N’oubliez pas Thierry MORFOISSE

La première victime des algues vertes ?

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Un document de  » la revue dessinée »

Algues vertes, l’histoire interdite ; juin 2019 ;de Ines Leraud (Avec la contribution de), Pierre Van Hove (Dessins)

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Quelques heures après la remise de deux rapports confirmant les effets meurtriers des algues vertes en putréfaction dans la mort des sangliers à Morieux, l’enquête sur la mort de Thierry Morfoisse, décédé après avoir transporté des ulves armoricaines a été relancée. En charge de l’instruction au Pole santé de Paris, la magistrate Anne-Marie Bellot, qui conduit aussi l’affaire du Mediator, a indiqué jeudi à la famille Morfoisse qu’une nouvelle commission rogatoire sera lancée dans les prochaines semaines. De ce fait, policiers et gendarmes vont mener des investigations complémentaires pour déterminer l’origine de décès de ce transporteur. Employé par la société Nicol, une entreprise de collecte et de tri de déchets industriels, Thierry Morfoisse déchargea le 22 juillet 2009 trois bennes d’algues vertes ramassées sur les plages à la station de traitement de Launay-Lantic. Quelques minutes plus tard après la dernière livraison, il meurt d’un un arrêt cardiaque au volant de son camion.

A peine sorti du bureau des deux juges d’instruction en charge de l’affaire, le père de la victime, Claude Morfoisse a immédiatement  perdu connaissance. L’émotion était sans doute trop forte pour cet homme qui cherche à tout prix « connaître la vérité sur la mort de son fils ». C’est aussi, peut-être, les conséquences d’un combat bien trop harassant mené par cet homme de 73 ans depuis maintenant deux ans. « Ce n’est que deux mois après la mort de Thierry que l’on a su qu’une autopsie allait être réalisée », regrette Jeanne, son épouse de 72 ans, en tenant à la main un courrier lapidaire des autorités annonçant dès le départ une mort naturelle. Très vite en effet, le dossier est classé sans suite par le procureur de la République du tribunal de Saint-Brieuc, forçant la famille a porté plainte contre X avec constitution de partie civile pour «homicide involontaire» auprès du doyen des juges d’instruction de Saint-Brieuc en avril 2010. Pour mettre la pression, la famille Morfoisse participe à de nombreux rassemblements pour réclamer une véritable enquête dans cette affaire, comme le 5 août dernier, en compagnie d’Eva Joly, sur la plage de Morieux où trente-six sangliers ont été retrouvés morts. Le parquet de Saint-Brieuc se décharge en juin du dossier, transféré au pole de santé de Paris, en charge déjà d’examiner la plainte du cavalier du cheval mort sur une plage de Saint-Michel-en-Grève en juillet 2009.

« Le fait que le Pôle santé décide de repartir à zéro révèle la défaillance de l’enquête initiale, déplore Maître Larzul, l’avocat de la famille Morfoisse. Si, dès l’origine, elle avait été menée correctement, nous n’en serions pas là. » Sa « conviction » que la mort de Thierry Morfoisse a été « causé par l’hydrogène sulfuré (H2S) provenant des algues vertes en putréfaction » sera difficile à démontrer quand on sait qu’un flacon de sang de la victime n’a pas, aussi étrange que cela puisse paraître, été conservé par moins 20 degrés dans le labo d’analyse rendant inexploitables les analyses menées. Comment dans ces conditions montrer aussi que l’infarctus d’un homme de 48 ans n’a rien de naturel ? « Des prélèvements de poumon et de cœur ont été réalisés, avance l’avocat qui cite aussi « qu’un collège d’expert a démontré que l’infarctus de Thierry Morfoisse est lié à l’hydrogène sulfuré ». Il évoque également un rapport de l’inspection du travail sur la société Nicol Environnement après des plaintes de salariés travaillant avec les algues vertes se plaignant de malaises. « Or, après cette alerte, aucun appareil de mesures, aucune formation, nulle information sur les dangers liées aux algues vertes n’ont été proposés à Thierry Morfoisse et à ses collègues », souligne l’avocat. « Putain d’algues vertes » sont les derniers mots qu’il adressa à sa famille au téléphone, raconte le père de Thierry Morfoisse, tant il en avait « marre des algues. Ses yeux le brulaient. On lui a dit d’aller voir un ophtalmo, nous ne savions pas que c’était lié aux algues vertes… »

Autre élément nouveau cité par l’avocats : deux rapports rendus cette semaine sur la mort des sangliers retrouvés fin juillet sur la plage de Morieux confirment les effets meurtriers des algues vertes. L’intoxication des trente six sangliers par l’hydrogène sulfuré issu des algues vertes était « l’hypothèse la plus vraisemblable », a indiqué mardi l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris). Le lendemain, l’Agence de sécurité sanitaire de l’environnement tirait des conclusions équivalentes (Anses).

 « Ces études confirment ce que nous disions depuis longtemps », appuie André Ollivro, président du collectif de soutien à la famille Morfoisse et porte parole de l’association Sauvegarde du Penthièvre, qui souligne en creux l’importance du combat mené ces derniers mois par les associations autour des sangliers pour relancer l’enquête sur le cas de Thierry Morfoisse. « J‘ose espérer que l’enquête ira cette fois au bout pour que justice soit faite. Et qu’elle incitera aux politiques d’agir véritablement contre les algues vertes en mettant la pression sur les acteurs économiques et en changeant en profondeur le modèle agricole ».

humanite.fr de septembre 2011

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Pour mieux connaître Thierry

http://thierry-morfoisse.over-blog.com/article-a-ceux-qui-ne-te-connaissent-pas-80974851.html

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Des traces de pesticides relevées dans toutes les rivières

Chaque mois, le conseil départemental des Côtes-d’Armor publie un état des lieux de la présence de produits phytosanitaires dans les rivières. Nous avons épluché les différents bilans, mois par mois, sur un cycle d’une année. Et nous les avons croisés avec d’autres données.

L’Observatoire de l’environnement en Bretagne a collecté des données sur la présence de pesticides dans les cours d’eau à partir de prélèvements effectués dans les stations avec des résultats publiés entre 1995 et 2020.

Résultat : 99 % des rivières bretonnes contiennent des résidus de pesticides… Dans le département, les cours d’eau les plus « contaminés » sont : Le Hac à Tréfumel (78 substances actives), l’Évron à Coëtmieux (54), le Leff à Yvias (50), le Frémur à Hénanbihen (49), le Dourdu à Louannec (46)…

Les quatre saisons des pesticides

Par ailleurs, chaque mois, le conseil départemental publie en ligne Inf’eaux , qui comme son nom l’indique, livre des données sur les teneurs en pesticides dans les rivières du département, assorties de quelques commentaires.

Nous les avons épluchées, de mai 2021 à avril 2022 (derniers relevés disponibles), de façon à avoir une vision globale sur une année. Petit résumé.

Le mois de mai 2021 a été particulièrement pluvieux, ce qui fait que les molécules ruissellent dans les rivières. « 29 produits ont été détectés dans les 19 cours d’eau analysés contre 19 le mois précédent », note le site du conseil départemental. Le métolachlore, « désherbant très employé dans la culture du maïs, se retrouve dans cinq cours d’eau ». On détecte aussi l’AMPA, produit de dégradation du glyphosate, dans 50 % des rivières.

Pour juin et juillet 2021, la lettre titre : « Deux mois chargés en pesticides ». Les substances sont « en grande majorité des herbicides et leur produit de dégradation ». Elle cite les molécules les plus fréquentes, « beaucoup utilisées sur maïs et colza ». Pour septembre, Inf’eaux parle encore de « nombreux pesticides décelés dans les eaux ». Sur les vingt rivières observées, « 47 pesticides ont été décelés ». Notamment le controversé glyphosate, qui doit être interdit en 2023, « retrouvé dans sept cours d’eau à des doses élevées pour quatre d’entre eux ».

Des traces de désherbants interdits

Le bilan d’octobre « laisse apparaître 39 substances phytosanitaires recensées sur les vingt cours d’eau prélevés.

[…] Les produits sont principalement des herbicides » et « le glyphosate, utilisé en interculture, est le plus présent ». Plus étonnant, les relevés font état de « trois autres désherbants interdits de longue date ».

Au coeur de l’hiver, les terres sont laissées au repos et c’est flagrant dans les rivières : les teneurs chutent…

En avril, retour du printemps, les pesticides refleurissent avec « 27 substances dénombrées dans 22 rivières observées ». Mai 2022 est un mois sec donc le ruissellement est limité. Malgré tout, le glyphosate est « détecté dans quatre cours d’eau. Son produit de dégradation est, quant à lui, mesuré dans seize sur les 22 rivières prélevées ».

Le Metolachlor, cet herbicide omniprésent

En 2020, l’Observatoire de l’environnement en Bretagne a également classé les molécules les plus fréquemment identifiées dans les cours d’eau. Le Metolachlor ESA est détecté dans 99,4 % des cours d’eau. Son cousin, le Metolachlor OXA, est également très répandu (83,4 % des cours d’eau). En automne 2021, des taux extrêmement élevés ont été constatés à Saint-Mayeux. Toujours en 2021, l’association Eau et rivières de Bretagne a lancé une campagne pour réclamer son interdiction.

D’après la fiche de l’Agence nationale de sécurité sanitaire alimentation, environnement, travail (Anses), il s’agit de désherbants épandus sur diverses cultures, mais surtout le maïs. Tout comme le deuxième du classement, le ESA Metazachlore, présent dans 94 % des cours d’eau. Lors d’une conférence en 2021 dans le Calvados, l’association Alerte médecins pesticides indiquait qu’« après une longue période où c’étaient l’atrazine et ses métabolites (molécules de dégradation d’une matière active) qui étaient le plus souvent retrouvées dans les eaux distribuées, actuellement, ce sont les chloracétamides (Metolachlore, metazachlore) et le glyphosate qui ont pris le relais étant donné que le metolachlore est actuellement et de loin l’herbicide le plus employé dans la culture du maïs ». En quatrième position figure l’AMPA (64,7 %), principal produit de dégradation du célèbre glyphosate, dont l’interdiction est coeur des débats.

Des pesticides dans l’eau du robinet

En 2019, le syndicat départemental d’adduction en eau potable (SDAEP) tirait un bilan sur seize points

d’observation dans les rivières des Côtes-d’Armor. Résultat : « sur 350 molécules recherchées, 65 ont été détectées : 58 % sont des herbicides (principalement utilisés sur cultures de maïs et céréales), 8 % des fongicides, 5 % des insecticides, 4 % des molluscicides et 27 % des métabolites (produits de dégradations) ».

Dans une publication d’octobre 2021, l’association Eau et rivières notait que dans les Côtes-d’Armor, « aujourd’hui, 37 % de la production totale d’eau potable du département est touchée par la présence de métabolites en eau traitée. Ce chiffre monte à 43 % pour la production d’eau souterraine, et, pour cette dernière, aucune des stations de production d’eau potable concernées n’est en capacité de traiter les métabolites ».

Ouest-france.fr