Pas de pingouins aux Glières !

Il s’agit de NS et EM !

Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron, deux présidents endimanchés, deux pingouins dans la neige des Glières, et une même démarche : monter ici, venir rendre hommage à des maquisards, à quelques jours d’une élection ! Sarkozy en 2007, Macron en 2019. Gênant, non ?

Je porte le même nom que lui, mais je ne suis pas de sa famille. Des «Morel», il y en des milliers, des dizaines de milliers. Un patronyme banal dans l’hexagone. Mais ce «Morel» là, est un héros : le HEROS unique, majuscule ! Tom Morel, officier de chasseurs alpins, maquisard des Glières, rassembleur d’hommes, mort pour que nous vivions libres. Tom Morel, parti en mission commando, en plein hiver, dans la neige et le froid, contre les hommes de Vichy, mais assassiné dans le dos, à bout portant, par un officier français, un collaborateur à galons qu’il venait de capturer, un de ces salopards pétainistes qui lèchaient les bottes des nazis, un de ces traîtres qui vénéraient le maréchal sénile et son chef de la milice débile, ce Darnand assoiffé de sang.

Tom Morel c’est le bataillon magnifique, le bataillon des Glières ! Il avait voulu reconstituer une armée de Chasseurs Alpins là-haut, près du ciel, sur ce plateau dominant la barbarie, sur cette terre d’altitude, à 1500 m, où personne ne vivait alors, pendant les mois rigoureux. Il faut y aller pour comprendre…
Quand on monte aux Glières, on a l’impression que la route n’en finit pas. Elle sinue, s’insinue, serpente, sous le couvert des feuillus puis des résineux. Elle grimpe en solides pourcentages, collée à la falaise, et le ciel n’apparaît qu’en tâches azur à travers la ramure. Il y a le roc et les feuilles, l’ombre et le vertige… Mais finalement, tout au bout d’une petite ligne droite s’achevant en dos d’âne, c’est l’illumination : la lumière éclabousse, éblouit ; le grand jour balaie à 360 degrés un univers de conte de fée ; ce flux tombé des cieux flashe les prairies en berceaux, les bois en couronnes, les chalets aux volets colorés.
Et au centre de ce décor une oeuvre magistrale, géante, géniale est posée sur l’herbe tendre : le monument aux Résistants, signé Emile Gilioli, un V de la victoire, tourné vers l’espérance, supportant un cercle solaire symbole de renaissance, le tout en équilibre fragile comme l’est la liberté….

En cet endroit quatre cents maquisards, réunis autour de Tom Morel, étaient venus récupérer des parachutages qui se faisaient attendre. Attaqués par la police et la milice françaises, ils repoussèrent ces assauts. Ce fut une guerre civile en quelque sorte : les hommes de Pétain voulaient jouer aux plus malins ; ils furent ridiculisés. Une sale guerre, honteuse, conduite par les mêmes figures indignes et franchouillardes qui livrèrent les juifs aux Allemands à Paris, à Bordeaux, à Lyon et ailleurs… Il fallut en fin de compte que l’armée allemande, exaspérée par ces tristes supplétifs, monte aux Glières pour avoir le dessus !

Alors quand Sarkozy ou Macron, après Mitterrand et De Gaulle, tentent de rassembler les Français autour de ce combat en terre savoyarde, ils font à mon humble avis fausse route.
Les Glières, pour moi, restent le symbole d’une trahison en bleu-blanc-rouge : la haine de sinistres Français associés à l’occupant contre le courage et l’héroïsme d’autres Français ayant choisi la liberté ou la mort. Le Vercors, les maquis du centre de la France, ceux de Bretagne, n’ont pas été marqués aussi puissamment par la trahison de citoyens nés dans notre pays.
Il ne faut donc pas aller aux Glières en costard-cravate, en pingouins patauds dans la neige du plateau. Il ne faut pas aller aux Glières en matamores. Il ne faut pas poser des bouquets tricolores et des gerbes d’hypocrisie aux Glières à quelques jours d’une élection. Il ne faut pas s’afficher en grande tenue politicarde sous l’objectif des médias convoqués et des communicants consacrés ! Non, il faut y monter en toute humilité, simplement et discrètement, anonymement, aller se recueillir sur ces prés fleuris ou sur cette neige immaculée, porter du lila ou des violettes au pied du monument magnifique, et surtout éviter les grands discours que l’on n’a pas écrits soi-même . Sauf Malraux évidemment !

Car la bataille des Glières, on l’oublie trop souvent, est un drame national. Elle reste encore, dans la mémoire de certaines familles de Haute Savoie et d’ailleurs, comme celle d’un grand père ou d’un arrière grand-père, ayant dénigré et combattu les résistants, ayant été vaincus sur le plateau par ces rebelles en guenilles, et puis ayant conduit, après l’assaut des Allemands, une lâche répression et pratiqué une impitoyable torture contre les maquisards faits prisonniers.

Non, messieurs qu’on nomme grands, pas de politique aux Glières, ou alors à distance, loin, clairement très loin d’un vote citoyen important !

PS : les deux vidéos ci-dessous résument en 4 chapitres le moment des Glières. Attention, ces chapitres sont séparés chacun d’un « blanc » antenne d’une minute.  Reportages de Patrice Morel et François Blanchard, pour France 3 en 2004.

https://blogs.mediapart.fr/nounours-du-vercors/blog/030419/pas-de-pin