Le poison nationaliste

Commençons par Srebrenica !

Il y a tout juste trente ans, entre le 11 et le 15 juillet 1995, plus de 8 000 hommes et garçons bosniaques étaient exécutés à Srebrenica par les forces du général serbe Ratko Mladić, sous les yeux de Casques bleus privés des moyens et des ordres qui leur auraient permis d’intervenir. En mai 2024, les Nations unies adoptaient une résolution, soutenue par la France, qui fait du 11 juillet une « Journée internationale de réflexion et de commémoration du génocide de Srebrenica ». Encore une fois, le travail de mémoire bute sur une impuissance : alors qu’il enjoint à l’humanité, en lui rappelant le pire, de ne pas renoncer à ce qui la constitue, il échoue à empêcher son retour.

En effet, les guerres en ex-Yougoslavie et les crimes qui y ont été commis ont été largement oubliés, quand bien même ils annonçaient, à bien des égards, nombre de conflits contemporains, caractérisés par l’abandon du droit humanitaire et du droit international, le retour des guerres de conquête et les massacres de civils. Les bombes et les drones pleuvent aujourd’hui sur l’Ukraine, ayant fait pour le mois de juin 2025 un nombre record de victimes civiles. Des dizaines de morts s’accumulent chaque jour à Gaza, sous les bombardements et au cours de distributions d’aide alimentaire menées sous le feu de l’armée israélienne.

De nombreux dirigeants européens paraissent naviguer à vue dans ces champs de ruines, en ayant jeté par-dessus bord la boussole de la mémoire du XXe siècle. Parmi les multiples leçons qu’il aurait fallu retenir de Srebrenica, il en est une que les sociétés civiles démocratiques doivent leur rappeler avec insistance : que le nationalisme, en particulier quand il se pare de justifications ethniques et religieuses, aboutit toujours à la négation de l’autre sous couvert d’affirmation identitaire. La démocratie se construit dans une tension entre la souveraineté des peuples et l’universalité des droits. Si la première prend le pas sur la seconde, plus aucun horizon démocratique n’est possible.

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Pour en savoir plus :

https://esprit.presse.fr/infolettre/le-poison-nationaliste-27

notamment :

https://esprit.presse.fr/actualites/justine-lacroix/incapables-l-union-europe

https://esprit.presse.fr/actualites/jerome-heurtaux/quelques-angles-morts-

https://esprit.presse.fr/article/florence-hartmann/pourquoi-se-souvenir-de