La Grande Peur des gouvernants

« Tout atteste que le point de bascule est proche »

Paru le 14 décembre 2018

Combien le pouvoir a peur en ce moment, voilà ce dont nous ne prenons que peu à peu la mesure. Jamais on a vu se dessiner avec tant de netteté le parti furieux de ceux qui ont tout à perdre à la chute de l’ordre actuel. La soudaine unanimité avec laquelle la quasi-totalité du personnel politique et médiatique aura appelé à ne pas manifester à Paris le 8 décembre, les menaces de morts proférées à l’endroit de ceux qui oseraient le faire et enfin les mesures de terreur policière qui furent appliquées à ceux qui bravèrent ces menaces témoignent de la terreur qui, ce jour-là, habitait le coeur du pouvoir. L’état de siège et l’ambiance de psychose entretenue la semaine dernière ne révèlent pas une stratégie sans révéler un symptôme. On apprenait mardi qu’un hélicoptère attendait Emmanuel Macron à tout hasard au milieu du bunker en quoi était changé l’Elysée. Peu à peu, malgré un soigneux black out médiatique, on prend la mesure de la folie qui a saisi ce jour-là les forces de police. La vidéo de Mantes-la-Jolie, tournée par un policier, parle pour toutes celles qui ne sont pas parvenues jusqu’à nous. Et qui ne nous parviendront que le jour où le pouvoir ne risquera plus de vaciller sous l’effet de leur révélation. Manifestement, en ce 8 décembre, un pouvoir aux abois a donné carte blanche à la police comme à la DGSI, avec le résultat que l’on sait.

Le mode martial n’a que moyennement réussi au pouvoir : il n’y eut à Paris le 8 décembre ni moins de manifestants ni moins de casse ni moins de barricades ni moins de pillage que le 1er, plutôt même beaucoup plus. Il y eut en revanche nettement plus de blessés et d’interpellés que la découverte de la garde-à-vue préventive n’aura pas manqué d’énerver plus encore. La brutalité planifiée et mise en œuvre a tout rendu plus âpre, plus sombre, moins euphorique. Les feux ne sont plus des feux de joie quand vous ne croyez plus que vous parviendrez à prendre l’Élysée. La casse, alors, est de dépit. Les pillages sont de vengeance ou de circonstance, non plus de gratuité. L’opération du 8 décembre ne visait pas qu’à maintenir l’ordre ; elle entendait aussi dégoûter les jeunes ouvriers « de province » qui composaient la masse des manifestants de jamais remettre les pieds à Paris. Quiconque a approché les Champs-Élysée ce jour-là sait ce que le verbe « traumatiser » veut dire. Quant à ce qui s’est passé en « province » le 8 décembre, cela n’a pas manqué d’accroître la grande peur des gouvernants, qui les rend si féroces. Férocité qui n’interdit pas le discernement : « La plupart d’entre nous pensaient que la stratégie du pourrissement allait payer », se désole un conseiller du Président.

Cette semaine, c’est donc l’appel à la raison, à la responsabilité, voire l’imploration qui font suite à la menace. On mobilise opportunément en renfort les morts d’un attentat pour appeler à ce que le mouvement cesse. On verse des larmes de crocodile. On tente de faire pleurer dans les chaumières en interviewant les derniers commerçants que l’on n’a pas encore remplacés par des chaînes ou des grandes surfaces. On évoque les yeux humides la « magie de Noël », qui n’émeut plus guère que ceux pour qui Noël est d’abord synonyme de chiffre d’affaire. On préférerait tant que les gens fassent leur fête en famille plutôt que de faire la fête aux gouvernants. Que les feux d’artifices ne visent pas les policiers, et derrière eux la préfecture, la mairie ou l’Élysée. Que le réveillon ne soit pas la fête de tous ceux qui se sont réveillés. Car voilà le grand désarroi des gouvernants : par un étrange effet de contagion, il semble que les gens se sont mis à voir, et à voir ensemble. Il y a en ce moment comme un effet de voyance collective. Le premier des gilets jaunes venu, sur son barrage, donne des leçons de lucidité aux analystes politiques les plus chevronnés ; et en plus, il a le sens de la formule. C’est bien parce que les gens se sont mis à voir qui et comment on les gouverne, qu’ils n’écoutent plus les gouvernants. On ne la leur fait plus. On peut les enjoindre à se rassembler sur le Champ de Mars tant qu’on veut, on peut leur offrir une fan-zone sur les Champs-Élysée, on peut mettre en scène des concessions d’escroc ou des « négociations avec des représentants des gilets jaunes », on peut appeler à l’union nationale contre le « terrorisme », au « respect des victimes », à la solidarité avec les forces de l’ordre. On peut se démener tant qu’on veut, déployer la plus impeccable rhétorique, en rajouter dans la communication de crise et dans l’extorsion de bons sentiments, en ce moment plus personne ne croit, plus personne n’est dupe, parce que tout le monde voit. Tout le monde voit, notamment, que le pouvoir ment. « La classe ouvrière, disait Mario Tronti, est une rude race païenne ». Il n’y aura donc pas d’union nationale des agneaux autour de Mère-Grand. Le pouvoir et ses bobardiers, réduits à crier au « conspirationnisme », y sombrent à leur tour en cherchant la main de la Russie derrière les gilets jaunes. Un pouvoir qui en est réduit à s’agiter aussi pathétiquement sous le regard goguenard de ses sujets est un pouvoir destitué de fait, quel que soit le temps qu’il mette, pour finir, à quitter la scène. Sa rigueur est celle de la mort.

Tout atteste que le point de bascule est proche. Les forces de l’ordre admettent qu’elles n’ont plus de réserves supplémentaires, en termes d’hommes comme en termes d’énergie et de matériel. Le mouvement parviendra-t-il à conserver en lui assez de force pour pousser jusqu’au point de renversement ? Les barrages se maintiendront-ils pour multiplier les blocages efficaces ? Des formes en naîtront-elles qui nous débarrassent du faux problème de la représentation ? L’intensité insurrectionnelle s’accroîtra-t-elle ce samedi en province pour converger à Paris le 22 décembre ? Qu’allons-nous faire pour le réveillon ? Après tout, si nous vivons, nous vivons pour marcher sur la tête des rois.

Lundi.am

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Ah, ça oui ! Il faut le reconnaître. Il nous a ému, Manu. Il nous a entendu ; il faut dire qu’avec les coton-tiges grands comme des poutres que les infirmières lui avaient préparés, ça a dû bien lui déboucher les pavillons. Et, vous vous rendez compte, tout ce qu’il a fait depuis qu’il est président, c’était pour nous. Il nous aime tellement ! C’est pour nous qu’il avait augmenté la CSG, réduit les APL, augmenté la taxe carbone, etc. Pour notre bonheur, par amour pour nous. Et quand il nous accablait de son mépris, c’était aussi par amour. Pour nous pousser à donner le meilleur de nous-mêmes.

D’ailleurs, la preuve : il nous aime tellement qu’il a compris que le paquet de cacahuètes annoncé par le premier ministre, la semaine dernière, ce n’était vraiment pas assez. Alors là, d’un seul coup, il en a mis quatre sur la table, des paquets de cacahuètes. Pour qu’on comprenne enfin combien son amour pour nous est immense.

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Interpellé par 5 voitures de la DGSI, placé 36h en garde à vue

Il mangeait des croissants avec Julien Coupat, deux gilets jaunes dans le coffre

Samedi 8 décembre, alors que 9000 policiers interpellaient préventivement des centaines de gilets jaunes pour les empêcher de manifester et permettre à leur ministre de tutelle de parader fébrilement à la télévision, Julien B. musicien, s’est fait braquer au Buttes Chaument par une dizaine d’agents des services secrets.

Ami de longue date de Julien Coupat, nous nous sommes entretenus avec lui afin qu’il nous raconte cette arrestation aussi spectaculaire que ridicule et ce week-end inattendu mais instructif à de nombreux égards.

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Tout brûle déjà : écologie sans transition

Notes sur la marche pour le climat, le 8 décembre à Paris

Si tout ce qui change lentement s’explique par la vie, tout ce qui change vite s’explique par le feu. Le feu est l’ultra-vivant. Le feu est intime et il est universel. Il vit dans notre cœur. Il vit dans le ciel. Il monte des profondeurs de la substance et s’offre comme un amour. Il redescend dans la matière et se cache, latent, contenu comme la haine et la vengeance.

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Réflexions sur la question jaune

« Si toutes les voitures étaient brûlées, toutes les vitrines brisées, le monde s’en porterait mieux. »

 « Tu n’opprimeras pas le salarié humilié, pauvre, parmi tes frères ou parmi les étrangers demeurant dans ton pays, dans tes portes. »
Deutéronome

Le monde meurt d’empoisonnement, il n’est que temps de s’insurger.

Le responsable de l’intoxication du monde, c’est le monopolisme publicitairement assisté.

Comme le Mal, dont il provient, ce système de domination et de ravage a emprunté divers noms dans l’histoire des temps modernes : « Bourgeoisie », « Capitalisme », « Nihilisme », « Spectacle », « Technique », « Néo-libéralisme »…

Hic et nunc, on le nommera le MACRON : Monopolisme Assisté par la Communication Rigide et Orgueilleuse d’un Nanti. Ailleurs il pourrait s’appeler le TRUMP : Toupet Ridicule d’un Ubu Mercantile Putassier. C’est idem.

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Les peuples veulent la chute des régimes

Echos syriens dans le surgissement des Gilets Jaunes

Nous, qui avons connu la révolution syrienne, sur place et en exil, nous sommes réjouies d’assister au soulèvement du peuple français. Nous sommes, par contre, interpellés par les “mesures de sécurité” et de “maintien de l’ordre” exercés contre les Gilets Jaunes dans ce pays dit des “droits de l’homme”. Pourtant, nous n’étions pas dupes de la vitrine démocratique de la république française, nous souhaitons seulement faire constater que c’est l’État lui-même qui est en train de la briser.

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Que veulent les gilets jaunes ?

Une seule chose, une simple chose : la démocratie

L’abolition de LA DICTATURE ÉCONOMIQUE.
Non M. le PR, les gilets jaunes ne veulent pas de votre aumône octroyée puis gérée technocratiquement (va-t-elle on non « creuser le déficit » ? sera-t-elle un nouveau bon prétexte pour avancer encore plus d’ajustements structurels ou de CASSE sociale ?)
Les gilets jaunes ne veulent qu’une seule chose.
Cette chose, ce gros mot, dont vous avez soigneusement évité de parler.
Nous voulons LA DÉMOCRATIE.
L’abolition de toutes les institutions dominées par la finalité économique (l’écodicée pour faire aussi savant que vous), l’abolition de la république économique de la caste des technocrates (le grand bunker du néolibéralisme).
La révolte nécessaire des gilets jaunes n’est que la manifestation de ce fait massif que nous ne sommes pas en démocratie.
Le soulèvement attendu des gilets jaunes est l’expression de cette évidence partagée que l’état des choses, qu’il faut bien nommer « république », république économique si l’on veut, que l’état des choses « républicain » n’est pas une démocratie.
La république n’est pas la démocratie.

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A  propos d’une conférence de citoyens

Elle a eu lieu en février 2002 !

Le thème était : « changements et citoyenneté »

Ses conclusions :

« Les instances démocratiques traditionnelles ont montré leurs limites. La conférence citoyenne nous a permis d’explorer une nouvelle voie : la voie de la démocratie directe.

Le citoyen n’est pas un intermittent de la vie politique mais l’acteur à part entière de son  devenir. De même que les changements climatiques ne connaissent pas de frontières, la  citoyenneté peut être le vecteur d’une solidarité universelle, seul comportement rationnel et  responsable face à un choix crucial :

  • Soit nous continuons dans la voie actuelle d’une croissance économique forte et nous sacrifions les générations futures
  • Soit nous modifions radicalement nos comportements et nous garantissons un développement durable de notre planète. »

Extrait d’un document publié par Michel Husson

On peut dire que ce document est toujours d’actualité !