
Sous la baguette de Trump, l’Europe entre dans la nuit
Politico ne s’était pas trompé en accordant à Donald Trump le statut d’homme le plus influent d’Europe (1). Le vote aujourd’hui du Parlement européen, à Strasbourg, a confirmé ce constat : le premier Omnibus, un paquet législatif détruisant le devoir de vigilance des entreprises et entamant la grande dérégulation du Green Deal ainsi que de toutes les normes environnementales européennes, à la demande explicite de Trump, du Qatar, des lobbies des énergies fossiles et des industries chimiques, vient d’être adopté à 428 voix contre 218, par une majorité de la droite libérale (Renew), la droite conservatrice (PPE) et l’extrême droite (ECR, PfE et ESN).
L’Omnibus I devient donc officiellement la première législation européenne issue d’une alliance stratégique formelle entre les droites et l’extrême droite. Car contrairement à ce que certains commentateurs ont écrit, il ne s’agit pas d’un vote « de circonstance » mais bien d’une stratégie pensée à l’avance par le cabinet de lobbying américain Teneo (2), mandaté par les lobbies les plus climaticides et rétrogrades pour faire advenir la fusion entre droite et extrême droite à leur profit.
C’est ainsi que sous la baguette de Trump et de l’internationale fasciste qu’il défend ouvertement dans sa « Stratégie Nationale de Sécurité » (3), l’Europe entre dans la nuit démocratique.
La directive Omnibus procède à la destruction du devoir de vigilance, une législation historique pensée pour défendre les droits humains, l’environnement et le climat face aux multinationales qui fondent leurs profits sur l’exploitation de la détresse humaine et la destruction des écosystèmes.
« Aujourd’hui, c’est un processus de dérégulation des normes de protection de la santé humaine, des droits humains et sociaux, de l’environnement et du climat qui est validé par un arc anti-démocratique œuvrant au profit de puissances étrangères et de lobbies industriels sans foi ni loi. C’est du jamais vu depuis la seconde guerre mondiale » commente Claire Nouvian, fondatrice de l’ONG BLOOM. « Nous entrons dans une phase de régression de la protection des humains et de la démocratie au profit des prédateurs et des destructeurs du monde. Les industriels et les régimes autoritaires comme les Etats-Unis de Donald Trump et le Qatar, qui ont piloté l’Omnibus I, ont déjà montré qu’ils étaient prêts à tout, y compris à sacrifier notre santé et à écraser les plus vulnérables, pour accroître leurs profits et leur pouvoir. Ils veulent le chaos, ils l’auront. Notre crainte, à l’ère du fascisme numérique, c’est qu’on ne revienne pas de cette bascule. Tout cela ne se serait pas produit si la droite avait tenu le cordon sanitaire. Son choix de s’allier à l’extrême droite lui sera fatal, puisque la droite est en cours d’absorption par les extrêmes. Mais les victimes collatérales seront les citoyens et la paix. Nous sommes déjà passés par là, mais dans les années 1930, le changement climatique ne menaçait pas la stabilité de nos sociétés. Nous étions au bord du précipice, nous venons d’y sauter. Et la droite libérale, qui a fait semblant de s’opposer à l’alliance DED (droite-extrême droite) a finalement voté comme un seul homme pour faire advenir le règne des lobbies contre l’intérêt général. »
À Strasbourg, ce mardi 16 décembre, les digues ont sauté : alors que l’internationale fasciste tisse sa toile, de la Hongrie de Viktor Orban au Chili de José Antonio Kast, en passant par les États-Unis de Donald Trump, la droite libérale d’Emmanuel Macron et la droite conservatrice européenne de François-Xavier Bellamy vient de voter avec l’extrême droite de Marion Maréchal Le Pen, Jordan Bardella et Sarah Knafo.
Après avoir œuvré durant cinq années en faveur du Green Deal, Ursula von der Leyen a ouvert son second mandat de présidente de la Commission européenne en promettant de porter un agenda de « simplification ». Mais, sous la pression des lobbies industriels, confrontée à une percée inédite de la droite conservatrice et de l’extrême droite, Ursula von der Leyen porte désormais un agenda de « dérégulation » qui risque de tout emporter sur son passage.
Ce sont déjà treize Omnibus qui sont sur les rails, et qui menacent de s’attaquer aux législations européennes dans le secteur de l’agriculture, de l’alimentation, de la chimie, de la tech, de l’environnement, de l’automobile, des pesticides, de la taxation.
Ce premier Omnibus, qui s’attaquait à la loi sur le devoir de vigilance, avait valeur de test. Et, un an après l’entrée en fonction de la Commission Ursula von der Leyen 2, ce test constitue une déflagration, ayant franchi toutes les lignes rouges, une à une.
La procédure Omnibus I a été :
– Considérée illégale par plus de 100 professeurs de droit,
– Jugée comme un cas de mauvaise administration de la part de la Commission européenne par la médiatrice européenne,
– Le résultat d’une campagne d’ingérence hors-normes de la part de Donald Trump,
– Adoptée par le Parlement européen dans une alliance inédite, une première dans l’histoire parlementaire européenne, entre la droite et l’extrême droite,
– Portée par un député suédois issu de la droite conservatrice en situation de conflit d’intérêts, de compromission avec des puissances étrangères et de trahison des intérêts supérieurs de l’Union européenne (voir notre communiqué)
– Le fruit d’un lobbying inédit par son ampleur d’une alliance d’industries américaines, au premier rang desquelles figurent ExxonMobil, Chevron, Dow Chemical, JPMorgan, ou Koch.
« Tout au long de la procédure Omnibus, M. Warborn a montré qu’il méprisait les processus démocratiques. Non seulement il a suivi les instructions explicites des entreprises américaines et de l’administration Trump, mais il a également forgé une alliance avec l’extrême droite qu’il a utilisée pour exercer un chantage odieux auprès des autres groupes politiques du Parlement » explique Swann Bommier, directeur du plaidoyer de BLOOM. « M. Warborn s’est révélé être un politicien trumpiste prêt à sacrifier la stabilité de nos démocraties européennes pour augmenter les profits de multinationales impitoyables qui accélèrent le dérèglement climatique et exploitent la misère humaine à travers le monde. Nous espérons que les institutions européennes mettront rapidement un terme à cette débâcle politique. Nous attendons une enquête rapide et approfondie sur le conflit d’intérêts de M. Warborn et sur son statut, alors qu’il agit comme agent de liaison avec l’administration Trump ».
Le vote d’aujourd’hui constituait un moment de vérité pour les droites. Le parti Les Républicains de François-Xavier Bellamy et les libéraux d’Emmanuel Macron ont fait leur choix : légiférer avec l’extrême droite. L’enjeu dépassait largement la menace de déréglementation. Il s’agissait de préserver l’intégrité politique et territoriale de l’Union européenne. Il s’agissait de notre souveraineté face à des puissances étrangères suprémacistes. En s’aplatissant devant Trump, l’Europe entre dans la tempête.
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Notes
(1) https://www.politico.com/news/magazine/2025/12/09/trump-interview-europe-john-harris
(2) https://www.somo.nl/the-secretive-cabal-of-us-polluters-that-is-rewriting-the-eus-human-ri
(3) https://www.whitehouse.gov/wp-content/uploads/2025/12/2025-National-Security-Strategy
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Pour en savoir plus
Mort du Green Deal, victoire de l’extrême droite, dissolution de la droite : la descente aux enfers de l’Union européenne
https://bloomassociation.org/mort-du-green-deal-victoire-de-lextreme-droite-dissolution-de-la-