Parole à l’agriculture paysanne

Noémie Calais, éleveuse de porcs noirs dans le Gers, co-autrice de Plutôt nourrir, a été invitée sur plusieurs plateaux de télé pendant le Salon de l’Agriculture.

Occasion pour elle de défendre une agriculture paysanne et l’alliance des paysans avec l’écologie et le mouvement social.

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Le 23 février, Noémie Calais, éleveuse de porcs noirs bio dans le Gers, co-autrice du livre Plutôt nourrir, était l’invitée de l’émission C ce soir sur France 5 dont le sujet consistait ce jour-là à se demander À qui profite la colère des agriculteurs. Étaient également invités : Christophe Barbier (et son écharpe rouge), Andréa Kotarac (Rassemblement National), Remi Branco, vice-président PS du Conseil Départemental du Lot et Lucile Schmid (La Fabrique écologique). Je ne présente pas les propos de ces deux derniers mais ils méritent d’être entendus [cf. lien ci-dessous avec l’émission complète].

Les interventions de Noémie ont été percutantes : elle a posé le problème du prix du foncier (qui a doublé en 5 ans dans le Gers) et abordé le côté systémique de la crise agricole. Elle a précisé que n’ayant que 4,5 ha de terres, elle perçoit très peu de la PAC. Elle a refusé d’opposer écologie et agriculture, contesté les programmes politiques de la droite et de l’extrême droite prônant la baisse des règles environnementales. Elle a évoqué la pollution des eaux aux nitrates : les paysans n’ont aucun intérêt de fermer les yeux sur les pollutions, car ils sont en première ligne. Elle a témoigné de l’entraide qui existe entre les agriculteurs, y compris lorsqu’ils ont des conceptions différentes du mode d’agriculture souhaitable, s’exprimant sur la précarité vécue par beaucoup, et affirmant le lien nécessaire avec les citoyens eux-mêmes précaires et pour lesquels la paysannerie doit agir pour leur éviter la mal-bouffe.

Face au représentant du RN, qui se targuait d’avoir la « fibre sociale » puisqu’il avait été à LFI et avait milité 12 ans auprès de Mélenchon, et qui, déroulant le mantra (erroné) du RN, selon lequel son parti aurait été le premier à défendre le monde rural et la réindustrialisation de la France, qui ânonnait des mots-tracts (« souveraineté », « Jeanne d’Arc paysanne »), Noémie a répondu dans une tirade remarquable que j’ai pu extraire de la vidéo de l’émission [extrait que l’on trouvera ci-dessous] où elle s’exprime sur « faire société » et ne pas cliver. Elle atteste que dans les villages on ne reproche pas à l’écologie d’être « punitive ». Peut-on avouer que c’est réjouissant d’assister à une émission où une intervenante connait aussi bien le sujet du monde paysan, pour le vivre de près et pour avoir à son sujet une analyse documentée qu’elle expose avec talent ? 

. vidéo jointe, que j’ai extraite : tirade de Noémie (vue plus de 1000 fois sur ma page Facebook).

. émission en totalité [1h04] : ici.

L’environnement, outil de travail

Noémie s’est expliquée sur Facebook sur cette question de la récupération politique de la crise agricole (texte reproduit ici avec son accord), résumant ainsi la teneur de ses propos :

«  Dans ce moment charnière, ne nous laissons pas scinder par l’opposition factice entre écolos et paysans, qui fait le jeu de l’extrême droite ! L’environnement est notre outil de travail : mettons nous tous ensemble pour le préserver, résister ensemble aux aléas climatiques, continuer à nous nourrir demain.

Dans un sondage paru hier justement, plus de 85% des agriculteurs interrogés ne voient pas d’un mauvais œil la transition agroécologique, perçue au contraire comme une nécessité ou une opportunité (voir l’enquête du Collectif Nourrir sur la réalité de la crise agricole). L’enjeu, maintenant, n’est plus de cliver mais d’accompagner ! Et de ne laisser personne au bord du champ.

Ne laissons pas le Rassemblement National récupérer une colère agricole légitime et à laquelle ils n’apportent absolument aucune solution (leurs votes parlementaires des années passées sur les sujets agricoles vont à l’encontre de ce qu’ils paraissent découvrir aujourd’hui). Continuer dans un productivisme effréné, et demander à des agriculteurs de produire plus, sans garantie sur le revenu et les prix, dans un environnement dégradé et soumis à des aléas climatiques de plus en plus violent, c’est condamner les agriculteurs à toujours plus de dépendances, toujours plus de fragilité.

Les disparités de revenus sont énormes en agriculture. Les arboriculteurs, maraîchers, éleveurs…sont les plus touchés. Solidarité avec tous et toutes, quelle que soit la taille de la ferme, quel que soit le système choisi. Restons vigilants, et ne cédons pas aux sirènes populistes de partis qui scindent, ni aux fausses bonnes idées (méga-méthaniseurs, industrialisation de nos modèles d’élevages, artificialisation des sols pour rentes énergétiques, etc) qui nous enferment maintenant dans des systèmes de production gourmands en énergie fossile, et nous rendront encore plus vulnérables aux aléas de demain ».

Contre le productivisme, défense du local

Noémie Calais était sur BFM vendredi 1er mars. Elle était opposée à un député Renaissance de Gironde, éleveur de bovins, Pascal Lavergne, et à une journaliste du Figaro, Olivia Detroya. Elle avait donc fort à faire. Elle précise d’emblée que les mesurettes accordées par le gouvernement ne seront rien sans que soient revus les traités de libre échange, et dénonce la politique d’importations et d’exportations. Le journaliste animateur de l’émission suggère que la critique des traités serait « complotiste » ! Très franchement, en toute objectivité, les propos documentés de Noémie c’est autre chose que les balbutiements de ses contradicteurs, réfugiés dans une défense simpliste du productivisme.

J’ai extrait un passage [durée 1mn 45] où Noémie déroule ses arguments avec force et conviction. Au député qui s’égosille pour dire qu’il faut « nourrir le peuple » et donc produire beaucoup, elle explique que l’agriculture française (hors vin) produit déjà trois fois plus de calories que la France n’en consomme : elle assène « je n’ai pas besoin de libre échange pour exporter ma poitrine de porc » alors qu’elle peut vendre directement aux consommateurs. Pendant les manifestations agricoles et le Salon de l’Agriculture, la parole a été peu donnée à l’agriculture paysanne : il est heureux tout de même que Noémie Calais ait été invitée dans l’émission C ce soir (France 5), En société (France 5) et BFM (voir ci-dessus) et BFL auparavant, le 28 février, opposée à un agriculteur RN, anti-bio et climatosceptique, à Emmanuelle Menard (députée de l’Hérault, élue avec le soutien de l’extrême droite) et Christophe Barbier (encore), afin que les lieux communs et les approches agro-industrielles soient démontées et qu’une autre agriculture viable soit prônée.

. émission entière de 20 mn (Noémie à 7’34, à 7’43, vers 14’36) : Agriculteurs, une journée coup de poing [1er mars].

. extrait de l’intervention de Noémie : ici.

Et le 3 mars, Noémie Calais est aux Arbolèts (Collectif  Fermier), auprès de ses porcs et des visiteurs, lors de l’opération Salon de la Ferme, lancée par la Confédération Paysanne.

Contact : yves.faucoup.mediapart@free.fr

Rappel sur mon blog Social en question :

. Noémie Calais, éleveuse : ne pas trahir l’animal.

. Sainte-Soline à visage découvert.