Cinq idées reçues sur le gaz fossile

Tout comme le pétrole et le charbon, le gaz est une énergie fossile.

Même s’il est désigné comme « naturel », le gaz est dangereux pour plusieurs raisons. À l’occasion de la publication d’un nouveau rapport, nous dressons le panorama des idées reçues sur ce supposé eldorado qui n’est rien d’autre qu’une illusion.

N°1 : Le gaz est moins néfaste pour le climat que le pétrole ou le charbon

Au même titre que le pétrole et le charbon, le gaz émet du CO2 à la combustion. Mais surtout, le gaz fossile est composé de méthane (CH4), un gaz à effet de serre 84 fois plus puissant que le CO2 sur 20 ans. Or, ce méthane fuit tout au long de la chaîne d’approvisionnement.

Souvenons-nous des images spectaculaires des fuites des gazoducs Nord Stream… Si cette fuite impressionnante avait été fortement médiatisée, la plupart des fuites sont invisibles. Les fuites sont largement sous-évaluées : selon des données satellites, elles seraient 30 % supérieures à ce qui est déclaré.

L’impact climatique des fuites de méthane dépend de la méthode d’extraction et de transport :

  • La fracturation hydraulique est la méthode d’extraction la plus nocive pour l’environnement. En effet, ce procédé, visant à extraire le gaz de schiste, provoque davantage de fuites de méthane que les méthodes plus conventionnelles. La fracturation hydraulique est d’ailleurs interdite en France depuis 2011.
  • Le gaz peut être transporté soit sous forme gazeuse par gazoduc, soit sous forme liquide par bateau, auquel cas le gaz doit préalablement être refroidi à -161°C. Ce gaz transporté par bateau (« gaz naturel liquéfié ») a un impact climatique plus puissant, puisque les étapes de liquéfaction et de regazéification nécessitent énormément d’énergie. Par ailleurs, le transport par bateau se fait sur de plus longues distances que le transport par gazoducs, ce qui augmente considérablement le risque de fuites de méthane.

N°2 : Le gaz est compatible avec le respect des droits humains

Même si les États et entreprises s’obstinent à affirmer que le développement de projets gaziers est bénéfique aux pays producteurs, ces discours cachent une tout autre réalité.

En effet, dans les pays où la population a un accès limité à l’énergie, les projets d’extraction gazière ne constituent en rien une solution au problème. Bien au contraire : les bénéfices économiques de ces projets sont massivement captés par les entreprises exploitantes, qui, à l’aide de montages fiscaux complexes, s’arrangent pour reverser le moins possible aux pays dans lesquels se trouvent les sites d’extraction.

Pire, les projets d’extraction gazière se font au prix de graves violations des droits humains, et ce dans tous les pays producteurs. Dans chaque cas, on observe plusieurs, voire toutes les méthodes suivantes :

  • Expropriations et déplacements de populations pour construire les infrastructures d’extraction du gaz,
  • Privation des moyens de subsistance (agriculture, pêche…), avec de lourds impacts sur l’économie locale,
  • Sous-estimation des compensations financières versées aux populations locales et retard des paiements,
  • Impacts disproportionnés sur les communautés pauvres et/ou racisées, comme aux États-Unis où les projets gaziers impactent tout particulièrement les Premières Nations (voir la mobilisation de la tribu Carrizo Comecrudo contre le projet gazier Rio Grande LNG au Texas).

La mainmise de multinationales des pays du Nord sur l’exploitation des ressources gazières de certains pays du Sud bloque le développement économique et démocratique de ces pays, en alimentant des schémas de corruption et en faisant le jeu de régimes autoritaires.

N°3 : Le gaz est sans risques pour la santé

La phase amont, lors de l’extraction

L’ampleur des impacts de l’extraction gazière sur la santé dépend notamment de la méthode d’extraction. Par exemple, pour extraire le gaz de certains types de roches dans lesquelles il est enfoui, il faut fissurer la roche à l’aide de la technique de « fracturation hydraulique », qui consiste à injecter un liquide à très forte pression. Ce liquide de fracturation, composé en partie de produits chimiques, pollue l’eau des nappes souterraines et peut causer, pour les populations vivant près des sites d’extraction, des cancers, des problèmes respiratoires et cardiaques, mais aussi des pathologies mentales et des malformations ou naissances prématurées.

Par ailleurs, la combustion à la torche (appelée « torchage ») des gaz associés à l’extraction de pétrole et de gaz a un lourd impact sur la santé des communautés riveraines. En raison de la libération de différents polluants (CO2, monoxyde de carbone, dioxyde de soufre, particules fines…) lors du torchage, les enfants vivant à proximité d’une torchère sont surexposés aux maladies et aux fièvres. De l’autre côté de l’Atlantique, le torchage exacerbe l’asthme des enfants et cause des centaines de morts prématurées. Là encore, le gaz impacte davantage les communautés pauvres ou racisées : plus d’un million d’Afro-Américain·es vivent dans des régions où le risque de cancer est particulièrement accru en raison des gaz toxiques émis par les infrastructures d’extraction gazière.

La phase aval, lors de l’utilisation domestique

Les cuisinières à gaz sont une cause majeure de pollution de l’air à l’intérieur des logements, et sont donc synonymes d’importants risques pour la santé respiratoire. Ainsi, un enfant vivant dans un logement qui possède une cuisinière à gaz est aussi exposé à des problèmes d’asthme qu’un enfant vivant dans un environnement avec de la fumée de cigarette. En France, on estime que 150 000 enfants ont des problèmes d’asthme à cause d’une cuisinière à gaz dans le logement. En plus de polluer l’air intérieur, les chaudières à gaz polluent également l’air extérieur. Par exemple, à Londres, la combustion de gaz dans les habitations et les entreprises est responsable de près d’un cinquième des émissions d’oxyde d’azote.

N°4 : Le gaz est une énergie abordable

En 2022, la France a déboursé 46,7 milliards d’euros pour importer du gaz. C’est 3,4 fois plus qu’en 2021 !

La place qu’occupe le gaz dans notre quotidien est colossale. Sans nous en rendre compte, nous en consommons en permanence. Le gaz étant nécessaire à la production d’engrais et de plastique, lorsque le prix du gaz augmente, c’est toute la chaîne de valeur qui s’en retrouve lourdement impactée. Qui dit hausse des prix du gaz dit hausse des prix des transports, mais aussi hausse des prix de l’électricité et donc du chauffage, hausse des prix des engrais et donc de nos aliments, hausse des prix de la production de plastique et donc des prix des biens…

En clair, continuer de consommer du gaz, c’est s’enfermer dans une dépendance qui nous rend très vulnérables aux évènements géopolitiques. Ce phénomène nous a frappé de plein fouet après le début de la guerre en Ukraine. Alors que les prix du gaz grimpaient en flèche, nos factures ont vu les prix s’envoler. Pendant ce temps, Total engrangeait un bénéfice net de 36,2 milliards de dollars sur l’année 2022…

N°5 : Il est nécessaire d’augmenter nos infrastructures d’importation de gaz

Les importations de gaz, la clé d’une dangereuse dépendance

La France importe 98% du gaz fossile qu’elle consomme. La politique française de soutien au gaz fossile crée une dépendance que l’on paie très cher. En plus des impacts économiques décrits plus hauts, cette dépendance nous lie à des régimes autoritaires coupables de violations de droits humains, qui peuvent utiliser le gaz fossile comme arme géopolitique. Par exemple, en important du gaz russe, la France participe activement à financer le régime autoritaire de Poutine et l’agression russe en Ukraine !

Cette situation se vérifie également avec le Qatar. En effet, nos importations croissantes de gaz qatari nous font dépendre de plus en plus de ce pays dans lequel de nombreuses violations des droits humains sont documentées, et qui cherche déjà à exercer une forte influence sur l’Europe.

Par ailleurs, suite à l’invasion russe de l’Ukraine et pour tenter de moins dépendre du gaz russe, l’Europe a misé gros sur les importations de gaz américain (dont 87% est du gaz de schiste extrait par fracturation hydraulique). Si les États-Unis sont actuellement un allié proche de l’État français, cette dépendance au gaz américain pourrait nous coûter très cher en cas de changement politique radical comme une réélection de Donald Trump… Plus nous consommons de gaz, plus nous devons en importer, moins nous avons la maîtrise des chaînes d’approvisionnement, et plus les ménages français sont vulnérables face à l’instabilité géopolitique internationale (guerres, tensions internationales, incidents techniques…). Ainsi, réduire notre consommation de gaz, c’est aussi gagner en autonomie et reprendre du pouvoir sur le terrain géopolitique !

Un verrouillage de long-terme savamment orchestré

Le volume de gaz que les terminaux d’importation de GNL (gaz naturel liquéfié) et les gazoducs français peuvent gérer dépasse de loin la consommation de gaz qui va évoluer à la baisse dans les prochaines années. Quant à la production mondiale de gaz prévue pour les années à venir, elle est bien trop importante. Nous n’avons pas besoin de construire de nouveaux terminaux d’importation ou d’ouvrir de nouveau champ d’extraction de gaz ! Ce sont précisément ces investissements dans de nouveaux projets gaziers et la signature de contrats d’importation de long-terme associés à ces projets qui verrouillent la France dans la consommation de gaz.

Les discours selon lesquels le gaz fossile est une solution adéquate à court-terme ignorent que les investissements qui sont faits aujourd’hui dans des projets gaziers devront nécessairement être rentabilisés (dans le cas contraire, ils deviendraient des actifs échoués). La nécessité de rentabiliser ces infrastructures implique de consommer du gaz pour des décennies, et donc perpétuer les impacts environnementaux et humains qui y sont associés…

Investir dans des projets d’infrastructures gazières, c’est autant d’argent qui est détourné du financement de la transition, notamment en développant les énergies renouvelables !

Au-delà des projets d’infrastructures, la France soutient encore de multiples manières le gaz fossile. Cette politique indulgente voire complice du gaz fossile doit cesser.

Le gaz n’a pas sa place dans la transition

Plus aucun champ d’extraction gazier ne doit être mis en exploitation, et aucun terminal ne doit être construit ! Les champs pétroliers et gaziers actuellement en exploitation suffisent à nous faire dépasser le budget carbone dont on dispose. En effet, 20% des champs gaziers actuels doivent être fermés pour tenter de contenir le réchauffement global à +1,5 °C et respecter l’Accord de Paris. Les vraies solutions se trouvent dans le développement des énergies renouvelables, l’efficacité énergétique (avec notamment la rénovation thermique des logements) et la sobriété équitable et socialement juste !

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Lexique

fracturation hydraulique

La fracturation hydraulique (fracking) est la fissuration d’une roche par l’injection à haute pression d’un liquide mélangé à des produits chimiques. Cette technique permet de récupérer du pétrole ou du gaz dans des substrats trop denses.

Source : futura-sciences.com

C’est la technique utilisée pour récupérer le gaz de schiste et le gaz de couche.

actifs échoués

Les actifs échoués sont des investissements qui perdent de la valeur en raison de l’impact de changements liés à la transition énergétique. Plusieurs facteurs peuvent conduire à la dévalorisation des actifs, à l’instar de nouvelles réglementations limitant l’utilisation des combustibles fossiles (marché carbone, taxation du carbone, limitations des émissions de CO2, etc.) ou encore de contraintes environnementales.

Source : https://www.linfodurable.fr/finance-durable/finance-durable-q

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https://www.amisdelaterre.org/5-idees-recues-sur-le-gaz/