Grisou … et gaz « vert »

Deux articles dans des journaux

Dont celui de La Voix du Nord en date du 23 avril

Pour l’article dans « aujourd’hui en France » en date du 17 avril, lire la pièce jointe :

Aujourd’hui en France_grisou 220417

Voici le contenu de l’article de VdN

Et si le grisou aidait à nous libérer du gaz russe ?

A l’heure où on se demande comment se passer du gaz de Poutine, on se souvient que nos anciennes mines renferment du gaz. Longtemps connu comme le cauchemar des mineurs, le grisou est désormais exploité comme une énergie et des voix montent pour que cette ressource soit davantage captée.

Et si nous avions une partie de la solution sous nos pieds ? On ne va pas vous faire l’article sur la crise du gaz depuis que Vladimir Poutine a décidé d’attaquer l’Ukraine au mépris de toutes les règles internationales. En revanche, vous apprendrez peut-être que si les mines ont fermé dans le Nord/Pas-de-Calais, les 110 000 kilomètres de galerie continuent de renfermer du gaz. Une partie de ce grisou tant redouté quand le charbon était exploité n’a pas perdu de sa dangerosité et il reste nécessaire de la canaliser pour éviter un « effet cocotte-minute » … dixit Yann Fouant, chef de projet pour la Française de l’Énergie (FDE).

Trois sites

Pour parer à cela et assurer la sécurité, 75 sondages de décompression suivis par le BRGM permettront de laisser partir du gaz si nécessaire.

Mais ce gaz est aussi exploité. Ce n’est pas nouveau. Charbonnages de France s’en servait pour alimenter les installations quand les mines fonctionnaient. Et, depuis leur fermeture, cette ressource est extraite sur trois sites (Avion, Divion, Lourches) et utilisée en tant que gaz naturel ou transformée en électricité.

FDE a repris en 2016 la société historique Gazonor, créé en 1991, avec la volonté de développer l’exploitation. Elle a investi dans des moteurs qui permettent la conversion en électricité et elle a participé avec Dalkia au projet novateur de Béthune. « Notre gaz alimente le réseau de chaleur qui permet, avec l’incinérateur de Labeuvrière aussi pourvoyeur d’énergie, de chauffer 6 500 logements et des bâtiments publics comme l’hôtel de ville », se félicite Yann Fouan. Un gaz moins cher : chaque foyer économise en moyenne 450 € par an sur sa facture. « Notre gaz est décorrélé du prix du marché, ce qui nous permet d’être 40% moins cher que le gaz naturel avant la crise. Vous imaginez depuis … Et notre tarif est fixé pour vingt ans ». Comme il est considéré comme un gaz de déchet, la TVA qui s’y applique n’est que de 5,5% au lieu de 20%.

Enfin, dernier avantage explique FDE, cette énergie est nocive pour l’environnement si elle n’est pas captée, car le méthane est un important gaz à effet de serre.
Seul maire écologiste du bassin minier de Loos-en-Gohelle, Jean François Caron se dit d’ailleurs favorable à ce gaz de mine : « 
Certes, c’est une énergie carbonée, mais c’est une ressource fatale, c’est-à-dire que de toutes façons elle s’échappe avec les risques que cela comporte. En période de transition énergétique, je suis favorable à l’exploiter, d’autant que c’est une ressource de proximité. »

Le code minier modifié

Contrairement au gaz de couche en Lorraine, le gaz de mine ne rencontre pas d’opposition politique. Néanmoins, FDE a déposé six demandes d’autorisation d’exploitation, mais « tout est bloqué ». « En août, le code minier a été modifié pour transférer la responsabilité des anciennes mines de l’État à l’exploitant, responsabilité qu’on ne peut assumer », fulmine Y. Fouan. Plusieurs élus sont montés au créneau et en particulier le président du département du Pas-de-Calais qui a écrit à Emmanuel Macron pour que cette disposition soit supprimée. Infructueux pour l’heure, mais si cela se débloquait, que peut-on imaginer ? Les ressources sont estimées à 9 milliards de mètres cubes, ce qui correspond à un siècle de production au rythme actuel : laquelle couvre les besoins en électricité d’une ville de 70 000 habitants et les besoins en chaleur de 9 000 foyers ; sans compter une certaine quantité de gaz consommée par l’État. Loin d’être anecdotique, mais « ce n’est pas non plus le Qatar » temporise Y. Fouan.

Et du gaz vert !

Le Nord/Pas-de-Calais a l’ambition de devenir un territoire pionnier en production de biométhane, un gaz vert à réinjecter dans les réseaux actuels de gaz naturel. Cela passe par la méthanisation, un procédé biologique qui permet de dégrader les déchets verts, les rebuts de cuisine ou de potager, les déchets de l’industrie agroalimentaire, etc …

La décomposition de ces matières dégage un biogaz composé de 50 à 80 % de méthane, le reste de CO2. Avec ce biogaz, on sait faire de la chaleur et de l’électricité. Et, si on le purifie, on peut atteindre la qualité du gaz naturel classique.

GRDF, qui distribue le gaz de ville, recense 58 unités de méthanisation à ce jour, une vingtaine supplémentaire est prévue d’ici la fin de l’année. C’est une alternative phare au gaz naturel fossile avec l’espoir de 30 térawattheures par an en gaz vert en 2025, ce qui équivaut à la consommation en gaz de 500 000 logements très bien isolés. Au global, GRDF mise sur 20 % de gaz vert dans les réseaux en 2030 (6 % aujourd’hui) et 100 % en 2050. C’est rendre notre région autonome en consommation de gaz de ville d’ici trente ans.

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Une première remarque concerne l’intervention de Jean François Caron, encore maire de Loos-en-Gohelle :

« Jean François Caron se dit favorable à l’exploitation du gaz de mine ». JFC, maire écolo, était avec son parti le seul à défendre le collectif Houille-ouille-ouille quand il s’opposait à l’exploitation du gaz de couche ; contre le PS, contre le PC …

Il est vrai que c’est une nécessité de ne pas laisser le grisou (c’est à dire le gaz de mine) dans les anciennes galeries. Mais l’intervention du maire de Loos est un peu ambiguë dans la mesure où il ne redonne pas sa position sur le gaz de couche.

C’est là tout le problème. C’est là que l’article du journal régional n’est pas clair du tout et joue sur une certaine ignorance sur les ressources en question. A un moment donné, il est dit : « Contrairement au gaz de couche en Lorraine, le gaz de mine ne rencontre pas d’opposition politique ». Cela laisse supposer que l’on ne parle que du gaz de mine dans notre région. C’est démenti dans la suite de l’article : «  Les ressources sont estimées à 9 milliards de mètres cubes, ce qui correspond à un siècle de production au rythme actuel : laquelle couvre les besoins en électricité d’une ville de 70 000 habitants et les besoins en chaleur de 9 000 foyers ; sans compter une certaine quantité de gaz consommée par l’État ». Ces chiffres sont mirobolants et laissent croire qu’il y aura une production annuelle de 9 milliards de mètre-cubes de gaz de mine. C’est ce qu’espère l’entreprise FDE en voulant exploiter le gaz … de couche.

Pour rappel, le gaz de mine ou grisou est le méthane qui s’est accumulé dans les galeries quand on a exploité le charbon ; c’est un gaz très dangereux : le coup de grisou à Courrières en mars 1906 a entrainé plus de 1500 morts). Il reste encore du grisou … donc il faut l’évacuer. Le gaz de couche est aussi du méthane ; mais comme le gaz de schiste, le gaz de couche nécessite une fracturation de la roche (charbon) pour son extraction, sinon, comme en Lorraine, pas d’exploitation possible, contrairement à ce que voudrait faire croire l’entreprise.

De plus, c’est l’exploitation d’une énergie fossile et, si l’on veut lutter efficacement contre le changement climatique, il faut progressivement et définitivement rompre avec ces énergies fossiles  ; Ce n’est pas ce que veut faire FDE … sous prétexte de suppléer au manque de gaz venant de Russie. C’est évidemment contraire aux accords de la COP signés à Paris en 2015. Mais on n’est pas à une contradiction près !

Quant à la partie concernant le gaz « vert », il est question d’expliquer comment on fabrique du gaz par la méthode très discutable de récupération de toutes les sortes de déchets organiques :

https://www.francebleu.fr/infos/climat-environnement/les-dangers-de-la-methanisation-pointes-du-doigt-en-france-y-compris-dans-le-lot-1549044549

« Daniel Chateigner, professeur de physique à l’université de Caen et membre du collectif scientifique national de méthanisation raisonnée explique ce qu’est le digestat : « Il y a 80% de liquide dans lesquels vous pouvez compter l’ensemble comme étant de l’eau ammoniacale, ce qu’on utilise pour enlever les moisissures à la maison. » 

Le digestat épandu va donc avoir plusieurs conséquences selon Daniel Chateigner : « Tuer tout un tas de richesses du sol, les bactéries, les champignons, les petits insectes, vers de terre et également les abeilles puisqu’il s’évapore sous forme d’ammoniac, c’est malheureusement ce qui s’est passé dans le Lot à Gramat où il y a une usine de méthanisation. » Le site Bioquercy publie d’ailleurs sur son site internet les résultats des analyses du digestat.

Un médecin et un ingénieur du collectif scientifique national de méthanisation raisonnée ont eux aussi fait analyser des échantillons qui ont révélé la présence de métaux lourds dont certains cancérogènes comme le cadmium ».

Cette méthanisation est dangereuse lorsqu’elle fait partie d’un processus très centralisé qui dépasse les compétences d’un petit territoire. C’est d’ailleurs ce qui se passe souvent en France où démesure et centralisation ne laissent que peu de place à la paroles des habitants du territoire.
Par ailleurs, pour mieux faire passer la pilule, il est évidemment question de gaz « vert » :
parfait exemple de greenwashing !

Par ailleurs, les chiffres ne sont là que pour faire croire que l’on a une vision à long terme de ce procédé ; faire croire que l’on va être indépendant énergétiquement dans trente ans ne repose sur aucune analyse sérieuse.
C
ette même démarche trompeuse a poussé au scandale de l’EPR de Flamanville (dans la Manche). Sous prétexte d’indépendance énergétique, on a voulu construire un gros machin -par ailleurs très dangereux pour nous et les générations à venir – qui devait coûter 3 milliards d’euros et allait être mis en service en 2012. La réalité est tout autre puisque la facture -pas du tout définitive – s’élève déjà à 19 milliards et la mise en service est continuellement reportée.

Dernier petit détail montrant que l’article de VdN a été écrit trop rapidement et au « bon moment » («  On ne va pas vous faire l’article sur la crise du gaz depuis que Vladimir Poutine a décidé d’attaquer l’Ukraine au mépris de toutes les règles internationales »). il est question de 58 unités de méthanisation … alors que l’article de France Bleu écrit en février 2019 indique qu’il y a « 650 usines de méthanisation » !