Contre les violences policières

Des rassemblements ont eu lieu jeudi.

Dans notre région à Amiens, Arras (une centaine de personnes motivées), Béthune, Boulogne, Calais, Lille, Montreuil, Valenciennes

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Sur le site des « Soulèvements de la Terre »

Montrons leur massivement que nous ne les laisserons pas étouffer l’espoir à coup de grenades. Pour nos blessé·es, pour leur rendre hommage, appui, pour que cela cesse. Retrouvons nous partout dans le pays, bien plus nombreux et nombreuses encore. Pour leur montrer que nous sommes là.

En soutien aux 2 manifestants dans le coma, aux blessé.es de Sainte-Soline et du mouvement des retraites, pour la fin des violences policières.

Pour co-signer l’appel cliquez sur ce lien et remplissez le formulaire

La brutalité concomitante de la réponse d’État à la poursuite du mouvement des retraites et à la mobilisation de Sainte-Soline est en train de marquer au fer rouge l’histoire du pays. Elle appelle aujourd’hui à faire front ensemble.

Face à l’inaction climatique du gouvernement, à son soutien intangible à des lobbys industriels écocidaires et à l’aggravation flagrante de la crise écologique, le mouvement contre les méga-bassines a, ces derniers mois, offert une prise. Si le peuple de l’eau, plus nombreux que jamais à braver les interdictions préfectorales, est allé de nouveau jusqu’au chantier de la bassine de Sainte-Soline le 25 mars ce n’était pas par goût inconsidéré du risque. Tout ce qui a été dit sur les soi-disantes motivations obscures des manifestant·es par Darmanin et consorts avant et après la mobilisation est à cet égard une profonde insulte à l’engagement des 30 000 personnes qui se sont rassemblées samedi. Si depuis un an et demi, ces foules grandissantes ne se contentent plus de défiler mais recherchent des gestes ad hoc pour freiner concrètement certains chantiers, pour empêcher le pillage de l’eau ou des terres, c’est bien parce qu’il y a une urgence vitale à agir. Et ce sentiment d’urgence ne fera qu’augmenter tant que l’on continuera à construire dans ce pays des infrastructures dont les conséquences sont telles qu’elles incarnent une violence écologique et sociale qui n’est plus aujourd’hui tolérable.

Cet élan vital, E. Macron l’a accueilli samedi avec une pluie de grenades létales, 4000 en 2h. Alors que 30 000 personnes s’approchaient d’un trou grillagé que l’État avait transformé en symbole de son autorité, 200 personnes ont été percées d’éclats dans leurs chairs, 40 gravement. L’une a perdu l’oeil, d’autres se sont faits arracher la mâchoire ou risquent de perdre le pied. Deux sont toujours aujourd’hui dans le coma, entre la vie et la mort. Comme à Malville face à la déferlante anti-nucléaire en 77 ou à Sivens en 2014 face à l’éclosion des zads en divers endroits du pays, l’État français a choisi délibérément le 25 mars de se donner sciemment la possibilité de tuer.

Ce 25 mars, le gouvernement Macron a tenté de faire taire un espoir politique par la mutilation de masse.

Il a ainsi affirmé brutalement que la montée en puissance du mouvement de défense de l’eau ne pouvait qu’être considérée comme un affront intolérable à son égard. Depuis des années, ce mouvement réitère pourtant les demandes d’ouverture d’un réel dialogue avec les habitant·es des territoires, les paysan·nes, les associations environnementales. La seule réponse gouvernementale à ces issues au conflit aura été est la terreur. Cette violence sourde face au mouvement écologiste est la même que le gouvernement Macron a déployé pour mater les gilets jaunes en 2019 et aujourd’hui contre le peuple qui persiste à refuser sa réforme injuste des retraites. C’est aujourd’hui cette réduction du champ politique à la grenade, ces cowboys en roue libre en quad ou en moto qui vont jusqu’à inquiéter les institutions internationales. A cette violence de rue, Darmanin ajoute aujourd’hui la persécution légale des mouvements organisateurs avec l’engagement d’une procédure de dissolution à l’encontre des Soulèvements de la terre.

De Sainte-Soline, ce week-end nous retenons heureusement aussi les tracteurs paysans qui déjouent les escortes de police, le camp qui surgit des champs au milieu du dispositif, les camarades des 4 continents, les animaux géants et les danses, la foule de tout âge qui serpente les champs à l’infini, son courage, sa solidarité inouïe face à l’adversité. Toute cette force est encore en nous et nous la retrouverons. Mais elle est aujourd’hui profondément entachée par les chairs mutilées, par ces vies encore en suspens. C’est pour nos blessé·es, pour leur rendre hommage, appui, pour que cela cesse qu’il y a un impératif à se retrouver de nouveau dans la rue. Non pas concentrés sur une même prairie cette fois. Mais partout dans le pays, devant les préfectures. Bien plus nombreux et nombreuses encore.

Alors que nous continuons à manifester contre la réforme des retraites, alors que nous continuerons à converger pour arrêter les méga-bassines, nous appelons à nous rassembler:
jeudi à 19h devant toutes les (sous)-préfectures. En soutien aux 2 manifestants dans le coma, aux blessées de Sainte-Soline et du mouvement des retraites, pour la fin des violences policières, pour la dissolution de la brav-m et l’interdiction des grenades GM2L.

Pour que celles et ceux qui étaient là de toute la France puissent dire et témoigner. Parce que le gouvernement est triplement coupable : d’avoir lancé des grenades létales, de l’avoir prémédité, et d’avoir ensuite obstrué l’arrivée des secours. Montrons leur massivement jeudi que nous ne les laisserons pas étouffer l’espoir à coup de grenades. Que nous sommes là. Toujours.

Confédération Paysanne – Bassines Non Merci – Les Soulèvements de la terre, les organisateurs de la mobilisation du 25 mars à Sainte-soline et toutes les organisations sociales, syndicales, et associations qui souhaiterons s’y associer.

Liste (non exhaustive) des organisations qui appellent

350.org
Action populaire en marais poitevin
Alerte Pesticides Haute Gironde
Amis de la confédération paysanne
amis de la confédération paysanne 25
Ancien·ne·s de la ZAD du Moulin contre le GCO & Sympathisant·es
ATTAC
ATTAC 24
Attac France
Bassine Non merci
CGT Solvay Melle
CNT 34 ESS
Collectif Alsace des luttes paysannes et citoyennes
Collectif libre et heureux
Colère citoyenne 79
Conf paysanne de l’Ardèche
Conf’ paysanne du Gers
Confédération paysanne
déambulateurs56
ELAfF
Ensemble Grenoble Métropole
Extinction Rebellion
Extinction Rebellion Orléans
Films cité
France insoumise 79
FSU-44
G.A Le Mans Nord et environs
Gauche Écosocialiste 35
Gilets jaune
GILETS JAUNE 37
Greenpeace
Greenpeace Poitiers
Groupe Kropotkine – Fédération Anarchiste
L’Archipel du Vivant
La Graine Solidaire
Le kfé des familles
LFI
Livret forêt de La France Insoumise
MIRAMAP
Moulin des Résistances
Mycélium
NPA National
NPA87
Optim-ism
Organisation Communiste Libertaire Nantes
oxfam
Partie ouvrier indépendant LFI
PEPS 72 – Sarthe
REV
Revue Silence
Socialter
Soulèvement de la terre
Soulèvements de la terre
UNION SYNDICALE SOLIDAIRES 35
Vous N’êtes Pas Seuls
XR
XR Quimper
Zone à Patates

Collectif ACCAD

Eau Secours 62

Alterre circuit

ATTAC Artois

Conf Paysanne HdF

La liste complète des signataires est ici

L’article est paru dans « le Monde » 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/30/nous-serons-dans-les-rassemblements-

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Blessés à Sainte-Soline : Serge, entre la vie et la mort, « sali » par les médias

La chasse au scoop se fait parfois aux dépens des faits (et de la décence). Moins d’une semaine après la mobilisation contre les mégabassines de Sainte-Soline, qui a fait, selon les organisateurs, plus de 200 blessés (dont 40 graves parmi les participants), plusieurs médias ont tenté d’établir le « profil » de Serge, l’un des manifestants aujourd’hui dans le coma. Avec un seul angle : la « fiche S » (pour « sûreté de l’État ») qui lui aurait été attribuée en 2010 par les services de renseignement pour son appartenance à l’ultragauche radicale, et son inculpation dans une affaire de « saccage » des locaux de la protection judiciaire de la jeunesse de Labège (Haute-Garonne) en 2011. Une présentation partielle et fallacieuse, dénoncent les proches du jeune homme à Reporterre.

Une large partie des articles consacrés par Le Parisien, BFMTV, et Europe 1 à Serge se focalisent sur sa mise en cause dans « l’affaire de Labège », il y a douze ans.

Rembobinons. Le 5 juillet 2011, une dizaine de personnes non identifiées ont pénétré dans les locaux de la direction interrégionale de la protection judiciaire de la jeunesse de Labège, dans la banlieue de Toulouse, afin de dénoncer la politique d’incarcération des mineurs. Le petit groupe a renversé du lisier sur du mobilier de bureau et tagué des slogans sur les murs avant de s’enfuir. Au cours de l’action, une employée a été aspergée de gaz lacrymogène.

Non coupable

Dans les mois qui ont suivi cette action, un arsenal important a été déployé par les gendarmes pour retrouver les activistes. Sept lieux de vie ont été perquisitionnés, une quinzaine de personnes interpellées, et quatre placées en détention provisoire à la maison d’arrêt de Toulouse-Seysses. Un collectif a rapidement été créé en soutien aux inculpés, contre lesquels les preuves étaient « minces », relevait la Dépêche du Midi à l’époque du procès.

Le Parisien, BFM-TV et Europe 1 indiquent tous que Serge faisait partie des personnes placées en détention provisoire… En omettant de mentionner qu’il a été relaxé, précise sa famille à Reporterre. À l’issue du procès, trois inculpés — dont Serge — avaient été jugés non coupables, un autre avait été condamné à trois mois de prison ferme (déjà effectués pendant sa détention provisoire), et un dernier avait écopé de trois mois de sursis, assortis d’une mise à l’épreuve de 18 mois, selon un communiqué publié par les concernés en 2016. Cette information a été confirmée à Reporterre par des proches de Serge qui le connaissaient déjà à l’époque de cette affaire.

L’évocation récurrente, par les médias cités plus haut, de la « fiche S » du jeune homme — mentionnée jusque dans la titraille — peut également interroger. Ce fichage, brandi par la presse « comme s’il s’agissait d’un casier judiciaire », commente Muriel Ruef, avocate au barreau de Lille, ne dit en effet « rien » de la dangerosité d’une personne. « Il y a très peu de contrôle extérieur. On ne sait pas qui décide de les attribuer, dans quelles conditions et sous quels critères. C’est très nébuleux », souligne-t-elle.

2 000 militants écologistes fichés S

Ces fiches sont accolées hors de tout cadre juridique aux personnes qui menacent, selon les supputations des services de renseignement, la « sûreté de l’État ». « Elles amalgament tout le monde : des militants d’extrême droite radicale, des musulmans un peu trop religieux aux yeux d’une société profondément raciste, et des membres de la gauche radicale qui ne chantent pas la Marseillaise et ne se prosternent pas devant le drapeau », dénonce l’un des animateurs du collectif contre les violences d’État Désarmons-les, Ian B, qui a lui-même découvert en 2015 qu’il était fiché S. « Il y a un gros soupçon de fichage d’opposants politiques, indique Muriel Ruef. À partir du moment où vous êtes un peu à gauche, si vous allez à trois réunions anticarcérales, vous risquez d’avoir une fiche S. »

2 000 écologistes considérés comme « radicaux » par les services de renseignement seraient fichés S à travers le pays. Ce fichage n’est par ailleurs pas censé être rendu public. « Ce qui paraît dingue, c’est qu’on divulgue [dans les articles sur Serge] une information que le principal intéressé ignore, sans que l’on sache d’où ça fuite, dénonce Muriel Ruef. C’est attentatoire à la vie privée. » Sa divulgation pourrait être délictueuse, selon l’avocate, et constituer un recel d’informations. Les parents de Serge ont d’ailleurs porté plainte pour violation du secret professionnel dans le cadre de l’enquête et détournement de l’objet de la consultation des fichiers pour un objectif autre.

Ian B voit, dans la focalisation de certains médias sur la fiche S de ce militant très gravement blessé, une tentative de « criminalisation » de sa personne. « Ça correspond à une logique immuable des chiens de garde et de ceux qui cherchent toujours à chercher une responsabilité aux violences de l’État, estime le spécialiste des violences policières. Une fois qu’on a mutilé des civils avec des armes de guerre et qu’on ne sait plus le justifier, il faut trouver un moyen de dire qu’il s’agissait de civils un peu particuliers. Le simple fait de dire qu’une personne est fichée S sous-entend qu’elle est dangereuse, qu’elle a quelque part mérité sa blessure. C’est sidérant. »

« La stratégie est de décrédibiliser »

L’affaire rappelle à Claire Dujardin, avocate de la famille de Rémi Fraisse (mortellement blessé par une grenade lors d’une mobilisation alors qu’il manifestait contre le barrage de Sivens en 2014), le traitement que lui et ses proches avaient subi. « C’était pareil, pendant plusieurs jours, ils ont fouillé dans ses affaires, ils ont fait des recherches sur sa sœur, ils ont voulu absolument faire croire qu’il était dangereux et qu’il était venu pour en découdre. La stratégie est de décrédibiliser et de dire qu’il n’avait qu’à pas être là, que c’était interdit, et que finalement c’est tant pis pour lui, il a une part de responsabilité. C’est délirant. »

Dans un communiqué publié le 29 mars, les parents du jeune homme ont décrié des articles « inexacts et mensongers » : « Oui, Serge est fiché S — comme des milliers de militants dans la France d’aujourd’hui. Oui, Serge a eu des problèmes judiciaires — comme la plupart des gens qui se battent contre l’ordre établi. Oui, Serge a participé à de nombreux rassemblements anticapitalistes — comme des millions de jeunes dans le monde qui pensent qu’une bonne révolution ne serait pas de trop […]. Nous considérons qu’il ne s’agit là nullement d’actes délictueux qui saliraient notre fils, mais que ces actes sont au contraire tout à son honneur », écrivent-ils.

Contacté par Reporterre, l’un des proches de Serge se dit lui aussi révolté par le traitement médiatique qui lui est réservé. « Les médias font les charognards et le salissent. Il faudrait au contraire raconter politiquement sa vie, son combat pour la justice sociale, son idéal révolutionnaire, et comment on en arrive à risquer de mourir sous les armes de la police. C’est ce cheminement-là qu’il faudrait retracer pour remettre les choses à leur place. »

Nous apprenions mercredi 29 mars, via un communiqué du Syndicat des accompagnateurs de montagne que Serge était guide de montagne. « Nous tenons à vous témoigner, nous acteurs professionnels de la montagne, de l’amour que Serge porte à sa terre et à son métier, mais aussi de notre admiration pour son humanisme et son humilité », écrivent-ils. Serge est apprécié par ses pairs, « reconnu comme un professionnel passionné et passionnant, brave et humble, engagé pour le respect de la nature et de l’être humain, profondément altruiste, impliqué dans le partage de cet amour de nos montagnes et de nos terres avec chacun. Nous sommes avec lui, ensemble, pour la vérité et le respect des droits de l’homme. »

reporterre.net