’ampleur n’a jamais été conduite sur le territoire. Pourquoi je développe une maladie auto-immune à mon âge ? Je ne comprends pas qu’on nous demande seulement ce qu’on a mangé ou si l’on a une maladie génétique. Malika, habitante d’Évin
Le combat judiciaire continue
La reconnaissance d’un scandale sanitaire est une revendication de l’association. Ces dernières années, quelques cours d’école ont été décapées et recouvertes de terre propre, mais il reste bien du chemin à parcourir. L’État a été condamné en 2024 à indemniser 51 riverains de Metaleurop pour la perte de valeur de leur maison, mais l’entreprise a obtenu l’annulation de sa responsabilité un an plus tard. Elle reste poursuivie pour le préjudice écologique.
L’association Pige attend toujours une date d’audience. Du côté d’Exide, la bataille judiciaire n’a pas commencé, mais une plainte est dans les tuyaux. En attendant, des milliers de riverains continuent de vivre avec la sourde menace du plomb qui ronge leur jardin et leurs espaces publics.
Un article de France 3
► Pollution : mobilisations citoyennes, Exide et Metaleurop, une émission d’Enquêtes de Région à découvrir sur France 3 le 3 décembre 2025 à 23h20 et déjà sur la plateforme france.tv.