
Intervention de clôture lors du rassemblement devant la gare de Lens le 25 octobre
Je prends la parole au nom du collectif Urgence Palestine bassin minier 62 à l’initiative de ce rassemblement lensois pour la Palestine. Notre collectif est composé de plusieurs organisations, de syndicats, de mouvements politiques, d’associations, de collectifs militants.
Depuis le mois de juillet, notre collectif est à l’initiative d’une manifestation mensuelle, en solidarité avec le peuple palestinien, sur la base de ces 4 objectifs partagés :
1. Stop au génocide ;
2. Contre l’apartheid ;
3. Faire pression sur la France, l’Europe, qui sont concernées, et même complices ;
4. Pour la paix et contre la guerre là comme ailleurs
Aujourd’hui, 25 octobre, il est évidemment essentiel de faire un point sur ce que valent ces objectifs, au regard des derniers développements de l’actualité, je veux parler du plan Trump pour Gaza, et du cessez-le feu en cours depuis 10 jours.
Notre 1er objectif : stop au génocide
Il est certain que l’instauration du cessez-le-feu a interrompu le génocide en cours à Gaza, et l’arrêt des massacres. Nous avons cependant conscience que tout cela reste très fragile. Ainsi, Benyamin Netanyahou a lui même reconnu qu’Israël a largué 153 tonnes de bombes sur Gaza dimanche dernier, soit à peine quelques heures après le début du cessez-le-feu. Ces largages tuant plusieurs dizaines de palestiniennes et palestiniens, dimanche et lundi.
Et puis, cet arrêt du génocide ne remet pas pour autant les compteurs à zéro. La semaine dernière, le 17 octobre, la cour pénale internationale a confirmé les mandats d’arrêt contre le Premier ministre Benyamin Netanyahou et son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, pour des crimes de guerre présumés à Gaza. Ces mandats d’arrêt avaient suscité l’indignation en Israël et aux États-Unis. Benyamin Netanyahou avait qualifié cette décision d’« antisémite ».
Ce sont autant de raisons pour que nous restions mobilisés sur ces questions : oui, il y a bien eu un génocide du peuple palestinien ; oui, Israël doit en rendre des comptes.
Notre 2ème objectif : contre l’oppression du peuple palestinien et l’apartheid
Le régime israélien a fait depuis de nombreuses années de Gaza, une prison à ciel ouvert. Le « plan Trump » n’y apporte aucune solution véritable, et le régime d’oppression et de domination imposé aux palestiniennes et aux palestiniens est maintenu.
Concernant la Cisjordanie et les territoires occupés, l’apartheid s’installe de plus belle. La confiscation des terres par des colons, les contrôles incessants aux check-points sont plus encouragés que remis en cause.
Notre 3ème objectif : faire pression sur la France, l’Europe, qui sont concernées, et même complices
Le génocide a Gaza était connu de tous. Personne ne pouvait dire qu’il ne savait pas. Les dirigeants européens avaient l’obligation de prévenir ce génocide. Et ils n’ont rien fait. L’Union européenne, qui envisage d’adopter son dix-neuvième paquet de sanctions contre la Russie pour la punir de son invasion de l’Ukraine, n’a pas pris la moindre mesure de rétorsion contre Israël. L’Union européenne est pourtant le premier partenaire commercial d’Israël, et son deuxième pourvoyeur d’armes. En France, des manifestations pacifiques, des conférences ou encore des meetings de soutien à Gaza ont été interdits. Emmanuel Macron, à la tribune de l’ONU, en préambule de la reconnaissance tardive de la Palestine déclare : « Le temps est venu d’arrêter la guerre, les bombardements à Gaza, les massacres et les populations en fuite ». Mais il prend bien soin d’épargner à Israël toute menace de sanctions, et évite bien de préciser quelles frontières seraient reconnues.
Il nous paraît alors tout à fait logique de continuer à nous mobiliser pour exiger des gouvernements français et européens l’arrêt immédiat de tout soutien à Israël.
Notre 4ème objectif : pour la paix et contre la guerre
Si la guerre cesse, ce qui n’est pas encore acquis, en pratique, est-ce pour autant la paix ? En tous cas, quelle vie peuvent avoir les palestiniennes et palestiniens dans un territoire anéanti ? La société palestinienne est dévastée.
Des milliers d’enfants sont mutilés.
Un plan de paix durable se doit de se préoccuper de ces questions. Plus globalement, il n’y aura pas de paix durable sans que soit abordée la « question palestinienne », ce que nombre de gouvernements en particulier en Europe ou aux États-unis veulent oublier et faire oublier.
Au delà de ces 4 objectifs…
Et puis, il faut bien le reconnaître, si le génocide s’est arrêté, d’autres considérations nous préoccupent.
1. la reconnaissance de la Palestine en tant qu’État a progressé, ce qui signifie en autres la reconnaissance que les Palestiniens forment un peuple. Cependant, force est de constater qu’en Israël, au contraire, la volonté de conquérir et d’administrer l’ensemble de la Palestine du mandat britannique (de la Méditerranée au Jourdain) reçoit une approbation majoritaire avec comme conséquence, la suppression des palestiniens en tant que peuple
2. nous réaffirmons notre exigence de voir respecter le droit international ; pour le peuple palestinien, cela signifie notamment l’arrêt de la colonisation et le retour des réfugiés
3. enfin, il ne peut y avoir de paix solide sans représentation reconnue du peuple palestinien. La libération de Marwan Barghouti (qui pourrait s’imposer à l’ensemble des organisations palestiniennes) est plus que jamais d’actualité.
En guise de conclusion
Plus que jamais le peuple palestinien a besoin d’une forte solidarité internationale . C’est le sens que nous entendons donner à toutes les initiatives que notre collectif et l’ensemble des organisations qui le constituent se proposent de continuer à mettre en oeuvre.
Notre prochaine rencontre collective est prévue le 28 octobre à 18h00 au Toit Commun. Nous ne manquerons pas de nous projeter dans de nouvelles actions, de nouvelles luttes, pour la reconnaissance des droits des palestiniens.
Merci, bonne continuation et à bientôt !
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Ce cessez-le-feu qui n’en est pas un
Alors qu’Israël a déclenché des attaques massives sur Gaza ces deux derniers jours, le mépris de son engagement dans l’accord de « paix » conclu à Charm el-Cheikh n’est plus à démontrer.
Israël a violé l’accord de cessez-le-feu plus de 80 fois au cours des dix derniers jours, soit depuis que ledit cessez-le-feu est, officiellement, en vigueur. Avec une nette accélération des attaques depuis hier, la durabilité de la trêve semble plus que jamais illusoire.
Au moins 97 Palestinien-nes ont été assassiné-es par Israël depuis le début du « cessez-le-feu », un bilan provisoire qui pourrait s’alourdir à mesure que des corps sont extraits des décombres des bâtiments effondrés.
Quel cessez-le-feu ?
« Ces violations vont des tirs directs contre des civils aux bombardements et attaques délibérés, en passant par le recours simultané à des frappes aériennes et l’arrestation d’un certain nombre de civils », indique aujourd’hui un communiqué du bureau des médias de Gaza. « Ces pratiques reflètent l’approche agressive persistante de l’occupant, sa volonté manifeste d’escalade sur le terrain et sa soif constante de sang et de mort. »
La première de ces violations a eu lieu presque immédiatement après l’entrée en vigueur de la trêve. À 10 heures, heure locale, le 11 octobre, des coups de feu ont été tirés depuis des véhicules israéliens stationnés à Khan Younis, tuant un Palestinien. Plusieurs coups de feu ont été signalés plus tard dans l’après-midi et dans la soirée du même jour, l’armée ayant tiré depuis des véhicules militaires et des quadricoptères.
Vendredi 17 octobre, l’armée israélienne a tiré sur un véhicule civil, tuant 11 membres de la famille Abu Shaaban dans le quartier de Zeitoun. Sept enfants et trois femmes se trouvaient dans la voiture – la famille tentait de rejoindre son domicile.
Hier, dimanche 19 octobre, Israël a fermé les points de passage censés permettre l’entrée de l’aide humanitaire, avant de mener une série d’attaques aériennes, larguant 153 onnes de bombes sur Gaza et assassinant au moins 45 de personnes.
« J’ai senti mon cœur se serrer, j’ai senti que le cessez-le-feu était rompu », a déclaré Abu Abdallah, un homme d’affaires de la ville de Gaza, à l’agence de presse Reuters. « Ce qui s’est passé hier a poussé les gens à se ruer pour acheter de la nourriture, les commerçants cupides ont augmenté les prix ; l’accord semble si fragile. »
Lundi, après avoir déclaré qu’il respecterait à nouveau l’accord, Israël a tué plusieurs Palestiniens dans le quartier de Shujayea, au nord de Gaza, affirmant qu’ils « représentaient une menace » pour les soldats israéliens après avoir franchi la « ligne jaune » non marquée derrière laquelle l’armée israélienne s’était retirée.
Si deux points de passage ont pu rouvrir aujourd’hui, le point de passage de Rafah, à la frontière entre Gaza et l’Égypte, reste fermé, empêchant non seulement l’entrée de l’aide humanitaire, mais aussi l’évacuation médicale des Palestiniens blessés et malades.
La faute rejetée sur le Hamas
L’armée israélienne affirme, malgré tout, que le « cessez-le-feu » est encore en vigueur, et prétend que ses bombardements hier étaient une « riposte » à un attaque contre ses soldat-es dans les environs de Rafah.
La branche armée du Hamas, les Brigades Qassam, a déclaré ne pas avoir connaissance d’affrontements, soulignant qu’Israël contrôle la zone de Rafah et que les Brigades n’avaient aucun contact avec les combattants palestiniens à Rafah.
« Les faits sur le terrain révèlent exactement le contraire », explique un communiqué, « car ce sont les autorités d’occupation qui ont formé, armé et financé les gangs criminels qui ont commis des meurtres, des enlèvements, des vols de camions d’aide humanitaire et des agressions contre des civils palestiniens. Ils ont ouvertement admis leurs crimes dans les médias et dans des clips vidéo, confirmant l’implication de l’occupation dans la propagation du chaos et la perturbation de la sécurité »
Israël accuse également le Hamas de tarder à restituer les corps de 28 prisonniers tués lors du bombardement israélien de Gaza, quand le groupe affirme depuis la signature de l’accord avoir besoin d’équipements de terrassement lourds pour pouvoir fouiller et retrouver tous les corps des prisonniers, ainsi que ceux d’environ 10 000 Palestinien-nes qui auraient péri sous les décombres des bombardements israéliens.
La rhétorique de la « faute du Hamas » est systématiquement employée par Israël pour justifier son génocide à Gaza, qui a fait au moins 68 216 mort-es depuis le 7 octobre 2023.
De son côté, le président états-unien Donald Trump a déclaré que le cessez-le-feu était toujours en vigueur, réaffirmant que les responsables américains veilleraient à ce que la situation reste « très pacifique ».
« Ce n’est pas la paix »
Aujourd’hui, des médias français affirment que le cessez-le-feu « reprend » après une journée sanglante. Mais si le cessez-le-feu peut être mis sur pause à tout moment par Israël, peut-on vraiment l’appeler ainsi ?
L’« accord Trump » sur Gaza, « ce n’est pas la paix, loin de là », analyse l’écrivain et chercheur Majed Abusalama. « Alors que les demandes de démilitarisation des groupes de résistance palestiniens, y compris le Hamas, résonnent haut et fort, aucun appel parallèle n’a été lancé pour sanctionner Israël, mettre fin à l’aide militaire à Tel-Aviv ou démilitariser l’État. »
Le déséquilibre est évident dans l’accord conclu : pas de garantie pour l’autodétermination des Palestinien-nes, pas d’engagement pour Israël. Un situation proche de celle observée au sud Liban depuis un an : un cessez-le-feu qui n’a de paix que le nom, puisqu’il n’empêche pas Israël de poursuivre ses opérations militaires et attaques aériennes répétées. Tel-Aviv a violé cet accord plus de 4 500 fois depuis novembre 2024. Selon les données officielles, au moins 276 personnes ont été assassiné-es par Israël lors de ces attaques.
Depuis le début de sa guerre génocidaire à Gaza, Israël n’a de cesse de saboter les négociations de cessez-le-feu, revenant sur chaque acquis et rejetant la faute sur le Hamas, dans un faux-semblant de dialogue.
Il faut rappeler cependant que cet accord a été arraché par la mobilisation internationale qui a fait pression sur les dirigeants, et les militant-es dénoncent que cet accord ne serait qu’une diversion. « Où sont les ministres et les chefs d’État qui célébraient la ‘paix’ la semaine dernière ? », demande aujourd’hui la rapporteuse des droits à l’ONU Francesca Albanese sur son compte X.
Agence Média Palestine, le 20 octobre 2025
https://agencemediapalestine.fr/blog/2025/10/20/ce-cessez-le-feu-qui-nen-est-pas-un/
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