Sauver la planète

Stop à la croissance et aux écoles d’économie et de commerce !

Les déchets, la transformation des forêts en latérite, les bidonvilles, la mercantilisation de l’air, de l’eau et des gaz à effets de serre… sont des créations de richesses et de la croissance. Bernard Maris (1995)

Puisque nos dirigeants (politiques et économiques), sont aussi incompétents, fous et pervers, notre type très particulier de civilisation risque vite de s’éteindre. John. K. Galbraith (1918)

Cette guerre (entre capitalistes) a ceci de particulier qu’elle ne se gagne pas en recrutant mais en congédiant les armées de travailleurs. Entre les généraux de l’industrie c’est à qui pourra congédier le plus de soldats. Karl Marx (1849)

Un petit préambule

La pandémie de covid et les catastrophes que nous vivons en ces jours ne sont qu’un prélude aux cataclysmes qui nous guettent. Nous avons dévasté et mis sens dessus-dessous notre planète. Le coupable est multiple mais le plus direct reste la façon dont on conduit l’exploitation de ce que la terre donne depuis près de deux siècles. En tête vient la façon de pratiquer l’économie et d’user de son bras armé, l’école de commerce.

Stopper la croissance[1]

Dès le début des années ‘70, le Club de Rome et les travaux de Meadows et Forrester, 0nt donné le rapport Halte à la Croissance ! Déjà il était établi, solides simulations à l’appui, que continuer à faire de l’économie-gestion-croissance sur le mode des années ’60 (déjà) le monde irait vers de catastrophes en crises qui culmineraient, selon les modélisations, avec un cataclysme planétaire majeur vers les années 2015 – 2020 ! Prémonition imparable ! Avertissements et alarmes se sont multipliés. Des centaines de rapports se sont succédés : GIEC, OCDE, Club de Rome. Un économiste Chilien, Manfred Max-Neef, a montré que depuis la décennie 1980, chaque dollar de plus dans la « croissance » (PNB…) se payait avec plus de dégâts que le dollar précédent : plus de pauvreté, chômage, pollution, GES… Mais nul n’en eu cure. Ni milieux d’affaire, ni politiciens, ni écoles d’économie-commerce. La croissance DOIT continuer, même si tout premier venu peut comprendre que nulle croissance continue, infinie / maximaliste n’est possible en notre terre. Comment ose-t-on encore parler de « retour de croissance qui nous sortira de la crise du Covid » !? Puisque c’est justement la façon de faire cette croissance qui nous y a mené ![2]

Stopper les écoles d’économie[3]

Fermer les écoles d’économie, à l’origine des théories du « comment faire de la croissance infinie » est un premier pas absolu. Cesser immédiatement d’enseigner une pensée économique dangereuse et dépassée (néolibérale à 99 %), course au saccage de cette planète, me parait aussi évident qu’indispensable. Continuer ainsi, relève de l’acte criminel, sachant ce que nous savons, et ce que nous observons. Comment oser continuer à enseigner qu’enrichir toujours plus les riches, faire croître PNB et PIB…. sans limites, seraient encore la bonne façon d’assurer prospérité et qualité de vie ? Je demande de stopper cette gabegie intellectuelle d’autant que l’économie n’a jamais été une science. Ce n’est qu’une idéologie au service de ceux qui en profitent en dégradant, détruisant chaque jour davantage ce qui nous est vital : l’air, l’eau, les océans, les forêts, le climat, les terres, les équilibres des écosystèmes…

Stopper les écoles de commerce

Qu’est-ce qu’une école de commerce si ce n’est le bras armé « décérébré » au service du « cerveau » qui pense et assigne ce qui doit être fait pour concrètement servir l’économie : l’économisme néolibéral ? On ne fait qu’y mettre en pratique ce que dicte l’idéologie des desideratas des riches. En fait, on y endoctrine à ce qui peut servir les intérêts des insatiables plus nantis de notre monde ! Il n’y a là ni sciences, ni connaissances, ni savoirs (j’en donne des preuves dans les livres cités plus haut). De fait il n’y a que techniques, formules et procédures aussi aveugles que brutales du how to make money à tout prix. Aucune question du type au détriment de qui ? de quoi ? pour qui ? pourquoi ? jusqu’à quelle limite ?… n’y est admise. Seul le How To désincarné et insensé y règne. Qui me prouvera qu’il y a quoi que ce soit tenant du « scientifique » ou de la « connaissance » (au sens de la physique, la philosophie, la sociologie, l’anthropologie, la biologie…) dans la comptabilité ?  la finance ? la dite stratégie d’entreprise ? le management (défini par Fayol lui-même comme la doctrine synthétisant la pensée des dirigeants) ? dans les théories  du leadership ? de la motivation… etc., etc. Or des techniques, des formules de finances, des procédures, et des décalogues de how-to, je le répète, non seulement ne sont ni savoirs ni sciences, mais pire : ce sont des techniques et procédures qui, sans connaissances pour les encadrer, ne sont que du non-sens, porté par des gens que l’on fait se croire « savants ». Point. Et c’est un professeur d’économie-management chevronné qui vous le dit.

Conclusions provisoires

Arrêtons les massacres provenant de ce que les business economics et les business admnistration schools induisent ! Ce sont elles qui poussent sans cesse à vénérer le dieu-dogme de la croissance maximaliste infinie. Comme le dit un Henry Mintzberg lui-même, dans Managers not MBA’s, ces écoles forment des illusionnés du « savoir total » et de la toute-puissance (dans le sens où ils savent fort peu des vraies sciences ou connaissances, ne fonctionnent qu’avec leur bagage de 1er cycle souvent étroit et hyper spécialisé, puis sont « saupoudrés » de plusieurs pseudo savoirs en « miettes » et en « capsules » qui les font se penser omniscients). Pratiquement et couramment des gens qui ont dans la tête qu’ils sont de « grands savants », notamment sous les effets de la mystérieuse énorme aura qui entoure le titre de MBA ! Or des pseudo omniscients qui se croient si savants peuvent vraiment devenir dangereux tant ils sont armés de certitudes, si ce n’est d’arrogance. Le philosophe Michel Serres reprend, dans Le Tiers instruit, à peu près les mêmes idées – sans parler des MBA –  à propos des certitudes et des illusions de « détention de vérités » et d’omniscience que procurent, entre autre, l’abus des chiffres et la sur-mathématisation de la pensée.

Toutes choses sur lesquelles nous reviendrons en notre prochaine chronique, ainsi que sur les pistes de solutions et d’actions pour sortir de cette crise sans reproduire ce qui l’a provoquée, et faire en sorte que toute la population de la planète puisse survire et, plus tard, mieux vivre tout en étant plus en harmonie avec les lois de la nature et de l’écologie.

Omar Dr Aktouf, PhD
Professeur titulaire-honoraire, HEC Montréal

Auteur de La stratégie de l’autruche, et de Halte au gâchis et chroniqueur vidéo notamment dans :

https://fr.sputniknews.com/
https://www.geopolitica.ru/en/video/kesh-politics
https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Encerclement
https://www.youtube.com/results?search_query=omar+aktouf
https://www.ouishare.net/magazine

Commentaires bienvenus à l’adresse mail suivante : omar.aktouf@hec.ca

Notes

[1] On pourrait me rétorquer qu’on y parle de responsabilité sociale, développement durable, d’économie soutenable, verte, circulaire… je pourrais contre-rétorquer point par point, mais vu les questions d’espace, je ne répondrais ici que : « tout cela n’est qu’incantations creuses » destinées à se donner un vernis de bonne conscience. Rien de fondamentalement destructeur, à commencer par les profits maximaux n’y est remis en cause. On pourrait aussi me rappeler les cas du tiers-monde qui « sans croissance »… là aussi il y a des réponses comme l’idée de « croissance organique différenciée » du Club de Rome, la taxe Tobin…
[3] Je dis stopper ou “fermer” écoles d’économie et de commerce, dans le sens de « telles qu’elles sont aujourd’hui », et en attendant de redéfinir à fond tout ce qu’on y enseigne.

pour.press