Honte à la France

Pour protester contre l’expulsion à venir des migrants à Angres : rassemblement samedi 5 mai, 17 h 30 devant la mairie de Lens.

Deux commentaires et un communiqué de presse

************           *************

Lettre ouverte au Président de la République

Courrier d’une lectrice paru dans Politis de cette semaine

Monsieur le Président,

Vous venez d’effectuer, à quelques jours d’intervalle, deux entretiens télévisés et une intervention devant le Parlement européen pour justifier votre action. […] Je suis une vieille dame dont vous pourriez être le petit-fils et, si des naïfs peuvent se laisser abuser, vous êtes le premier président qui ait fait naitre en moi un sentiment de colère et surtout de honte.

Détruire le modelé social français en prétendant que c’est à cause de la dette – pour faire respecter un déficit de 3 % décidé arbitrairement – et qu’il est impossible de faire autrement est immoral. Il s’agit, vous le savez bien, d’organiser méthodiquement l’enrichissement des 1 % qui, en 2017, se sont déjà partagés 82 % des profits.

J’ai honte de voir le Parlement– au sein duquel échanges, discussions et amendements devraient avoir la première place dans une démocratie – réduit à l’état de bureau d’enregistrement de vos seules volontés […]. J’ai honte de ne pas voir sauter le ≪ verrou de Bercy ≫ afin que les malfrats qui font évader leurs capitaux puissent être poursuivis correctement. J’ai honte de voir supprimer l’impôt sur la fortune alors que, dans notre pays, selon les dernières statistiques, 5 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. […]

J’ai honte de la destruction des services publics, des écoles, des hôpitaux, de la SNCF au motif d’une ≪ ouverture à la concurrence ≫ censée améliorer leur fonctionnement, alors que le contraire s’est produit dans les pays qui l’ont déjà fait ou dans les services qui, comme La Poste, ont déjà subi cette ouverture chez nous. […]

J’ai honte de voir la Sécurité sociale, cette magnifique œuvre solidaire, mise a mal pour le seul intérêt des assurances privées, au détriment, là encore, des plus démunis. […]

J’ai honte de la destruction imbécile et infâme, sans véritable concertation, des projets notamment agricoles mis sur pied à Notre-Dame-des-Landes. […]

Vous voulez être respecté, Monsieur le Président, alors soyez respectable ! On n’insulte pas impunément le peuple qui vous a permis, parfois contre son désir, d’occuper la plus haute charge de la République […]. « Les gens qui ne sont rien », « les fainéants », « les cyniques » et ceux qui « foutent le bordel » au lieu de chercher du travail en ont assez d’être méprisés.

La France n’est pas une start-up, c’est un grand pays qui a une devise magnifique –≪ liberté, Egalite, fraternité ≫–, à laquelle nos anciens avaient cru bon d’ajouter ≪ laïcité ≫, leur indispensable corollaire. Sous votre férule, cela n’a plus […] aucun sens. La France n’est plus qu’une donneuse de leçons rigide qui piétine chez elle et ailleurs les droits humains dont elle était l’instigatrice. Oui, la vieille dame que je suis a honte de ce que devient notre pays !

Recevez, Monsieur le Président, l’expression de mes salutations républicaines et laïques.

CD

************                   ************

Pas question pour moi de généraliser … Cependant il est clair qu’un certain état d’esprit porte de nombreux responsables en France à donner des impulsions qui vont dans un sens dont personnellement je ne suis pas fier, et que en conséquence il est hors de question que je valorise un jour ce pays comme il est appelé par celles et ceux qui se sont vus porter au pouvoir quel qu’en soit le niveau. Il y a trop d’injustice pour que je puisse le faire sans me sentir en décalage avec ce que je pense d’une société fraternelle.
Les sujets pour argumenter mon propos seraient nombreux. Il s’agit ici de simplement dénoncer les conditions d’expulsion des familles rroms et des migrants de toutes natures. Chacun  sait ce qui se passe autour de Calais, à la frontière avec l’Italie et dans d’autres coins de France.
Aujourd’hui, deux événements locaux pour expliquer mon courriel.
A Angres,  le camp de migrants vietnamiens va être démantelé malgré la volonté de la maire locale de  maintenir ce lieu de survie quand même plus confortable que la terre humide d’un bois, d’un fossé, du dessous d’un pont. Le préfet en a décidé autrement.
A Liévin, une famille (11 personnes) a été expulsée jeudi 26 avril, sans proposition d’hébergement. Parmi ses membres, une maman de deux jeunes enfants et enceinte de huit mois, une autre avec ses deux enfants de 1 et 3 ans, deux personnes âgées dont une nécessitant des soins importants. Ils sont allés grossir les effectifs de familles déjà installées en squat ou en foyer d’accueil temporaire  (dans ce cas sans accord de la structure les hébergeant).
Le quotidien, dirai-je, mais quand même, je ressens  à la fois de la honte, de la peine, de la haine, une impuissance coupable, de la colère … C’est ce côté froid des mesures inhumaines qui sont exécutées qui me choque. Je suis trop certain que ça ne chagrine pas les exécutants pour accepter leurs explications ou excuses :  » On ne fait que notre travail, on ne fait qu’appliquer la loi » ; et pourquoi pas  » C’est l’intérêt supérieur du pays ! »
En quoi creuser le malheur de ces gens nous enrichit-il ? Elle est où la richesse et la fierté en maintenant sans toit des personnes, des enfants, alors que des milliers de maisons issues du patrimoine des houillères sont inhabitées, bouclées, grillagées, … pendant des années ? Ah oui c’est pour assurer leur sécurité hors de ces maisons insalubres  et pour éviter toute plainte en cas d’accident à l’intérieur de ces logements… et …et … que des bonnes raisons !

Vers qui crier encore ? J’ai tellement l’impression que peu sont celles et ceux qui, ayant le pouvoir de faire quelque chose, sont prêts à entendre et à agir ?

Les récentes déclarations relatives au « délit de solidarité  » (c’est quand même magnifique ceci dans nos lois) pour ceux qui aident des étrangers et à la criminalisation des lanceurs d’alerte aussi sont vraiment écœurantes.

JQ

***********        *********

Communiqué de presse de « Fraternité Migrants bassin minier 62 »

Après le démantèlement contraint des camps de migrants de Calais, Tatinghem, Norrent-Fontes, c’est maintenant de tour de celui d’Angres.

« C’est le dernier du Pas-de-Calais, il doit disparaître » répète Monsieur le Préfet d’Arras.

Les migrants de passage d’origine vietnamienne sont installés depuis 2010 sur un terrain mis à disposition par la municipalité d’Angres qui s’est mobilisé pour assurer des conditions respectueuses de la dignité humaine à ces exilés (accès à l’eau, sanitaires, chauffage au bois l’hiver).

Rappelons ici qu’assurer certaines conditions minimales d’humanité n’est pas un devoir ; c’est une obligation de par la loi.

Le collectif « Fraternité migrants bassin minier 62 » dénonce aujourd’hui les pressions exercées sur Madame la maire de Angres, par le Préfet si elle ne sollicite pas le démantèlement.

Les raisons de sécurité évoquées officiellement pour justifier le démantèlement sont tout à coup urgentes ? Pourquoi réagit-on aujourd’hui ? L’insécurité ne s’est pas aggravée depuis 2010 et les maisons quasi-mitoyennes de l’usine PALCHEM sont-elles aujourd’hui hors du périmètre létal dont nous parle M Le Préfet dans son arrêté ?

Les raisons de la fermeture du camp sont disproportionnées au regard du contexte d’autant que l’État n’a jamais assumé ses responsabilités règlementaires en la matière, laissant la collectivité locale seule  « gérer » les conséquences des politiques migratoires européennes.

Le Préfet du Pas-de-Calais s’inscrit dans cette politique inhumaine, mais aussi coûteuse et inefficace, qui consiste à réprimer plutôt que de prendre en compte la réalité : ce ne sont pas les camps qui créent la migration. À Calais, sur l’ensemble du littoral et jusqu’en Belgique, malgré les démantèlements, les exilés sont toujours là, poursuivis par les autorités, isolés devant la pression des passeurs ; ils continuent de risquer leur vie pour passer en Grande-Bretagne.

Mme la maire d’Angres l’a bien compris : l’aire d’autoroute sur A26 à trois encablures de l’Angleterre continuera d’attirer les migrants de passage, vietnamiens ou de toute autre nationalité. Que fera-t-on de ces personnes après les avoir enfermé 90 jours (merci M Collomb) dans des centres de rétention administrative surpeuplés. Tout le monde sait bien qu’ils ne repartiront pas : aucun accord n’existe avec ces pays.

Le collectif Fraternité migrants du bassin minier du Pas-de-Calais salue la ténacité dont Mme COUPIN, maire d’Angres, a fait preuve jusqu’à maintenant en assumant une politique d’hospitalité et d’humanité malgré les difficultés rencontrées depuis plus de 10 ans.

Nous partageons avec elle l’inquiétude des conséquences du démantèlement : précariser davantage la situation des migrants, les jeter dans la rue, rendre les relations avec leur voisins français encore plus tendue, favoriser le mécontentement de tous et donner du grain à moudre aux extrémistes de tout poil, renforcer leur dépendance aux passeurs, créer des conditions d’insécurité pour tous.

La France pays des droits de l’homme mérite bien mieux que cela.

Nous ferons un cercle du silence pour protester contre cette politique migratoire inique relayée par notre préfet  le samedi 05 mai à 17h30 place Jean Jaurès à LENS face à la mairie

Soutenez-nous ! Soutenons-nous ! Soyons nombreux !