André Gorz

Pour une pensée de l’écosocialisme ; un livre de Françoise Gollain et André Gorz ; édition le passager clandestin ; 8 €

Figure emblématique de l’écologie politique, André Gorz prôna, dès les années 1960, un humanisme « qui reconnaisse un lien organique entre les vivants, les écosystèmes, l’histoire et les sociétés ». Il appelait de ses vœux une société où « travailler moins et consommer moins à condition de vivre autrement ». Gorz fut l’un des premiers à s’interroger sur le contrôle et les fins de la production : que produit-on ? Comment ? Pour quel usage ? À quel prix ? Précurseur de la décroissance, il nous invite aussi à cesser de nous comporter en consommateurs irresponsables. À l’heure où les notions de « travail » et de « richesses » sont au cœur de la crise, ses propositions sont plus actuelles que jamais : distribution égale des ressources, réduction drastique du temps travaillé, revenu garanti à tous, réappropriation des savoir-faire, de la convivialité et de l’autonomie dans la définition des besoins…
À la gestion technocratique de l’environnement que nous promet le « développement durable », Gorz opposait un écosocialisme, alliant justice sociale et respect du milieu, et fondé sur l’idée de « décroissance productive » contre la « croissance destructrice » capitaliste qui anéantit notre planète. » La promesse de Gorz, c’est un projet d’émancipation individuelle et collective et une invitation à sortir de la religion de l’économie et de la technoscience.
L’ouvrage offre à la fois une présentation très claire des concepts de Gorz par Françoise Gollain, et un accès direct à l’œuvre de Gorz avec un ensemble de textes extraits de Adieux au prolétariat, Les chemins du paradis, Ecologica, L’immatériel, Misères du présent, richesse du possible.

**************             ***********

Lire un extrait :

Critique social influent et penseur de l’écologie radicale en France, théoricien de la société post-industrielle, André Gorz (1923-2007) est cependant d’abord et avant tout un philosophe. Parti de Sartre, il a ensuite, comme son ami Herbert Marcuse, puisé dans un dialogue ininterrompu sur cinquante années avec Marx afin de proposer des analyses fines de la dynamique et des mutations d’un mode de production spécifique : le capitalisme. Contre la tradition marxiste dominante et de nombreux écrits de Marx lui-même d’une part, et contre une écologie entretenant le statu quo d’autre part, il a voulu s’inspirer du Marx humaniste, antiproductiviste et libertaire, penseur de l’avènement d’une société de l’association. C’est à la suite de ce Marx-là qu’il a justifié son propre refus de faire de l’illimitation des forces productives, du travail salarié comme de la consommation, les moyens de l’épanouissement humain.

Car le projet gorzien se définit comme un projet d’émancipation individuelle et collective :

« Si on prolonge la tendance actuelle, le PIB mondial sera multiplié par un facteur 3 ou 4 d’ici à l’an 2050. Or, selon le rapport du Conseil sur le climat de l’ONU, les émissions de CO2 devront diminuer de 85 % jusqu’à cette date pour limiter le réchauffement climatique à 2 °C au maximum. Au-delà de 2 °C, les conséquences seront irréversibles et non maîtrisables. La décroissance est donc un impératif de survie. Mais elle suppose une autre économie, un autre style de vie, une autre civilisation, d’autres rapports sociaux. En leur absence, l’effondrement ne pourrait être évité qu’à force de restrictions, rationnements, allocations autoritaires de ressources caractéristiques d’une économie de guerre. La sortie du capitalisme aura donc lieu d’une façon ou d’une autre, civilisée ou barbare. »

Une sortie civilisée vers une société libérée impliquait pour lui, comme il le rappelle dans ce même texte, « l’unité rétablie du sujet de la production et du sujet de la consommation et donc l’autonomie retrouvée dans la définition de nos besoins et de leur mode de satisfaction ».

C’est très certainement dans cette ré-articulation fructueuse de la question de la production et de la consommation que consiste sa contribution la plus précieuse à une réflexion sur le projet de la décroissance. Nous suivrons donc ce fil conducteur pour explorer sa réflexion sur les besoins, sa conception de l’écologie ainsi que sa critique radicale du travail et, enfin, sa conception d’une sortie du capitalisme.

**********           **************

Une analyse de F. Flipo en pièce jointe :

Philosophie Emancipation