Les sciences en question

On est dans une période complexe : sciences ou pseudo-science.

On va trouver des scientifiques qui essaient de bien faire leurs recherches et d’autres qui sont payés par les multinationales.

On l’a vu dans notre région avec le projet de ligne THT entre Avelin et Gavrelle quand Annie Sasco, spécialiste des maladies liées aux ondes était confrontée, à Courcelles, à un médecin payé par RTE qui a aussi argumenté sur le fait que la démonstration contre cette ligne provenait de  la gente féminine.

Ce qui fait que le tout un chacun ne sait plus qui croire et que l’on laisse passer ce que font ces grosses entreprises qui ont les moyens de divulguer leurs mensonges : on le voit avec linky.

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Journaliste scientifique au Monde, Stéphane Foucart a écrit « La fabrique du mensonge. Comment les industriels manipulent la science et nous mettent en danger. »

Tabac, dérèglement climatique, Organismes génétiquement modifiés (OGM), perturbateurs endocriniens, déclin des abeilles…

Analyse partielle de ce livre très important

À qui profite le doute ?

Le journaliste du Monde admet volontiers que devant les défis du futur, « la science aura un rôle cardinal à jouer, [et que] les outils offerts par la technique seront nécessaires ». Ce qui ne l’empêche pas de porter un regard « circonspect sur l’alliance de la science et de la technique, ce couple cimenté par l’économie de marché, et qui règne sur notre monde ». Disciple de Jacques Ellul, qui affirmait il y a quelques décennies que la société dite technicienne n’est pas destinée à produire des biens de consommation, du bien-être, voire une amélioration de la vie des gens, « mais uniquement à produire du profit », Stéphane Foucart soutient que « les inconvénients du système technique commencent à prendre le pas sur les bénéfices énormes qu’il nous a apportés depuis la révolution industrielle ». Néanmoins, son livre n’est pas un énième recueil contre la société technicienne. « Une abondante littérature a été produite sur le sujet, de Jacques Ellul à André Lebeau », note le journaliste, dont la thèse est bien plus banale : la science aurait été prise en otage par les industriels, qui l’auraient détournée de sa vocation.

« Instrumentaliser la science, la retourner contre elle-même, en faire un outil de distraction, brouiller ou inverser sa perception par l’opinion et les responsables politiques, ne sont pas des tâches simples. Elles demandent de l’ingéniosité, de l’argent, du temps. L’objet de ce livre est de décortiquer les moyens par lesquels ces tâches ont été —souvent avec talent et réussite— menées à bien », écrit l’auteur en guise d’introduction.

Par un magnifique tour de passe-passe, Stéphane Foucart accuse les industries chimiques de « créer l’incertitude ». Un comble ! Car il ne peut ignorer que ce sont au contraire les mouvements écologistes antisciences qui ont utilisé et utilisent encore la stratégie de la « fabrique du doute ». Cela a été le cas dans les années 1970, pour contrer la montée en puissance de l’industrie nucléaire. Et depuis les années 1990, cette arme fatale est largement utilisée pour faire la guerre aux OGM. …

« L’instrumentalisation de la science est la forme la plus subtile de propagande », affirme Stéphane Foucart. Il parle en connaissance de cause : son livre en est un parfait exemple ! Il aurait ainsi pu l’intituler La fabrique du mensonge. Comment les journalistes scientifiques du Monde manipulent l’info et nous mettent en danger…

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« Les débats scientifiques peuvent être instrumentalisés» ; Stéphane Foucart

Intervention de  Stéphane Foucart sur ces controverses fabriquées de toutes pièces par les industriels.

Sciences Critiques – Comment avez-vous eu l’idée d’écrire La fabrique du mensonge ?

Stéphane Foucart – Ce livre vient d’abord du travail que j’ai mené sur la controverse climatique, qui est apparue en France au milieu des années 2000 avec l’émergence du climato-scepticisme. C’est à cette occasion que j’ai commencé à m’intéresser à la manière dont un discours scientifique peut être instrumentalisé, voire retourné contre l’esprit même de la science. Quelques années plus tard, j’ai fait la rencontre de l’historien des sciences américain et professeur à l’Université de Stanford, Robert Proctor, à l’occasion de la sortie aux États-Unis de son livre Golden Holocaust. La conspiration des industriels du tabac (éditions Des Équateurs, mars 2014).

Les cigarettiers ont été les premiers à user de l’extraordinaire force de persuasion que procure la production scientifique sur les responsables politiques, les médias et l’opinion publique.

Lors de notre entretien, il m’avait suggéré de jeter un œil sur ce qui relevait de la France dans un fonds documentaire connu sous le nom de « Tobacco Documents ». Ces archives rassemblent des millions de documents (rapports confidentiels, comptes rendus de recherches, etc.), les mémos et les messages internes des grands cigarettiers américains – Philip Morris, RJ Reynolds, etc. –, sur cinq décennies. Ils ont été mis à la disposition du public suite à une décision de la justice américaine à la fin des années 1990. Robert Proctor montre comment les industriels de la cigarette instrumentalisent la science, c’est-à-dire comment ils l’orientent pour produire des connaissances intéressantes pour eux, mais aussi pour susciter des « débats » dans la société. Historiquement, les cigarettiers ont été les premiers à user de l’extraordinaire force de persuasion que procure la production scientifique sur les responsables politiques, les médias et l’opinion publique.

A mon retour en France, je me suis donc penché sur les ressources francophones de cette archive qui n’avaient jamais vraiment été exploitées jusque-là. Et ça a été un choc… Je me suis rendu compte que ce que l’on considérait être des controverses scientifiques légitimes sur le tabac en France dans les années 1980-1990 étaient en réalité des débats fabriqués de toutes pièces par les départements de relations publiques de Philip Morris, RJ Reynolds, Lorillard et consorts, ceux que l’on appelle depuis les « Big Tobacco ». Cette découverte fût extrêmement perturbante pour moi, en tant que journaliste scientifique, car j’aurais pu, en toute bonne foi, donner à lire ces éléments à mes lecteurs, des éléments qui avaient en fait été totalement créés pour défendre les produits de ces entreprises. J’ai donc poursuivi mes recherches et je me suis aperçu que la « boîte à outils » inventée par les cigarettiers au milieu des années 1950 pour leur propagande est aujourd’hui utilisée par d’autres secteurs industriels.

Les controverses sont SOIT structurées de manière à complaire à certaines entreprises, soit la manière dont les médias se saisissent de ces sujets scientifiques est biaisée.

J’ai ainsi pu constater que sur toute une variété de sujets – l’augmentation de l’incidence de certaines maladies métaboliques, la perte de la biodiversité, et notamment la disparition des insectes pollinisateurs, par exemple –, les débats scientifiques peuvent être instrumentalisés. Soit ces controverses sont structurées de manière à complaire à certaines entreprises, soit la manière dont les médias se saisissent de ces sujets scientifiques est biaisée, et finalement la manière dont le public finit par les penser est complètement erronée. C’est tout cela qui m’a donné à la fois l’envie et la matière d’écrire mon bouquin.

Quels sont les « outils » utilisés par les industriels pour « manipuler la science et nous mettre en danger », pour reprendre le titre de votre livre ?

Il y a schématiquement quatre grandes formes d’instrumentalisation de la science. La première consiste à peser sur le corpus scientifique lui-même, c’est-à-dire sur ce que produit la communauté scientifique. C’est ce qu’ont fait les cigarettiers à partir des années 1950 en finançant des travaux de recherche. A cette époque, ces industriels, confrontés à l’apparition des cancers liés au tabac, vont par exemple financer massivement des laboratoires spécialisés en génétique fonctionnelle. Ces derniers travaillent sur les prédispositions individuelles et familiales à contracter telle ou telle maladie, ou encore sur les mécanismes moléculaires liés au déclenchement de ces pathologies. Ces recherches, qui ont d’ailleurs pu aboutir à des découvertes scientifiques réellement intéressantes, ont avant tout eu pour but de mettre au jour ce que les industriels appellent eux-mêmes les « causalités alternatives », c’est-à-dire tous les facteurs qui peuvent engendrer des maladies généralement attribuées au tabac. Et ils ont cherché dans toutes les directions. Leur but était de diluer la perception du risque liée à la consommation de cigarettes pour affirmer au final que, si fumer n’est pas très bon pour la santé, tellement d’autres choses sont toxiques, que fumer n’est en définitive pas si grave que ça.

Le but des industriels du tabac était de diluer la perception du risque liée à la consommation de cigarettes.

Idem sur la question du déclin des abeilles. Dès le début des années 1990, certains laboratoires académiques et certaines agences de sécurité sanitaire ont commencé à publier des travaux sur les pathologies naturelles de l’abeille, alors que celle-ci ne se portait globalement pas si mal — ce n’est que quelques années plus tard que son déclin a commencé. C’est à cette époque que les fameux insecticides néonicotinoïdes, aujourd’hui sur la sellette, étaient mis sur le marché… A l’époque, les revues scientifiques n’exigeaient pas la divulgation des sources de financement des travaux qu’elles publiaient et il n’est pas possible d’affirmer avec certitude que les firmes agro-chimiques ont joué un rôle dans cet intérêt soudain pour les pathogènes naturels de l’abeille. Mais dans les années qui ont suivi, on sait que des recherches sur les « causalités alternatives » aux pesticides ont été co-financées par les fabricants de pesticides. D’ailleurs, de manière générale, ces derniers relaient dans leur communication la thèse que ce sont les virus, les parasites et le manque de ressources nutritives qui sont la cause majeure du déclin mondial des abeilles.

Peser sur ce que produit la science reste très coûteux, alors les industriels vont aussi chercher à influencer l’expertise. C’est la seconde forme d’instrumentalisation de la science : il s’agit de placer, ou d’aider à placer, dans des organes d’expertise, certains experts en conflit d’intérêt ou des scientifiques dont on connaît les idées. Autrement dit, de les mettre au bon endroit au bon moment pour que ces gens-là rendent des avis « favorables ».

On arrive parfois à des situations aberrantes où des institutions disent l’exact opposé des agences de régulation. Tout cela parce que l’expertise a été instrumentalisée.

Aujourd’hui, par exemple, sur la question des perturbateurs endocriniens, il y a un hiatus gigantesque entre ce qui est produit par la communauté scientifique – ce sont des centaines d’études – et les déclarations des experts de l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) ou encore de la Food And Drug Administration (FDA) et de la Environmental Protection Agency (EPA) aux États-Unis. Les conflits d’intérêt y sont souvent quasi-structurels. On arrive d’ailleurs parfois à des situations aberrantes où des institutions, comme l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ou le Programme des Nations-Unies pour l’Environnement (PNUE), disent l’exact opposé des agences de régulation. Tout cela parce que l’expertise a été instrumentalisée.

 

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